09/09/2005

"Le 04/09/1992

J'ai vu Liberty Valence.

Je viens de lire un poème d'Henri Michaux intitulé Mains élues. Si le mot méditation était synonyme de vision, c'est ainsi que je voudrais que soit le cinéma. Pas tout le cinéma mais au moins un film sur mille.

Sortir d'une salle de cinéma apaisé, guéri... pur sentiment d'être un homme parmi les hommes. Plus tard le souvenir de cet instant comme d'un instant de bonheur." p. 15

"Le 30/06/1993

Mon frère. Je ne pourrais pas faire ce film sans lui et il ne pourrait pas faire ce film sans moi. [...] Si j’écris ces notes à la première personne du singulier, je sais qu’elles sont écrites à la première personne du pluriel. Ses questions sont les miennes. Souvent ce sont elles qui me poussent à écrire ces notes comme le transcripteur d’une réflexion, d’une pensée partagée.
C’est la même chose pour le scénario. Je tiens la plume, mais elle écrit à deux mains. Difficile à élucider, d'autant plus fort et parfois accablant sentiment de solitude durant l'écriture existe chez chacun. " p. 24

"Le 23/08/1996
"L'homme fuit l'asphyxie", a écrit René Char. C'est cela que nous racontons, rien d'autre." p. 60

"Le 23/11/2002
Je suis à Hanoi pour tenter de transmettre quelque chose de notre expérience de cinéastes à de jeunes cinéastes d'ici. J'ai revu nos films. Les mouvements de notre caméra sont rendus nécessaires par notre désir d'être dans les choses, à l'intérieur des rapports entre les regards et les corps, les corps et les décors. [...] Peut-être trouvons-nous là, à proximité des choses, entre les corps, une présence de la réalité humaine, un feu, une chaleur qui irradie, qui brûle et isole du froid triste qui règne dans le vide, le trop grand vide de la vie. Notre manière de na pas désespérer, de croire encore." p.139

Luc Dardenne, Au dos de nos images, 1991-2005 suivi du scénario du Fils et de l'Enfant de Jean-Pierre et Luc Dardenne, La Librairie du XXIe siècle, Edition du Seuil, 2005

Reproduit avec l'aimable autorisation des Edition du Seuil.