email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FILMS / CRITIQUES

L'étrangère

par 

- Une premier long bouleversant récompensé notamment par le Prix Lux 2010 du Parlement européen et le Label Europa Cinemas au Panorama de la Berlinale 2010

La section Panorama de la Berlinale a présenté cette année un premier long métrage allemand, L'étrangère [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Feo Aladag
interview : Feo Aladag
fiche film
]
de Feo Aladag, d'une beauté et d'une maîtrise telles que le titre aurait pu prétendre à la compétition.

On comprend dès la décision de la belle Umay d'avorter au tout début du film, malgré son immense instinct maternel, que l'on a affaire à une héroïne forte qui se fait violence pour rompre avec le rôle que lui assigne sa culture d'origine, une rupture qui passe par plusieurs départs. Ainsi, le film suit le parcours bouleversant de la jeune femme, remarquablement interprétée par Sibel Kekilli (qui se rebellait déjà contre les traditions turques dans Head-On de Fatih Akin), à partir du moment où elle quitte Istanbul pour protéger son fils des coups d'un mari auquel elle-même n'arrive plus à rester soumise et retourne dans sa famille, installée en Allemagne (un parcours qu'Akin fait dans le sens inverse dans De l'autre côté [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Fatih Akin
interview : Klaus Maeck
fiche film
]
).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Hélas, à cette table familiale aussi le ton monte facilement, la rébellion d'Umay (pourtant sobre et contenue) étant vue, notamment par le père et le plus violent de ses frères, comme une honte pour eux tous. "Si seulement tu étais un garçon", lui dit son père, qui a du mal à obéir à l'impératif catégorique des traditions mais n'a pas d'autre choix que de s'y résoudre, de même que les autres, y compris ses meilleurs alliés, sa mère, sa soeur et son frère cadet, dont le manque d'autoritaire brutalité fait dire au père qu'il n'agit pas en homme.

Umay se retrouve donc acculée, obligée de fuir, de nouveau, ceux qu'elle aime malgré tout pour éviter les représailles et la violence des hommes de sa famille et leur épargner l'opprobre dans leur communauté. Dans le centre d'accueil pour femmes maltraitées où elle trouve un refuge temporaire, elle se retrouve cette fois devant une table vide, seule, amputée de l'amour des siens, et le spectateur, bouleversé par le visage calme et pur de madone d'Umay, sur lequel s'arrête longuement la caméra, et les regards d'une douceur infinie qu'elle échange avec son enfant, en vient naturellement à partager son désarroi. Le portrait de cette famille turque-allemande n'étant pas manichéen, pas exempt de tendresse, on espère comme Umay qu'entre la communauté et elle, c'est elle que sa famille élira. En effet, sa détermination à protéger son fils n'a d'égale que la persévérance avec laquelle elle continue de tenter en vain de renouer les liens brisés. Ce qu'Umay choisit, c'est de pouvoir choisir, d'aller contre la docilité et l'acceptation aveugle des règles auxquelles sa famille se raccroche ("les choses ne sont pas toujours comme on veut", affirme sa mère résignée) et de suivre son coeur.

La réalisatrice souligne ici l'absurdité d'un choix qu'on ne devrait pas avoir à faire en même temps, hélas, que son irrémédiabilité, de sorte qu'on s'aperçoit après avoir tant espéré pour Umay que le film est moins l'histoire d'une libération qu'une véritable tragédie, et la femme à l'enfant seule contre le monde du début finira par s'éloigner seule, son enfant dans les bras. Ici, pas d'"autre côté", le destin d'une épouse turque reste le même de part et d'autre de la Mer Noire.

L'étrangère a également gagné le Prix Lux 2010.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy