email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FILMS / CRITIQUES

Une vie tranquille

par 

- Le second film de Claudio Cupellini est aussi son plus réussi. Après le titre de meilleur acteur à Rome pour Toni Servillo, il a reçu le prix Cineuropa au Festival de Bruxelles.

Régulièrement, les réalisateurs italiens trouvent des langages différents pour aborder au cinéma le thème de la criminalité mafieuse qui sclérose leur pays. Avec Une vie tranquille [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Claudio Cupellini
fiche film
]
, Claudio Cupellini touche à ce sujet en l'exportant au delà des frontières transalpines dans une Allemagne rurale, terre d'accueil de nombreux émigrés italiens.

A 50 ans, Rosario est un immigré italien parmi d'autres qui vit une vie sans heurts dans la campagne allemande. Heureux chef de famille, propriétaire d’un hôtel-restaurant, citoyen respecté du voisinage et de ses employés, Rosario profite de ce havre de paix qu’il s’est bâti en une quinzaine d’années seulement. Mais un jour, deux jeunes italiens arrivent au restaurant et, confronté à son passé mafieux, Rosario doit faire des choix qui mettent en danger sa vie tranquille.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Après des prestations remarquées dans Gomorra [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Domenico Procacci
interview : Jean Labadie
interview : Matteo Garrone
fiche film
]
et Il Divo [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Nicola Giuliano
interview : Paolo Sorrentino
interview : Philippe Desandre
fiche film
]
, Toni Servillo fait une nouvelle fois preuve d'un charisme porteur dans un rôle qui lui a valu le Marc Aurèle de la meilleure interprétation masculine lors du dernier Festival de Rome. L'histoire est savamment huilée pour épouser les codes efficaces du film noir de gangsters, mais elle est doublée d'une réflexion profonde sur la famille et les choix cruciaux qui rythment la partition d'une vie. S’il brasse des sujets connus avec un mystère à peine dissimulé, le script se concentre moins sur un univers camorriste (comme c’était le cas de Gomorra) qu’il ne s’évertue à sonder le thème existentiel de la duplicité de l’être humain. Rangé, le personnage de Rosario est tiré en arrière par le poids de son passé et son coeur souffre de l'abandon forcé d'un fils, Diego, qui revient le hanter dans sa nouvelle famille. A travers une attitude de petite frappe délinquante, le spectateur n'a pas de mal à percevoir chez Diego une dangereuse naïveté. Pour Rosario, c'est tout le contraire. Ce pater familias bienveillant dissimule une part d'ombre froide et calculatrice, un instinct de survie dont on ne sait jamais s'il est justifié par la protection revendiquée de sa famille ou une profonde lâcheté induite par une crainte avouée de la mort.

Traitées avec justesse, ces histoires vieilles comme le monde valent toujours la peine d’être racontées. Elles remontent à l’essence du drame à condition, pour le spectateur, de se laisser aller à l’émotion exprimée par les personnages, tous impeccables ici.

Très européen dans son approche du langage, Une vie tranquille définit ses personnages en fonction de leur moyen d'expression. Chacun parle une langue différente qui se situe quelque part entre l’italien et l’allemand. L’allemand de Rosario est presque parfait, mais il est trahi par un accent impossible à dissimuler. L’italien forcé de son épouse traduit la limite de son engagement. Un enfant est bilingue, l’autre ne parle pas un mot d’allemand mais s'exprime dans un napolitain obtus qu'il partage avec un complice étranger à toute autre forme de langage. A l'inverse, les discussions animées entre Rosario et son cuisinier vénitien sont pratiquées dans une langue plus pure pour exprimer les signes d'une amitié sincère. Les mots recèlent une double importance, mais comme souvent, ce sont les non-dits qui font le reste des conversations : ce qu’on imagine, ce qu’on ne sait pas, ce que d’aucuns comprennent même lorsque c’est l’inverse qui est effectivement formulé.

Une vie tranquille, c’est une histoire de famille qui tourne bien avant d’aller mal. Le second long métrage du réalisateur Claudio Cupellini est aussi son plus réussi, juste suffisamment débarrassé de la symbolique, souvent lourde, que le réalisateur aime déployer. Ici, il y a encore l’un ou l’autre passage superflu. On comprend mal l'explosion du début ou le détour inutile du scénario pour que le personnage principal puisse avoir une conversation avec Dieu. De même, une légère baisse de rythme dans le troisième acte semble due à des raccords trop elliptiques, mais la fin rattrape ces imperfections comme un filet qui boucle l’histoire et resserre ses éléments. Quand le piège se referme, Cupellini pose la question de l’intérêt d’y échapper si ce n’est que partie remise, un sursis et non une vraie libération en soi.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy