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FILMS / CRITIQUES

Jeune & jolie

par 

- Le réalisateur français, François Ozon, offre à la compétition cannoise un récit initiatique osé et touchant sur l’éveil à la sexualité par l’intermédiaire de la prostitution

Pour réussir son Jeune & Jolie [+lire aussi :
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interview : François Ozon
fiche film
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, le réalisateur français, François Ozon, devait d’abord s’assurer un premier rôle féminin qui colle parfaitement à ces critères. C’est chose faite en la personne de Marine Vacth qui, très tôt dans cette compétition officielle, électrise le 66e Festival de Cannes. Comment traiter de la prostitution sans lourdeurs ? En parlant de tout autre chose et en racontant le passage à l’âge adulte, la perte de l’innocence, sujet éculé que l’angle de la prostitution rafraîchit. Avec le ton qu’on lui connaît, Ozon nous livre sa version actualisée de La Boum (Claude Pinoteau, 1980) dans un récit structuré en quatre saisons. En été, Isabelle couche avec son premier garçon la veille de ses 17 ans, sur une plage de vacances. Instantanément, elle réalise à quel point elle est capable de se dissocier de l’acte sexuel. Ce sont les détails autour qui attirent son attention et qui l’attirent, mais "c’est fait" même si elle était ailleurs. En automne, Isabelle — étudiante aisée qui n’a pas le moindre problème financier — se prostitue sous le couvert d’un pseudonyme. Elle rencontre des hommes plus âgés sur un site internet, fait des passes dans des hôtels de standings variables. Elle explore. Elle ment à tout le monde sauf à elle-même. Elle accumule de l’argent qu’elle ne dépense pas, dont elle n’a pas besoin. En hiver, sa double vie est mise à nu et livrée au jugement de sa famille. Isabelle est exposée et elle adapte son personnage pour traverser cette saison avec la maîtrise et le contrôle dont elle a fait preuve jusque là. C’est toute la provocation du film. Isabelle est saine. Le pourquoi de ses frasques n’est jamais complètement expliqué, peut-être parce qu’il n’existe que dans des détails qui relèvent de ses fantasmes, qu’il passe par le comment. Isabelle reste dissociée, spectatrice de son expérimentation, comme lors de son premier rapport. 

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Outre les quatre saisons symboliques, chaque segment est ponctué d’une chanson de Françoise Hardy, généralement sursignifiante dans les paroles («je ne suis plus celle que j’étais, tu as fait de moi tout autre chose...»), presque là pour le style et la hype ravivée qui accompagne l'icône des sixties dans le milieu artistique branché français. Ozon va jusqu’à reprendre le On est pas sérieux quand on a 17 ans d’Arthur Rimbaud dans un montage documentaire qui se justifie un peu par l’analyse scolaire du poème, interprété personnellement par chaque ado. C’est peut-être trop didactique pour le public auteuriste pur et dur, mais c’est cohérent avec la filmographie de François Ozon. Car le réalisateur / scénariste est souvent conceptuel et Jeune & Jolie fait beaucoup d’efforts pour boucler sa quadrature. Le film aurait pu s’arrêter avant le printemps, sur un plan exagérément métaphorique qui associe les sentiments adolescents à l’image du cadenas fermé à l’issue d’une boum de notre époque. Ozon préfèrera un épilogue printanier qui achève de passer l’éponge sur ce qui aurait pu être un drame profond, inter-générationnel et sociologiquement destructeur, mais qui s’assume presque comme une belle "passe" dans le parcours d’une adolescente normale, faussement malsaine (n’en déplaise à sa mère : "elle a le vice en elle") et forcément touchante.

Wild Bunch prend peu de risques avec Jeune & Jolie qui comporte son lot de scènes osées, mais qui saura atteindre efficacement plusieurs générations, cinéphiles ou non. Son habile mélange d’humour noir, d’érotisme et de fond humain inscrit définitivement le film dans l’ère du temps.

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