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Samir • Réalisateur & producteur

Révolte vilipendée

par 

- Rencontre avec un cinéaste aux multiples facettes qui tisse une œuvre atypique et bigarrée tout entière dédiée à l’avènement d’un monde plus poétique et plus juste

D’origine irakienne, Samir est à l’évidence un enfant des "Contes des Mille et Une Nuits" tant la richesse de son imagination n’en finit pas de surprendre. S’inspirant cette fois de la Blanche-Neige des frères Grimm goûtant à la pomme défendue, il explore les abysses des paradis artificiels. Pour Cineuropa, il explique cette démarche originale où s’imbriquent superficialité, fable et morale pur sucre.

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est-il un film-testament de l’époque sex, drugs, rock’n’roll et politique ?

Samir : C’est vrai. Ces empreintes me constituent... Je suis aussi toujours curieux de voir remuer la société et je caresse le rêve qu’elle va bouger pour de bon !

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Avec le recul, êtes-vous étonné de constater que les jeunes se tournent toujours vers la drogue ?
Je me sens bien sûr concerné ! Et c’est précisément mon étonnement de voir le triangle constitutif de la révolte que sont la jeunesse, la drogue et la musique tomber dans la pure consommation qui m’a poussé à faire ce film. Comme je suis un vieux gauchiste, mon regard sur les jeunes n’est pas négatif et moralisateur, mais certainement très moral. Je pense en effet qu’il est nécessaire, aujourd’hui, de prendre position.

Comment s’est dessiné le personnage de Nico, pauvre petite fille riche qui se laisse aspirer dans la spirale de la drogue et de la prostitution ?
Ce sont toutes mes vieilles copines !... (rires). Blague à part, je connais des filles comme elle. Ce serait d’ailleurs dingue de penser que nous ne sommes pas tous attirés par le monde superficiel, opulent et beau où évolue le personnage de Nico. Nous sommes tous des pauvres êtres biologiques fascinés par ce qui brille! Comment d’ailleurs espérer changer le monde sans cette connaissance et cette réflexion sur la séduction? Ça me fait penser à cette boutade d’Oscar Wilde, à qui l’on demandait comment il pouvait être fortuné et de gauche : "Parce que je veux que tout le monde vive comme moi dans la richesse !" rétorquait-il. Je pense aussi que la richesse de cette société doit nous revenir à tous, et pas seulement aux riches !

Le scénario de Snow White semble taillé sur mesure pour Carlos Leal, chanteur du fameux groupe "Sens Unik" aujourd’hui dissout. Est-ce le cas ?
Son désir de devenir acteur et notre amitié m’ont bien sûr inspirés ! Dès que l’écriture du premier exposé de Snow White a été terminée, je l’ai tout de suite fait traduire en français pour qu’il le lise. Et je pense que Carlos est vraiment un bon acteur car jouer un caractère aussi proche de soi est très difficile. Mais si son parcours dans le milieu de la musique hip-hop figure dans le film, je tiens à préciser qu’il est très différent de son personnage dans la vie : il est sérieux, mais pas rigide !

Alors que le jeune public s’est identifié au film, l’accueil de la profession a été très froid au Festival de Locarno : on semble attendre de Samir, cinéaste suisse d’origine irakienne, qu’il ne dévie pas de sa trajectoire politique et ne fasse que des films dans la veine du documentaire Forget Baghdad. Que pensez-vous de ces attentes et de ces critiques ?
Il y a deux types de critiques. L’une porte sur la simplicité du film et sa morale élémentaire. Dans ce cas, il y a à mon sens un a priori : on déduit d’un sujet apparemment superficiel que le film est superficiel. L’autre reproche provient des adeptes de la "ségrégation positive", qui considèrent que le fils d’émigré irakien que je suis est censé se consacrer à son peuple. C’est un peu comme si on me déniait le droit de marcher sur d’autres plates-bandes. Bien sûr, je connais le monde des émigrés et le Moyen-Orient, mais j’ai aussi grandi en Suisse !

La situation dans votre pays d’origine, l’Irak, s’inscrit-elle dans vos projets ?
Avec un écrivain irakien, j’ai un projet de fiction qui se déroule dans les années 1950 avec des Chiites, des Juifs, des vieux communistes, des colons anglais et des agents américains. Le décor du film se situera dans le sud de l’Irak et j’espère pouvoir y tourner si la situation s’améliore d’ici deux ans. Sinon, j’essayerai de trouver des grandes palmeraies en Egypte. Parallèlement, je développe un thriller politique ancré à Genève dont le héros est un musulman fondamentaliste en cavale qui sollicite l’aide d’un vieux journaliste suisse travaillant pour un quotidien respectable...

Vous êtes aussi producteur de Snow White. Pouvez-vous présenter votre société de production, Dschoint Ventschr, (orthographe phonétique alémanique de Joint Venture) ?
Après dix ans d’existence, 15 longs métrages documentaires et 13 fictions pour le cinéma et la télévision, Dschoint Ventschr veut mettre l’accent sur les films susceptibles d’être distribués en Europe. Snow White, qui est bilingue (français et allemand), s’inscrit d’ailleurs dans cette stratégie d’ouverture. Deux autres films que nous avons produits, Nachbeben (Going Private) de Stina Werenfels et Ricordare Anna de Walo Deuber, mélangent aussi les langues et les origines. En Europe, on a tendance à croire que la question de la langue est un handicap insurmontable, mais en Suisse, qui en compte quatre, la gestion de ce problème est notre quotidien naturel.

Snow White est sorti en Suisse. Va-t-il être distribué dans d’autres pays ?
Le film sort en Allemagne au printemps, ensuite en Autriche cet été et en automne en France si les négociations en cours aboutissent. Nous sommes aussi en discussion pour la Belgique et le Canada.

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