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Marco Bellocchio • Réalisateur

Amour, sacrifice et euthanasie

par 

- La Belle endormie aborde une affaire qui a divisé toute l'Italie

Dans La Belle endormie [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Marco Bellocchio
fiche film
]
, présenté dans le cadre de la compétition de la Mostra de Venise, Marco Bellocchio revient sur les six derniers jours d'Eluana Englaro, et sur une affaire qui en 2009 a divisé l'Italie et déchaîné les passions parmi les citoyens comme dans le monde politique, entre les partisans de l'acharnement thérapeutique et ses détracteurs. La jeune femme était alors dans le coma depuis 17 ans.

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Cineuropa : Le film revient sur ces moments de déchirement comme s'il s'agissait d'un psychodrame collectif.
Marco Bellocchio : L'Affaire Englaro a fait la une des journaux, des informations télévisées et des sites Internet, tandis que devant la clinique où la jeune femme était hospitalisée, seul un petit groupe de gens protestaient qui ont pris part à quelques altercations, mais rien d'autre. Pendant ce temps, l'Italie se préparait d'un côté à défendre sa Constitution, de l'autre à hâter la loi interdisant l'euthanasie. Dans un espèce d'effet de montage à la Griffith (c'est-à-dire avec deux actions parallèles présentées en alternance pour créer un sentiment d'attente, ndlr.), le pays était plongé dans l'angoisse, tandis que la vie de cette pauvre jeune fille approchait de son terme naturel.

Dans le film, les politiciens sont définis ironiquement comme des "malades mentaux".
Le film n'exprime pas de mépris à leur encontre, il évoque plutôt leur désespoir et leur confusion. Je constate chez eux une certaine inhumanité pathologique qui me préoccupe plus que l'avidité ou le désir d'occuper un fauteuil. C'est de là que vient leur désespoir, et ils en sont conscients.

Le film montre aussi un monde catholique qui ne remet rien en question et ne laisse pas de place aux positions différentes des siennes.
Mon intention, ma stratégie, n'était pas de rendre compte de toutes les positions dans l'Affaire Englaro. Je me suis passionné pour une histoire à laquelle certaines figures du monde catholique ont pris part. Certaines choses ne peuvent être effacées, elles restent gravées dans les esprits. Il n'y a pas de position médiane, on ne peut raconter cela avec objectivité, un concept qui ne sert ici à rien. J'ai de très bons rapports avec beaucoup de catholiques, avec ceux pour lesquels il y a un terrain d'affrontement, d'affection et d'échange. C'est cela qui m'a intéressé dans le rapport entre les personnages de Michele Riondino et Alba Rohrwacher : ils sont de bords opposés comme Roméo et Juliette, et se demandent s'ils peuvent s'aimer bien que l'une ait la foi et l'autre non.

Un des sujets du film est le sacrifice. On dépend tous de quelqu'un d'autre.
Le sacrifice est un concept religieux propre au catholicisme. On sacrifie sa vie, son bonheur. Nous avons été élevés dans l'idée du sacrifice et c'est un gros problème !

Le film arrive sur les écrans italiens quelques jours seulement après la mort du Cardinal Martini, qui a rouvert le débat sur l'euthanasie.
"Je ne suis pas un cynique. Le scandale cinématographique n'existe plus, parce que d'autres médias viennent avant, comme Internet, qui en annulent la possibilité. Je me suis toujours efforcé de faire des bons films. Cela ne m'intéresse pas d'instrumentaliser des sujets à scandale".

Le film a tellement effrayé la Région Frioul Vénétie Julienne que la commission du film locale a été supprimée, pour empêcher que le film soit financé.
La Ville d'Udine a collaboré soigneusement et attentivement avec nous. Nous avons tourné une semaine devant la clinique et il n'y a jamais eu aucun incident. Aucun citoyen n'est venu protester. Pour des raisons qui sont, j'imagine, politiques, la Province et la Région, dont les élus sont de centre-droit, ont voulu livrer bataille et nous boycotter a posteriori. Le film avait déjà obtenu ce qui lui revenait. Ce qui est grotesque, et fait bien ressortir l'aspect autodestructeur de la classe politique, c'est que la commission du film régionale ait été abolie, au nom d'un 'principe' politique.

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