email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Jeppe Rønde • Réalisateur

"Comment expliquer le sens de la vie?"

par 

- Il a fallu sept ans au documentariste danois pour réaliser Bridgend, son premier long métrage de fiction, un film qui traite de faits réellement advenus.

Jeppe Rønde • Réalisateur

Après une série de documentaires encensés, le Danois Jeppe Rønde a présenté cette année son premier film de fiction, Bridgend [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, inspiré toutefois de faits réels : une vague de suicides d'adolescents dans une ancienne ville minière du sud du Pays de Galles. Bridgend fait actuellement le tour des festivals internationaux et il a remporté récemment trois prix à Tribeca : meilleure actrice, meilleure photographie et meilleur montage narratif. Camera Film le lance sur les écrans danois le 25 juin.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Cineuropa : Comment avez-vous eu vent de ces suicides survenus à Bridgend, et pourquoi avez-vous voulu explorer le phénomène ?
Jeppe Rønde : Après avoir lu un article sur la question dans un journal danois en 2008, j'ai décidé de me rendre à Bridgend pour voir si ce que suggérait l'article était vrai. Il disait en effet que les suicides étaient liés entre eux, peut-être par le biais d'une secte en ligne, parce que tous ces jeunes gens allaient sur le web et se connaissaient dans la vraie vie. En arrivant à Bridgend, la première fois, j'ai senti que quelque chose était dans l'air dont j'avais déjà fait l'expérience quand j'ai vécu à Jérusalem pendant la deuxième Intifada, en 2002, pour faire Jerusalem My Love, sur la nature de la croyance pendant la guerre. La guerre et la religion sont deux choses qui prennent le pas sur l'ego et le transforment en un "nous". Et c'est ce que j'ai retrouvé à Bridgend. Le "moi" n'avait pas vraiment sa place parmi les jeunes, qui se comportaient plus ou moins consciemment comme une entité unique, un groupe mu par un pouvoir universel partagé, une force engageante, séduisante même – quelque chose qu'on a tous en nous, une force plus grande, étrange et violente, où chacun pourrait peut-être trouver sa propre identité.

Vos recherches ont duré six ans.
Il faut du temps pour gagner la confiance de jeunes, et de nombreuses familles ont été refroidies par tous les journalistes qui se sont fait passer pour des VRP ou des Témoins de Jéhovah pour entrer chez elles. J'ai donc passé plusieurs années avec ces gens, nous sommes devenus amis, et je pense que c'était important. Un soir, je suis convaincu qu'ils m'ont fait passer un test : à une fête, j'ai bu un verre dans lequel quelque chose avait dû être ajouté, car je n'ai aucun souvenir de la suite. Le lendemain, je me suis réveillé avec les genoux brisés et du sang partout sur mon lit. Quand j'ai demandé ce qui m'était arrivé, les locaux m'ont dit : "Eh, quoi, tu es bien rentré chez toi finalement, non ?". Ils en rient encore.

Cherchiez-vous à résoudre le mystère ?
Comment expliquer le sens de la vie ? Bien sûr que j'aurais aimé trouver le Pourquoi, et que j'ai questionné tout le monde à ce sujet, mais personne n'avait la réponse, enfin pas une réponse qui peut se traduire par des mots. Il s'agissait de découvrir un autre langage, un langage cinématographique qui puisse rendre compte de l'obscurité comme des aspects fascinants des actes de ces jeunes et de cet inconscient qui est en nous. De donner une représentation artistique aux forces à l'oeuvre. Le film est donc une étude sur les jeunes qui se sont suicidés, mais aussi sur tout le monde, parce qu'on a tous cela en nous – et ceux qui disent que ces événements se limitent au Pays de Galles n'ont pas compris qu'il pourraient arriver n'importe où.

Pourquoi faire de cette histoire une fiction et pas un autre documentaire ?
Pour moi, il n'y a pas de différence entre documentaire et fiction : l'important, c'est d'user du langage qui convient le mieux pour raconter une histoire. En tant qu'artiste, c'est ma responsabilité morale. Qu'une histoire soit racontée par de vrais gens, des acteurs ou un peu des deux, comme dans Bridgend, ne la rend pas plus ou moins vraie. Au bout du compte, cela reste ma vision de l'histoire, ma vérité et ma manière de raconter l'histoire.

Les personnages sont-ils de véritables habitants de Bridgend ? Comment les avez-vous choisis ?
Tous les personnages du film sont inspirés de personnes que j'ai rencontrées là-bas, souvent plusieurs à la fois, pour que personne ne soit reconnu – car ils pourraient se retrouver exclus de cette communauté, ou pire. J'ai aussi promis que je ne remercierais personne au générique. Le casting a duré un an et demi. Pendant ce lapse de temps, je me suis rendu compte que pour les rôles principaux (les  jeunes qui ont les expériences les plus difficiles), il était essentiel d'avoir de très bons acteurs, pour qu'ils tiennent le coup. Il était aussi important qu'ils ne jouent pas. Nous voulions qu'ils se comportent exactement comme les jeunes de Bridgend, ce qu'on a obtenu à la perfection en mêlant locaux et acteurs professionnels.

Le tournage a-t-il été difficile ?
Il a dépassé toutes mes attentes. Nous avons tourné dans le pub de la ville, à l'église, au commissariat local, à l'école et dans de nombreux foyers, y compris celui du vicaire. Les habitants de la région nous ont beaucoup aidés, ce à quoi je ne m'attendais pas. Je pensais tout de même me heurter à certaines résistances. Et non, il n'y a pas eu de suicide pendant le tournage.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy