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Tobias Nölle • Réalisateur

“Il ne joue pas Aloys ; il est Aloys”

par 

- BERLIN 2016 : Cineuropa a rencontré le réalisateur suisse Tobias Nölle, qui a présenté en avant-première mondiale son film Aloys dans la section Panorama de la Berlinale

Tobias Nölle  • Réalisateur

Cineuropa a rencontré le jeune réalisateur suisse Tobias Nölle, l’une des têtes pensantes à l’origine du projet collectif Wonderland [+lire aussi :
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, qui a présenté en avant-première mondiale son fascinant film Aloys [+lire aussi :
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dans la prestigieuse section Panorama de la Berlinale.

Cineuropa : Qu’attendez-vous de la projection d’Aloys en avant-première dans la section Panorama de la Berlinale ?
Tobias Nölle :
La Berlinale fait partie des événements les plus prestigieux pour présenter son film, donc je me sens extrêmement honoré. Plus concrètement, j’espère que certains spectateurs emporteront un peu d’Aloys et de Vera avec eux en sortant du cinéma, dans un coin de leur esprit ou de leur subconscient, pour qu’ils puissent les accompagner dans la dure réalité qui les attend à la sortie du cinéma. 

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Aloys parle de l’aliénation d’un héros contemporain dont la personnalité est aux antipodes de celle d’un James Bond. D’où vous vient cette idée ?
Il y a déjà suffisamment de James Bond au cinéma actuellement. Je ne suis pas James Bond, mes amis non plus d’ailleurs ; nous en sommes même très loin. Nous ne sommes pas non plus des Aloys Adorn, mais nous nous en rapprochons peut-être un peu plus. Je suis fasciné par les antihéros qui sont de vraies loques au début du film, voire des psychopathes ou des idiots asociaux, mais qui ont un secret, une qualité humaine enfouie en eux et qui se révèle peu à peu, qui les rend vraiment uniques et les place au cœur d’un univers magique et parfait. J’adore les gens qui n’entrent pas dans les cases, qui ne suivent pas à la lettre les codes imposés par la majorité. Je les appelle les diamants bruts – ils n’essayent pas de s’adapter à tout prix à la société et ont su conserver ce qui fait leur essence au lieu de devenir des moutons sans cervelle qui suivent d’autres moutons sans cervelle. Les personnalités particulières sont un sujet récurrent de mes films. Je pense qu’il est vital de garder à l’esprit qu’il n’y a aucun mal à être différent, à éprouver des choses étranges, à ne pas aimer ce que tout le monde aime et à ne pas vivre en suivant une voie toute tracée. Au final, c’est ça qui nous rend si spécial et nous différencie des milliards d’autres êtres humains vivant sur Terre ; c’est même ça qui fait notre charme. Imaginez un monde où nous serions tous James Bond : ce serait horrible.

Pourquoi avez-vous choisi Georg Friedrich pour jouer Aloys ? Était-ce un choix évident dès le départ ?
Non, absolument pas. Au début, certains étaient contre cette idée – y compris le producteur. Ils avaient peur qu’il soit trop dur et trop extraverti pour le rôle. Mais j’ai ensuite trouvé une interview en ligne dans laquelle il m’est apparu très différent : il y avait une sorte de timidité charmante et d’anticonformisme qui se dégageaient de lui, ce qui était parfait pour le rôle. Nous l’avons donc invité à passer une audition à Vienne, mais ça a été la pire audition de ma vie : il n’avait pas appris une seule réplique, et il s’est assis plus loin, sur le canapé, en marmonnant avec son accent autrichien qu’il avait horreur des castings. J’ai essayé de travailler avec lui à ce moment-là, mais ça a été un échec total. C’était horrible ; mon rêve volait en éclats. Je n’ai pas pu dormir de la nuit, et le lendemain j’ai appelé son agent pour savoir si je pouvais voir Georg encore une fois, mais en tête à tête cette fois, dans ma chambre d’hôtel. Ça a été encore pire ! Je pense que nous avions tous les deux trop peur d’échouer. Et puis, 15 minutes avant mon départ en taxi pour l’aéroport, il est sorti de sa coquille. J’ai alors commencé à lui poser des questions en étant derrière la caméra : ce qu’il éprouvait pour son père, si ce dernier lui manquait, ce qu’il ressentait à présent qu’il était seul. Nous étions davantage en situation d’entretien, mais Georg a tout à coup commencé à répondre comme le ferait Aloys. C’était un véritable miracle de dernière minute ; je n’oublierai jamais ce moment. De retour à Zurich, quand j’ai montré les “images de l’hôtel” à mon producteur, il m’a dit : “Il ne joue pas Aloys ; c’est Aloys. S’il-te-plaît, Tobi, donne-lui le rôle !”

La question des réseaux sociaux et du gouffre entre vie réelle et vie virtuelle vous a-t-elle inspiré pour ce film ?
Oui et non. J’étais plus intéressé par la question fondamentale de l’amour et de la perception qu’on en a, le “gouffre” comme vous l’appelez. J’avais envie d’explorer le chemin que peut nous faire parcourir notre imagination, de m’intéresser au moment où l’irréel remplace le réel, pour finalement devenir folie ou schizophrénie. De par mes relations personnelles, j’ai évidemment moi-même été confronté à ce “gouffre”, à ce conflit entre la réalité et notre perception des choses. La plupart du temps, on a l’impression que notre imagination est plus belle que la réalité, mais ce n’est pas le cas : l’imagination est juste plus rassurante. Si les spectateurs quittent la salle de cinéma en ayant l’impression d’avoir laissé cette zone de confort derrière eux, ce sera déjà une petite victoire pour moi !

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(Traduit de l'anglais)

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