email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Mehmet Can Mertoglu • Réalisateur

"Je ne ressens ni haine, ni sympathie pour les personnages"

par 

- CANNES 2016 : Le jeune cinéaste turc Mehmet Can Mertoglu, évoque son premier long métrage, Album de famille, découvert en compétition à la Semaine de la Critique

Mehmet Can Mertoglu • Réalisateur

Rencontre sur la Croisette avec le jeune cinéaste turc Mehmet Can Mertoglu (27 ans) qui a dévoilé son premier long métrage, Album de famille [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Mehmet Can Mertoglu
fiche film
]
, en compétition à la Semaine de la Critique du 69e Festival de Cannes. Un film démontrant une grande maîtrise formelle et un potentiel très prometteur.

Cineuropa : Quel a été le point de départ d'Album de famille ?
Mehmet Can Mertoglu : Je suis très intéressé par la question de l'écriture de l'Histoire et je m'interrogeais sur les contradictions entre les discours oraux et les histoires écrites. Et l'idée d'explorer ce sujet à travers un couple qui adopte un enfant m'a attiré.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

D'où est venue justement l'idée que ce couple fasse de fausses photos de la femme comme si elle était enceinte alors qu'elle ne l'est pas ?
D'abord, je suis intéressé par le fait que la photographie est le moyen le plus utilisé pour représenter les choses dans le monde moderne. Personnellement, je déteste poser pour des photos, mais j'ai grandi en province et comme je faisais mes études à Istanbul, à chaque fois que je rentrais, on me demandait comment ça se passait. Or, je n'ai pas terminé mes études à la faculté et à un moment, j'avais pensé à faire une fausse photo d'étudiant. Je ne l'ai pas fait, mais cela m'a fait réfléchir. Ensuite, j'ai beaucoup d'amis adoptés. Ces idées se sont entremêlées et le film en est sorti.

Quid du côté relativement mystérieux de la motivation de ce couple à se livrer à cette opération de fausses photos ?
Effectivement, je n'en parle pas de façon très explicite, mais l'adoption est un très grand tabou en Turquie. Dans le film, c'est un peu comme s'il y avait un éléphant dans une chambre, mais on ne le voit pas, c'est un éléphant invisible. Et quand certains de mes amis adoptés ont découverts tardivement qu'ils n'étaient pas des enfants naturels, cela a été très difficile pour eux et quelques uns n'ont pas pu surmonter cette découverte et ont mal tournés. En Turquie, les gens perçoivent malheureusement l'adoption de manière très négative et cela pèse sur le film. 

Le portrait du couple est très réaliste, dans la banalité de leur quotidien, mais il y a des pointes surréalistes. Quelle était votre intention exacte en la matière ?
C'est plutôt lié à mon regard. Quand je rentrais en province, j'observais les gens, la bureaucratie, etc., et à partir d'un moment, même s'ils se comportaient de façon très banale, vraie, réelle et quotidienne, j'avais ces impressions que vous appelez surréalistes. Par exemple, dans la scène du film au centre des impôts, personne ne dort comme cela, mais la lenteur qui se dégage du lieu me fait penser à ce genre de situation. On peut dire bien sûr que ce sont des moments d'exagération, mais en réalité, c'est juste ce que je perçois des comportements de la vie banale du quotidien. 

L'absurdité de la vie est très présente dans le film. Jusqu'à quel point vouliez-vous pousser cette approche ?
Je ne ressens ni haine, ni sympathie pour les personnages. C'est lié aux codes culturels du pays et aux problèmes de la classe moyenne. Pour ces gens qui n'ont pas vraiment d'espoir et qui ont beaucoup de problèmes à régler, il y a un peu de déprime dans leur vie et cela se réfléchit un peu dans le film.

Le film est un tableau assez féroce de l'être humain, de la société turque, de l'agressivité ambiante, du racisme.
C'est vraiment la réalité de la Turquie, il n'y a aucune exagération. Le racisme est très ancré et nous avons quantité de proverbes racistes par exemple, même si la Turquie est héritière de l'Empire ottoman qui était multiculturel. Je sais que c'est choquant et cela l'est aussi pour moi. Idem pour les injures. Mais personne ne remet ça en question car les gens ont d'autres problèmes.

Quelles étaient vos intentions pour la mise en scène qui est très sophistiquée ?
Je suis avant tout un cinéphile et pas du tout un professionnel de l'industrie du cinéma. Et en tant que spectateur, je n'aime pas qu'un réalisateur me force à voir quelque chose. Je préfère les plans larges où on donne au spectateur la liberté d'explorer ce qui existe au premier plan, à l'arrière plan. Je cherche à ce qu'il y ait tout un univers dans chaque cadre et à tisser un fil invisible qui relie les séquences. Enfin, en ce qui concerne les décors, nous avons fait beaucoup de recherches et ce sont tous de vrais lieux que nous avons gardés tels quels.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy