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Faouzi Bensaïdi • Réalisateur

"Mort à vendre a eu un très bel accueil critique au Maroc"

par 

- Cineuropa a rencontré Faouzi Bensaïdi au 3ème festival CineMondo, organisé par l’Académie de France à Rome du 21 au 26 Novembre

Faouzi Bensaïdi • Réalisateur

Cineuropa était partenaire de la 3ème édition du festival CineMondo, organisée par l’Académie de France à Rome du 21 au 26 Novembre. Pendant le festival, Cineuropa a rencontré Faouzi Bensaïdi, réalisateur de Mort à vendre [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Faouzi Bensaïdi
interview : Faouzi Bensaïdi
fiche film
]
, Prix CICAE au Panorama de la Berlinale et vainqueur à Bruxelles du Golden Iris Award et du Prix Cineuropa.

Cineuropa : Pourquoi avez-vous décidé de traiter ce sujet ?
Faouzi Bensaïdi : Je pense que les films se font parce qu’il y a des choses dans la vie de tous les jours qui nous touchent, qui restent avec nous et se transforment en émotions qu’on a envie d’exprimer. Pour ma part, mon moyen d’expression est le cinéma. Chez moi, l’idée se transforme en histoire d’un film, comme chez le peintre cela se transformera en tableau ou chez un écrivain en roman.

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Il est vrai que dans cette histoire il y avait beaucoup de choses qui me touchaient : cette jeunesse marocaine que je rencontrais, avec ce côté un peu désespéré ; cette jeunesse au milieu de ce monde globalisé, cette économie libérale sauvage. Il y avait aussi l’envie de filmer cette partie peu regardée du nord du Maroc et Tétouan, un peu la ville de mon enfance.

Mort à vendre est un portrait du Maroc actuel ?
C’est d’abord un portrait de personnages : de Malik, Soufiane, Allal et Dounia. Après, il est vrai que derrière le portrait de ces personnages que je connais très bien se dessine peut-être le portrait d’une partie de la jeunesse marocaine et je dirai même au-delà, vu que maintenant que le film a un peu tourné, j’ai l’impression qu’il pourrait également être un portrait d’aujourd’hui et de la jeunesse du monde actuel. J’ai reçu des retours de la part de gens d’un peu partout qui affirment se retrouver dans le vécu de ces jeunes ayant la vingtaine et dans leur envie de vivre dans un monde qui ne laisse pas de place à la fragilité et ni aux espoirs.

Quel accueil a eu le film au Maroc ?
Nous avons eu un très bel accueil critique. Le film a été beaucoup apprécié. Au moment de la projection en salle, les gens sont venus le voir comme un film d’auteur, ce qui veut dire qu’il n’y a pas eu des millions de spectateurs comme pour les grandes comédies, mais il y a eu un intérêt pour l’histoire.

C’est vrai aussi que le film ne donne pas toujours une image agréable du Maroc, ce n’est pas un portrait touristique du pays. Le film emploie un ton très libre ce qui a parfois déstabilisé des gens. Dans le cinéma marocain on a déjà vu des gens vivre, se bagarrer, manger, marcher ; là on voit aussi des gens s’aimer et faire l’amour, ce qui n’a pas été très évident. Ce n’est pas un thème très abordé dans le cinéma marocain, d’où le fait que cela prend du temps pour être accepté.

Quelle est la situation actuelle pour un réalisateur au Maroc ?
Il faut reconnaître que nous vivons un moment assez exceptionnel. Nous sommes le deuxième pays d’Afrique producteur de films après l’Égypte. Il y a deux évènements qui ont changé les choses : dans un premier temps l’arrivée des jeunes générations et de la notre autour du milieu des années 90, avec des courts-métrages à l’époque, qui renouaient presque avec le renouvellement générationnel. Pendant 20 ans il n’y a pas eu de nouveaux cinéastes et puis cette nouvelle génération est arrivée, avec beaucoup d’énergie, qui a amené un souffle nouveau dans le cinéma. Puis, peu de temps après (3-4 ans), il y a eu aussi une vrai prise de conscience de l’État et la décision d’investir dans le cinéma.

On est ainsi passé dans l’espace de 15 ans d’une production annuelle qui tournait autour de 2 longs-métragess et 3-4 courts-métrages à une production qui arrive aujourd’hui à 25 longs-métrages par an et de 60 courts-métrages. Il y a aujourd’hui des fonds d’aide importants et l’obligation des chaînes de télévision de participer dans le cinéma. Plusieurs écoles de cinéma ont ouvert, dont une importante est l’ESAV de Marrakech qui chaque année sort une vingtaine de jeunes spécialisés dans le son, l'image, le montage et la réalisation.

Un réalisateur aujourd’hui est donc dans une position où, économiquement parlant, il a la possibilité de trouver une bonne partie des financements au Maroc tout en étant au même temps dans un pays où l’actualité du monde est intéressante. C’est de très grand intérêt aujourd’hui d’être réalisateur dans un pays arabe. Etre de ce côté-là du monde donne la possibilité d’être témoin de cette époque très difficile à vivre mais aussi très riche.

Est-ce qu’il existe une censure ou bien une forme d’autocensure chez les cinéastes marocains ?
Non, au contraire. Je pense qu’au Maroc on a gagné un grand espace de liberté qui n’était pas là avant. On le voit d’ailleurs dans mon film : je filme des thèmes de rue, les personnages ont un dialogue de la rue, cru par moments et tout cela passe sans problème. Il n’y a ni autocensure de ma part, ni de censure d’autrui sur le film. Le film vie avec tous ses thèmes, qu’on n’imaginerait pas possibles dans le monde arabe. Je pense qu’au Maroc on est dans un moment fragile, c’est vrai, mais des possibilités se sont ouvertes.

Comment le film a été distribué au Maroc ?
Le film a été distribué il y a un an maintenant. Au Maroc, on n’a pas beaucoup de salles, 50 au total, la distribution a donc été faite en fonction. Ce n’était pas une grande campagne de distribution. Par contre le film a tourné dans les festivals internationaux (Toronto, Berlin...) et est sorti à l’étranger (France, Suisse). Il y a aussi des possibilités de sortie au Royaume-Uni et sur la chaîne télévisée HBO aux Etats-Unis.

En tant que réalisateur politiquement engagé, percevez-vous des changements dans les enjeux politiques actuels ?
Comme je disais tout à l’heure, il y a un espace de liberté qui a été gagné, qui n’est pas total bien entendu, mais il y a une parole qui s’est libérée depuis quelques années maintenant. Les journalistes, les musiciens, les cinéastes et la société civile ont participé à cette conquête. Maintenant, ce sont des acquis qui sont fragiles et qui ont besoin d’être défendus. Il faut donc rester alertes et faire attention que ces acquis-là ne disparaissent pas.

Vous pouvez nous donner un avis sur les nouvelles commissions qui ont été mises en place au Maroc pour l’attribution des fonds cinématographiques ?
L’idée était d’aller vers une majeure transparence. Au Maroc, il y a des commissions pour tout, même pour les festivals. C’est des commissions indépendantes, mais il faut faire attention parce qu'une multiplication des commissions peut correspondre à un problème : le manque d’une ligne éditoriale. Il serait bien que les télévisions et que les gens qui dirigent la fiction aient un choix, et qu’on puisse voir ces choix-là. À force de déléguer à des commissions, on peut se retrouver face à un non-choix, au manque d’une ligne éditoriale claire. Mais tout ceci est nouveau, il faudra du temps pour voir si cette expérience va fonctionner.

Qu'est-ce que cela signifie pour vous de participer à CineMondo, et qu’est-ce que cela vous fait d’être à Rome et à Villa Médicis ?
Cela me touche beaucoup. Mes films ont toujours été bien accueillis en Italie. J’ai pris part deux fois au festival de Venise, avec un court-métrage et avec un long-métrage. J’ai été à Milan, à Florence, à Turin, puis il y a eu la distribution de mon premier film. J’ai toujours reçu un accueil très chaleureux, je suis donc très content de pouvoir présenter mon film à Rome, et à la Villa Médicis tout particulièrement, et de revenir avec ce film en Italie : c’est toujours très particulier. Je crois qu’il y a des rapports comme ça parfois entre pays, des possibilités…sans être dans des idées clichées, j’ai l’impression qu’il y a vraiment quelque chose.

Vos prochains projets ?
J’en ai un, mais comme c’est en écriture je vais attendre pour en parler.

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