25/10/2017 - Nous avons rencontré Vicky Miha, productrice de Madame Luna de Binyam Berhane, pour Momento Film, un projet qui a remporté le Co-Production Development Award d’Eurimages au MIA de Rome

(© Vittoria Scarpa)

Produit par Vicky Miha et David Herdies pour la compagnie suédoise Momento Film, Madame Luna, du réalisateur érythréen Binyam Berhane, a remporté le Co-Production Development Award décerné par Eurimages le 22 octobre dernier à l’occasion du MIA – le Marché International de l’Audiovisuel de Rome. Nous avons parlé de ce nouveau projet avec Vicky Miha, dont la filmographie inclut le film nominé aux Oscars Canine [+lire aussi :
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interview : Yorgos Lanthimos
fiche film] de Yorgos Lanthimos, sur lequel elle a travaillé comme adjointe de production.

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Cineuropa: De quoi parle Madame Luna? Comment ce projet est-il né ?
Vicky Miha : Le projet vient d’un article de journal qu’a lu Binyam Berhane. Il parle d’une femme arrêtée en Italie, car elle serait responsable de la mort d’un millier de personnes lors d’une traversée en mer depuis la Libye jusqu’aux côtes italiennes. C’est une passeuse africaine, elle-même réfugiée, qui est ensuite entrée dans le programme de protection des témoins. La première idée était d’en faire un documentaire, mais comme cette femme avait déjà été arrêtée, il était impossible de montrer son histoire. C’est pourquoi David Herdies, mon partenaire de production, a décidé de développer un projet de film de fiction basé sur des faits réels, mais nous avons ajouté beaucoup d’éléments.

Il s’agit donc du premier film de fiction de Momento Film, une compagnie spécialisée jusqu’alors dans la production de documentaire.
Oui, c’est bien cela. Cependant, j’ai de l’expérience dans la fiction, c’est pour cette raison que je collabore avec cette société depuis 18 mois. La filmographie de Momento est essentiellement composée de documentaires, mais nous développons à présent cinq films de fiction, dont Madame Luna, mais aussi le premier long-métrage du réalisateur colombien Simón Mesa Soto, Palme d’Or du Meilleur court-métrage à Cannes. Ce nouveau projet, intitulé Amparo, sera présenté à Turin le mois prochain.

Comment la scénariste palestinienne Suha Arraf, récompensée grâce à La fiancée syrienne et Les Citronniers [+lire aussi :
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fiche film], s’est-elle intégrée au projet de Madame Luna ?
Quand David a participé au séminaire de production EAVE, à Prague, où le projet a été développé, il était à la recherche d’un scénariste, et le nom d’Arraf est revenu plusieurs fois : c’était un bon choix, c’est une bonne scénariste et elle pouvait apporter beaucoup à l’histoire, notamment une perspective féminine, ainsi que beaucoup d’énergie. Elle a beaucoup structuré l’histoire.

Le film sera une coproduction : avec quels pays voudriez-vous collaborer ?
La Suède est le producteur principal, et l’Italie est un partenaire stratégique, car 70 % du film s’y déroule, c’est pourquoi nous avons présenté le projet au When East Meets West de Trieste. C’est là que nous avons décroché notre participation au MIA de Rome, et nous en sommes ravis. Nous pensons à un troisième pays coproducteur, qui pourrait être la France, l’Allemagne ou le Danemark. Si cela s’avère utile au projet, nous pourrions ajouter un quatrième partenaire. La Grèce ne fait pas partie du projet pour le moment, mais on ne sait jamais.

Que signifie, à ce stade, remporter un prix tel que celui d’Eurimages ?
C’est extrêmement important, car il apporte une grande visibilité au projet, et nous permettra d’avancer dans les prochaines phases de développement. Les acteurs sont fondamentaux : nous sommes à la recherche de deux Africaines, et ce n’est pas facile, ce n’est pas un choix évident. Les histoires sur l’Afrique finissent souvent par mettre en scène un protagoniste blanc qui tente de faire ‘’quelque chose de bien’’. Le label d’Eurimages est donc très important à l’heure actuelle, car il confirme notre intention de raconter l’histoire du point de vue d’une Africaine. Et évidemment, cela nous aidera à collaborer avec des partenaires. Le prix financier (20 000 euros) est une somme considérable, mais cette reconnaissance est avant tout la preuve que cette histoire doit être racontée.

Quelles sont les directives de Momento Film en tant que maison de production ?
Parmi les productions les plus récentes se trouve Ouaga Girls [+lire aussi :
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fiche film], un film sur cinq mécaniciennes de Ouagadougou. Nous avons également en cours de production Hamada, un film du réalisateur espagnol Eloy Domínguez Serén, qui se déroule en Afrique du Nord, dans un camp de réfugiés situé au Sahara occidental, tout comme Gods de la réalisatrice multiprimé Ahang Bashi et Transnistra d'Anna Eborn. Les histoires produites par Momento Film sont très variées et se déroulent dans le monde entier, elles ne doivent pas nécessairement être suédoises ou européennes. Il y a beaucoup de diversité et de voix fortes, des histoires importantes, avec pour élément constant une question sociale en toile de fond ou au premier plan.

Quelle est l’évolution de la production en Europe ?
Nous devons relever de grands défis. Nous ignorons quel sera le modèle commercial à suivre au cours des deux prochaines années, car les grandes plateformes en ligne ne cessent de se développer. Nous pourrions vendre des films à ces plateformes, mais nous ne savons pas combien de personnes les verront, c’est un système encore obscur. Si nous ne savons pas si un film fonctionne ou non, comment ferons-nous pour produire le suivant et convaincre que c’est une histoire importante qui possède un public ? Les changements surviennent rapidement, mais cela crée également de nouvelles pistes à explorer.

Quelles sont les prochaines étapes du projet Madame Luna ?
Les prochaines étapes consisteront à finaliser quelques éléments créatifs, à travailler sur la troisième version du scénario, à trouver des partenaires potentiels et à introduire une demande de financement en 2018. Le tournage devrait commencer au printemps 2019. Le film a également reçu le soutien de Creative Europe et de l’Institut du cinéma suédois. 

(Traduit de l'italien)