email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Cédric Anger • Réalisateur

"Un faux film de genre"

par 

Né en 1975 et ancien journaliste aux Cahiers du Cinéma, Cédric Anger a ensuite bifurqué vers le scénario en particulier pour Xavier Beauvois (Selon Matthieu et Le petit lieutenant [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
) avant de réaliser son premier long métrage : Le Tueur [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
,distribué par UGC en France début 2008 et présenté au dernier festival de Rotterdam dans la section Sturm und Drang.

Cineuropa : pourquoi un film de genre pour votre premier long ?
Cédric Anger : je raisonne un peu en spectateur avec l’idée simple de faire des films que j’aurais envie de voir. Et si certains ont parfois besoin dans leur premier film d’exorciser quelque chose, de raconter une histoire intime comme Truffaut avec Les 400 coups, Beauvois avec Nord ou récemment Mia Hansen-Löve avec Tout est pardonné [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : David Thion
interview : Mia Hansen-Löve
fiche film
]
, je n’ai jamais éprouvé ce désir d’autobiographie. Se confronter au genre vient aussi du fait que c’est par là également que j’ai aimé le cinéma, avec les films de la Nouvelle Vague, mais surtout les longs métrages américains des années 70. En France, nous n’avons pas cette culture du genre comme les Américains pour jouer des conventions.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Quels ont été vos partis pris pour Le Tueur ?
C’est un faux film de genre car au-delà de l’intrigue, je souhaitais imprimer un style et un rythme personnels, voire de la lenteur avec des glissements, quelque chose qui entraîne tout doucement. Je voulais me libérer rapidement des soucis d’efficacité. Les personnages par exemple sont plutôt des figures : on ne connaît pas leur passé, leur présent, leur avenir, toute la psychologie en profondeur. J’ai appelé le film Le Tueur pour ça : on prend une figure et on s’amuse à lui faire un tour de piste dans un univers personnel. Il ne s’agit pas d’un film réaliste, mais plutôt d’une sorte de rêverie sur des figures dans ce quartier de l’Est de Paris que je voulais filmer avec des déplacements rigoureusement exacts (à la Rohmer) et en jouant quelquefois sur la lumière, en renforçant par exemple les couleurs comme nous l’avons fait lors de l’étalonnage numérique.

La vampirisation du tueur par sa cible est-elle l’unique fil conducteur du film ?
Il y avait deux idées. D’abord le tueur et sa cible n’existent que l’un par rapport à l’autre. Ainsi, ils font la même chose à des moments différents avec les scènes de baignoire ou dans la voiture de l’autre. C’est aussi dans cet esprit de parallélisme qu’il y a beaucoup de fondus enchaînés : c’est une manière de les lier, de montrer qu’il y a un rapport secret entre eux. Ensuite, il fallait voir à quel moment l’un des personnages entrait dans le mouvement de l’autre : c’est l’erreur du tueur qui va devoir décrypter ce mouvement pour pouvoir retrouver le sien et sa mission première. Je ne voulais pas de psychologie car je préférais montrer les comportements. D’ailleurs, au moment de la version pour l’international, nous nous sommes aperçus qu’il y avait deux tiers de dialogues de moins que dans un film français normal. Et ces partis pris de silence étaient présents dès l’écriture : faire un film un peu sec et sur la mise en scène. Car le personnage de la cible met en scène les autres et sa propre mort. Pour cette raison, je ne voulais pas trop de caméra à l’épaule (même si cela nous aurait fait gagner un peu de confort de travail). Je souhaitais qu’on filme des mouvements de caméras, qu’il y ait de la mise en scène, qu’on ne soit pas dans le tremblé que je trouve très bien chez les autres, mais qui ne me semblait pas approprié pour ce film.

Le film peut évoquer notamment Apocalyse Now, Preminger, Melville. Quelles étaient vos principales références ?
Je ne veux pas crouler sous les références de films magnifiques et écrasants. Je n’en suis qu’au premier jet, très loin de ce niveau. Il ne s’agit pas d’imiter ou de faire des films de cinéphile absolu, mais les références permettent surtout de travailler, d’utiliser une culture cinématographique pour mieux se faire comprendre. Les plus conscientes avec l’équipe étaient Sueurs froides et Vertigo pour les scènes de filature : filmer un personnage qui va être peu à peu vampirisé par la personne qu’il suit, en montrant presque ces filatures comme un rapport amoureux. Il y avait aussi Taxi Driver pour les impressions d’une ville la nuit et la solitude.

Avez-vous eu les comédiens que vous souhaitiez ?
Le rôle de Grégoire Colin (avec qui j’avais déjà fait un court métrage) était écrit sur mesure. Il a beaucoup de points communs avec le personnage du Tueur. Je n’avais d’idée vraiment très précise pour le rôle de la cible, mais il fallait un acteur à l’opposé de Grégoire qui a un côté très monolithique, presque un masque avec très peu d’expressions (donc elles prennent vraiment de la valeur quand il en a). Au contraire, Gibert Melki est assez expressif dans son visage avec une bonne dose d’angoisse et de paranoïa. Donc deux styles de jeu très différents qui vont faire un trajet inverse : Grégoire commence par le masque et la sécheresse pour finir avec des émotions palpables, de la fébrilité, tandis que Gilbert termine presque avec des allures fantomatiques.

Vous êtes aussi à l’origine de la production avec Sunrise Films et vous avez été appuyé par SBS Films et UGC
J’avais l’intention de faire un film qui ne soit pas trop gros, donc je n’étais pas trop gourmand sur le budget. Il y avait un côté "écrit vite, tourné vite". Mais nous avons quand même été obligés d’être inventif et de faire des efforts avec l’équipe. Le scénario originel tenait en huit semaines et il a fallu le tourner en six par exemple. Au-delà de ses qualités artistiques, la méthode de travail de la directrice de la photographie Caroline Champetier qui avait déjà tourné des films avec des contraintes budgétaires importantes, s’est révélée très utile. Cependant, pour les premiers longs, surtout des films de genre assez sombres comme Le Tueur, les budgets sont quand même assez réduits. Mais on accepte ça assez facilement quand on fait son premier long : on se débrouille car on est déjà très content de pouvoir le faire. Pour UGC, c’était une sorte d’expérience : le scénario leur plaisait beaucoup, ils savaient que cela ne leur coûterait pas grand-chose et ils nous ont aidé à financer le film avec Canal + et Ciné Cinéma. Mais le film a maintenant été acheté par Arte.

Du journalisme aux Cahiers du Cinéma à la réalisation : votre itinéraire s’inscrit dans une sorte de tradition
La critique a toujours été une école de cinéma, en tout cas aux Cahiers. Ceux qui voulaient faire des films passaient par la critique pour en voir beaucoup, comprendre ce qui leur plaisait ou non. Et on a la chance dans cette revue de ne pas simplement chroniquer les sorties, mais de pouvoir faire des critiques subjectives. C’est vrai que cela m’a permis de mettre des choses en place par rapport à mon désir de faire des films. J’aimais écrire, donc je suis passé d’abord par l’étape du scénario.

Quel est votre prochain projet ?
Je viens de finir d’écrire, de nouveau un film de genre, mais totalement à l’opposé du Tueur : au soleil, dans le Sud et rapide. Si Le Tueur est un film d’errance et d’attente, cette fois il s’agira d’un personnage qui n’aura pas vraiment le temps d’attendre.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy