27/10/2022 - Paco León se lance dans une transposition sur l'écran, par moments réussie, de l’univers halluciné et hallucinant de l’écrivain Juan José Millás

S'il est un artiste qui a fait l’apologie de la liberté de vivre comme on l'entend en Espagne, c’est Paco León : rappelez-vous ses imitations de présentatrices de télévision dans Kiki, love to love [+lire aussi :
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fiche film]. De fait, à ce stade, l'idée qu'il puisse se confiner dans une armoire est choquant. Et pourtant, dans No mires a los ojos [+lire aussi :
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interview : Félix Viscarret
fiche film], le film de Félix Viscarret qui a ouvert la 67e Seminci – Semaine internationale du cinéma de Valladolid,  non seulement il entre dans un placard, mais il décide d'y passer un certain temps.

C'est déjà ce qui se passait dans le roman Desde la sombra de Juan José Millás, que le cinéaste navarrais (avec son coscénariste David Muñoz) tente ici de transposer sur la toile avec l’intention d'en maintenir l’étrangeté, l'humour et le surréalisme poussés à l'extrême qui sont la marque de fabrique de l'écrivain - qui va de nouveau, très bientôt, voir ses mots transformés en images, puisque Antonio Méndez Esparza vient d'adapter son livre Que nadie duerma [+lire aussi :
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interview : Antonio Méndez Esparza
fiche film], et que le film va sortir prochainement.

L'opération est-elle ici un succès ? Par moments, on se dit que la prémisse ne pouvait être plus séduisante : un type renfermé et solitaire (incarné par un Paco León timoré et introverti, un travail qui sent d'ailleurs fortement la pluie de prix d'interprétation) se cache dans une armoire dans la chambre d'un couple marié (Leonor Watling et Alex Brendemühl), parents d’une adolescente (María Romanillos). Depuis sa cachette, l’intrus va épier cette famille en apparence parfaite.

On n'en dira pas plus sur cette intrigue qui est une boîte à surprises continuelle, une trame chargée de suspense et d’intérêt qui transite par presque tous les genres (jusqu’à la comédie musicale, façon douche) et juxtapose le réel avec la fiction, l’imagination avec le désir et le deuil avec les manques de l'autre. Quiconque a lu Millás, qu'il s'agisse de ses livres comme ses éditos dans la presse, sait que c'est un authentique magicien pour ce qui est de transporter le lecteur dans un univers parallèle, amusant et inquiétant, afin de disséquer la nature humaine et ses contradictions.

C’est aussi ce qu'essaie de faire Viscarret, mais ce qui se passe, c’est que le langage littéraire et le langage cinématographique, comme nous le savons tous, ne circulent pas sur les mêmes autoroutes narratives, et que le lecteur complète avec son imagination ce qu'il lit sur les pages d’un livre, alors qu'au spectateur, ces choses sont présentées déjà bien élaborées avec des images bien nettes sur l'écran, et entrent par cela en conflit avec la crédibilité. Ainsi, les labyrinthes méta-fictionnels de Millás perdent pied dans ce qui est par ailleurs un brillant exercice de cinéma qui ose fouiller (comme Charlie Kaufman) les rouages de l’esprit névrosé, capable de construire des idées selon les besoins, complexes et carences de l'être qui l'héberge, qu'il soit encore caché dans l'armoire ou qu’il en soit sorti.

No mires a los ojos a été produit par la société espagnole Tornasol Films avec la belge Entre Chien et Loup. Les ventes internationales du film sont gérées par Latido Films. En Espagne, il arrive dans les salles le 4 novembre, distribué par Universal Pictures International Spain.

(Traduit de l'espagnol)