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TORONTO 2023 Midnight Madness

Critique : Working Class Goes to Hell

par 

- Le réalisateur dissident Mladen Djordjević pose de nouveau un regard lapidaire sur une société serbe en piteux état

Critique : Working Class Goes to Hell
(de gauche à droite): Tomislav Trifunović, Olivera Viktorović et Stephan Shterev dans Working Class Goes to Hell

Le réalisateur serbe Mladen Djordjević persévère dans son approche sans compromis, follement inventive, transgressive et profondément sombre dans son nouveau film, Working Class Goes to Hell [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Mladen Djordjević
fiche film
]
, qui vient de faire sa première mondiale dans la section Midnight Madness de Toronto.

Comme toujours, Djordjević s’intéresse aux gens qui vivent dans les marges. Cette fois, il s’agit d’un groupe d’anciens ouvriers dont des parents sont morts dans un incendie d'usine cinq ans plus tôt, dans une petite ville serbe sans nom (mais les accents qu'on entend ici indiqueraient plutôt le sud-est du pays, une région connue pour avoir une pratique spécifique de la magie noire). Ensemble, menés par l'intrépide Ceca (Tamara Krcunović), ils forment une association pour obtenir justice de la trinité au pouvoir : le maire, le propriétaire de l’usine et le boss du crime local. Ces derniers, qui rejettent avec arrogance toute forme d'accusation, prévoient d’ouvrir un centre d'incinération et un hôtel, dont tout le monde sait que ce sera en fait un bordel.

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À ce moment-là, Miya (Leon Lučev) revient de Belgrade après 13 ans et une peine de prison. Il se joint à ce groupe hétéroclite de personnages, incarnés par des acteurs établis comme Ivan Djordjević et Mirsad Tuka, les excellentes comédiennes à rôles secondaires Szilvia Krizsan et Olivera Viktorović, et un assortiment de non-professionnels. Miya leur révèle qu'il a développé de nouveaux talents : la lecture des tarots et un rituel qui permet de faire fondre le plomb. À mesure que croissent la confiance et le désespoir de ces individus qui se signent toutes les cinq minutes et vont tous à l'église, Miya leur apprend qu'il a aussi un don de médium. Après une première séance résolument réussie, on apprend que la personne à remercier est "le porteur de lumière, le prince injustement banni du paradis".

Miya et Ceca se lancent dans une relation amoureuse qui comprend des moments glaçants (comme celui où ils mangent de la viande crue pendant le sexe à l’intérieur d’un pentagramme) et le groupe s'enhardit : il se prépare à présent à se venger. Dans le même temps, on fait la connaissance de Danica (Lidija Kordić), une jeune femme qui a cessé de parler après la mort de sa mère dans l’incendie. Elle visite une station de vacances pour ouvriers désormais abandonnée, juchée sur la colline au-dessus de la ville, et découvre dans ses sous-sols un homme mort qui réapparaît ensuite au bar du coin. Celui-ci, joué par l’acteur monténégrin chevronné Momo Pićurić, semble avoir lui aussi des dons surnaturels.

Djordjević crible son film de signes pointant vers une société serbe dévastée : les politiciens, les criminels et l'église orthodoxe volent et tuent tandis que les gens ordinaires se laissent fasciner par de violents reality shows. Le propriétaire du bar joue les proxénète avec deux prostituées dont les robes scintillantes contrastent avec les routes poussiéreuses et les maisons décrépies. Il y a des icônes religieuses partout, et la musique terrifiante composée par Kalin Nikolov combine des instruments typiques des Balkans, comme la gusle monocorde, avec des accordéons et d'autres intruments à cordes, les gémissements de pleureuses professionnelles et une pincée de chants religieux pour chorale.

Le film est souvent chaotique, mais sur le plan narratif, il est globalement cohérent. La caméra de Dušan Grubin montre souvent de nombreux personnages dans le même plan, comme quand le groupe sus-mentionné court après un poulet qu’ils veulent sacrifier dans une pièce baignée de lumière rouge – l'éclairage est tellement intense qu'on a l’impression que le plus gros du film est teinté de rouge, même si ce n'est le cas que dans deux scènes. Le montage de Lazar Predojev permet de rendre compact ce film de 127 minutes en enchevêtrant ces scènes avec des segments plus intimes et plusieurs plans larges bien positionnés. Il n'en reste pas moins que ce long-métrage déborde un peu trop dans la séquence finale, sombre et violente, qui se passe dans le surréaliste bordel local et rappelle la fin de The Life and Death of a Porno Gang du même Djordjević.

Working Class Goes to Hell a été coproduit par Sense Production, Banda et Cinnamon Film (Serbie), Agitprop (Bulgarie), Homemade Films (Grèce), Adriatic Western (Monténégro), Kinorama (Croatie ) et Tangaj Production (Roumanie). Les ventes internationales du film sont assurées par Patra Spanou.

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(Traduit de l'anglais)

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