email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2024 Forum

Critique : Reproduction

par 

- BERLINALE 2024 : Cette enquête fouillée menée par Katharina Pethke établit un lien entre l’art, la sculpture, l’architecture, et les décisions professionnelles et personnelles des femmes

Critique : Reproduction

Dans Reproduction, le premier long métrage documentaire de Katharina Pethke, qui fait sa première mondiale dans la section Forum de la Berlinale, la réalisatrice retrace les biographies de sa mère et de sa grand-mère, trouvant beaucoup de points communs entre leurs parcours et leurs choix de vie. De plus, le directeur de la photographie est Christoph Rohrscheidt, le partenaire de Pethke, faisant de Reproduction un film d’autant plus personnel. Une affaire de famille, en quelque sorte. 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Le sujet du film est le dilemme constant que les femmes sont forcées d'aborder entre une carrière artistique et la maternité — du moins, sur le papier. Les destins de ces femmes se perdent quelque peu quand le film décide de se concentrer un peu trop sur l’architecture et l’histoire de l’École supérieure des beaux-arts de Hambourg. En effet, la fille, la mère et la grand-mère ont toutes les trois étudié là-bas (Pethke y a aussi travaillé). En effet, cette fixation sur le bâtiment, autant dans la narration que dans le travail de la caméra, est logiquement bien fondée. Mais cette logique semble tirée par les cheveux. 

Le bâtiment, avec ses statues et ses muraux, éclipse les êtres humains (surtout dans la première moitié du film). Et quand les êtres humains parlent, leurs passés et leurs aspirations sont décrits d’une façon perfectionniste et très correcte. Cette rectitude est peut-être la prérogative du meilleur élève de l’école, mais au cinéma, elle semble rigide. Reproduction est coincé entre une envie d’être un film sur l’architecture et celle d’être un documentaire biographique / une étude de famille. Comme un travail académique, il teste trop d’hypothèses pour pouvoir connecter les deux arguments. 

De plus, la narratrice (Pethke) médite sur l’authenticité, le génie et les regards masculins et féminins dans l’art. Des questions valides. Une analyse en profondeur. Des faits précis. Des années. D’autres années encore. Des noms. Des noms de plus. Peut-être que ceci est la seule approche valide, mais pourquoi ces examinations philosophiques factuelles ressemblent-elles au guide audio du Louvre ? 

Reproduction ne laisse pas le spectateur entrer; il est lisse et détaché. Regarder le film donne l’impression de visiter des connaissances passionnées d’art et d’architecture dans leur appartement minimaliste du centre ville, où personne ne vous offre de couverture confortable et où vous êtes terrifié à l’idée de tacher le canapé beige.  

Qu’est-ce qui cause cette sensation étrange ? Le caractère étroit du sujet ? L’université des beaux-arts ? L’abondance de faits ? Non, puisqu’il est normal d’apprendre des histoires spécifiques et introspectives à travers les films documentaires. Dans le cas de Reproduction, c’est l'ascétisme du film, son approche académique (avec des références, des faits, des explications), son manque de variété dramatique, son rythme lent, et notre difficulté à nous immerger totalement dans l’histoire. Intentionnellement ou non, le film est un exemple d’aliénation brechtienne. 

C’est déroutant parce qu’en feuilletant des albums de famille et en montrant des images d’archives — même des photos d'échographies, si intimes — le film essaye d'accueillir le spectateur, sans pour autant l’autoriser à s'asseoir sur ce canapé beige. 

Mais revenons au sujet des femmes. Les réflexions sur “les ambitions professionnelles après le congé maternel” gagnent en élan assez tard dans le film. Dans le livre Feminism Is for Everybody, bell hooks soutient que “les femmes au travail” est un sujet complexe. Cette complexité serait dûe en partie au statu quo dans lequel le travail offre une forme de libération à certaines femmes privilégiées. Néanmoins, hooks écrit : “Peu importe sa classe, la femme qui restait à la maison et travaillait en tant que mère au foyer était souvent isolée. [...] Quand les femmes à la maison passent tout leur temps à répondre aux besoins des autres, la maison est pour elles un lieu de travail, pas de relaxation, de confort et de plaisir.” Nous voyons cette notion se manifester à travers Rosemarie (la grand-mère), qui abandonna une carrière potentielle en tant qu’artiste pour s’occuper des enfants.

Malgré les objections exprimées ici, Reproduction est une contribution dans le domaine des études de maternité qui, selon la chercheuse Andrea O'Reilly, restent encore à la périphérie des études féministes. 

Reproduction fut produit par Fünferfilm (Allemagne). Les ventes internationales sont gérées par Pluto Film.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy