email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2024 Panorama

Critique : Scorched Earth

par 

- BERLINALE 2024 : Après In the Shadows, Thomas Arslan poursuit sa saga criminelle sur Trojan, gangster à l'ancienne, avec un film élégant et minimaliste

Critique : Scorched Earth
Mišel Matičević dans Scorched Earth

C'est tentant, pour un réalisateur, de reprendre des personnages fictionnels et d'imaginer ce qui a pu leur arriver dans l’intervalle, comment ils se sont développés en tant que personnes. Pour ce qui est de Trojan (Mišel Matičević), un gangster de la vieille école, il semble douloureusement inchangé depuis la dernière fois qu’on l’a vu, dans In the Shadows [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Thomas Arslan
fiche film
]
(2010). De fait, quand il retourne à Berlin après une décennie d'absence, c’est son environnement qui ne colle plus avec ce qu'il connaît. Le crime a changé, il est passé sur le terrain du numérique, ou alors c'est que les gangsters de jadis ont pris leur retraite. Ça n’empêche pas pour autant Trojan de chercher un boulot qui, avec un peu de chance, réussira, contrairement au coup raté du film précédent.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

La question de l’échec est une constante dans cette série de films par le réalisateur allemand Thomas Arslan, dont le dernier chapitre, Scorched Earth [+lire aussi :
interview : Thomas Arslan
fiche film
]
, vient de faire sa première au 74e 74th Festival de Berlin, dans la section Panorama. Après tout, ces récits s'inspirent des polars minimalistes du Français Jean-Pierre Melville. Après qu'un boulot consistant à voler des montres de luxe tourne mal, Trojan est dans de beaux draps. Réticent à se lancer dans la cybercriminalité, il arrive à trouver un boulot via Rebecca (Marie-Lou Sellem). Diana (Marie Leuenberger), conductrice de véhicules de fuite, Luca (Tim Seyfi), une vieille connaissance, le cyber expert Chris (Bilge Bingül) et lui sont chargés de voler un tableau de peinture de Caspar David Friedrich.

Si le coup en lui-même est assez simple (il s'agit juste de rentrer par effraction dans le hangar où le tableau est conservé), la politique du mandant ne l’est pas. Il s'avère en effet que ce mystérieux client n'a aucune intention de respecter sa part du marché et de payer les quatre malfrats. Pour s’assurer que le tableau va arriver entre ses mains et qu'aucun des quatre ne le recherchera après, il envoie Victor (Alexander Fehling), pour "s’occuper" du problème. Ce simple vol devient ainsi une question de vie et de mort tandis que dans le même temps, il convient de vendre le tableau au plus offrant, de manière à s’en débarrasser le plus vite possible.

Arslan livre ici un nouveau spécimen de film flegmatique et bien tourné qui fait paraître absurdes les films de braquage hollywoodiens bruyants et agités. Pour ces gens, c’est un boulot comme les autres dont il s'agit là. Le suspense ne vient pas des échanges de tirs, des poursuites en voiture ou des combats physiques (quoique le film en contienne), mais de la désorientation troublante qui existe au sein de cet univers de l'ombre fait d’alliances inconfortables, de manipulation et de manque d'intentions honorables. Le cadre minimaliste, le peu qui nous est dit sur les vies des personnages et la banalité du quotidien montré ici sont typiques de la filmographie d’Arslan. Cela dit, les personnages sont plus intéressants cette fois que dans son film précédent, Bright Nights [+lire aussi :
critique
bande-annonce
Q&A : Thomas Arslan
fiche film
]
, qui manquait de rythme, de direction d’ensemble et d'un élément qui cimente le tout.

Au-delà de Matičević, de nouveau brillant dans le rôle du héros charismatique mais énigmatique, c'est le Victor arrogant composé par Fehling (qui sert de contrepoint à Trojan dans l'intrigue) qui élève le récit. Leur face-à-face final est peut être simple, mais il est efficace : à travers cette confrontation, ce sont deux conceptions différentes du crime et de l'honneur qui s'opposent. Les personnages de Melville devaient constamment gérer des questions d’amitié, de confiance, de solitude et de trahison. Ces éléments se retrouvent aussi dans Scorched Earth. Arslan a bien compris comment manier ces dilemmes humains fondamentaux, et il sait également maintenir son public en haleine jusqu’à la toute dernière minute.

Scorched Earth a été produit par la société allemande Schramm Film Koerner & Weber. Les ventes internationales du film sont assurées par The Match Factory.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy