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Zeynel Dogan • Réalisateur

Filmer le passé sonore

par 

- Voice of My father : plongée dans les enregistrements audio d’une famille, transformés en docu-fiction intimiste. En compétition au 10e Brussels Film Festival

Vu pour la première fois au dernier Festival de Rotterdam, Voice of My Father, coréalisé par les documentaristes Zeynel Dogan et Orhan Eskikoy, se présente comme un curieux mélange de fiction et de documentaire construit à partir d'enregistrements audio appartenant à la famille de Dogan. Rencontre à la 10e édition du Brussels Film Festival où cette coproduction entre la Turquie, l’Allemagne et la France a été projetée en compétition.

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Cineuropa : Quelle est la genèse de votre film ?
Zeynel Dogan : Entre 1978 et 1992, mon père a travaillé à l’étranger. Chaque fois qu’il partait, il était loin de la maison pendant deux ou trois ans. Dans mon village, à cette époque, il n’y avait pas de téléphone dans la plupart des maisons. C’était très difficile de communiquer avec lui. Mes parents ont donc décidé de s'envoyer des cassettes audio que ma mère a gardé pendant toutes ces années. C’est l’existence et le contenu de ces enregistrements qui constituent à la fois le point de départ et la matière du film.

Pourquoi un docu-fiction plutôt qu’un projet de fiction pure ou un documentaire intimiste ?
Au départ, mon idée était de faire un documentaire. Je l’avais conçu comme ça pendant trois ans. Mais quand Orhan Eskikoy, avec qui j’ai fini par coréaliser le film, est rentré dans le projet, il a réussi à me convaincre que la matière que nous avions entre les mains dépassait largement le cadre du documentaire. En allant vers la fiction, j'ai pu dépasser mon propos et l’élargir. Nous avons cherché à recréer une certaine fiction à travers des codes de la réalité.

Partager la réalisation d’un projet qui était si personnel à la base, ce n’était un choix risqué ?
Au contraire. Sachant que je connaissais bien la matière du film, vu que c’était l’histoire de ma famille, c’était très compliqué pour moi de sortir du projet et de porter un regard nouveau sur lui. L’arrivée d’Orhan m’a permis de mieux équilibrer mon propre travail. J'ai bénéficié d'un regard rafraichi. En plus, je joue aussi avec ma propre mère dans le film. Orhan a vraiment apporté un point de vue cinématographique sur une histoire très personnelle et sur la relation que je vivais avec ma mère.

Votre mère est très âgée. A-t-elle senti qu’elle jouait un rôle ou qu’elle se jouait elle même ?
Ma mère a l’habitude d’être filmée puisque j’avais déjà tourné d’autres films, pour l’école notamment, avec elle. Comme l’idée de départ était de faire un documentaire, elle s’était dit qu’elle allait continuer sa vie comme d’habitude et que moi je serai là tout simplement avec la camera ! Dans ce glissement vers la fiction, elle a du s'adapter. Dans le film, il a des scènes recrée et d’autres que nous n'avons pas vécu et cela a été beaucoup plus difficile pour elle, qui n’est pas comédienne. Par contre toutes les scènes qui lui permettaient de revenir à un « regard documentaire » sur son quotidien étaient beaucoup plus simple.

Mettre un place une narration et écrire un scénario pour le filmer partiellement avec une approche audio a du être un processus complexe. Tout ce qu’on entend, c’est du réel ?
A partir du moment où nous avons décidé de faire une fiction, nous avons décidé que tout ce que nous possédions serait mis au service de cette nouvelle manière de concevoir le film. Il fallait tout récréer si nécessaire. 85% des sources audio que l'on entend sont des sources originales, mais nous les avons enregistrées par d’autres voix à cause de la mauvaise conditions du son original.

Les personnages du père et du frère sont très présents dans leur absence. On ne les voit jamais ; ils sont comme des fantômes. Pourquoi ce choix ?
Effectivement, c’est un film sur deux personnages qu’on ne voit jamais. Ils sont plus forts comme ça, dans leur absence. Tout le film a été construit pour que ma mère et moi, nous ne soyons là que pour parler d’eux. Le fait qu’on entende des voix sans jamais voir les visages rend l’expérience cinématographique plus intense.

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