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Tariq Teguia • Réalisateur

"Même si on est sorti du monde arabe, ça reste un film qui concerne pleinement l’Algérie"

par 

- Le cineaste algérien Tariq Teguia parle à Cineurope de son dernier film La Révolution Zendj et des difficultés rencontrées en termes de financement et de diffusion

Tariq Teguia • Réalisateur
Tariq Teguia

Cineuropa a rencontré Tariq Taguia à Rome. Il était l’invité à la troisième édition du festival Cinemondo, qui s’est déroulé à la Villa Medicis, dans la capitale italienne, du 21 au 26 novembre derniers. Cineuropa, partenaire du festival, dresse le portrait de ce jeune auteur algérien, auteur remarqué de 3 longs métrages.

Cineuropa : le festival Cinemondo t’a dédié une rétrospective.  Auparavant, le Festival d Rome a projeté en avant-première ton dernier film, La Révolution Zendj [+lire aussi :
interview : Tariq Teguia
fiche film
]
. Peux-tu m’en parler ?
Tariq Teguia : La Révolution Zendj fut un film très difficile à produire, à terminer. Nous avons commencé le tournage du film il y a trois ans, le 17 novembre 2010, et il a été montré il y a de ça à peine une semaine. La création de ce film est aussi un paradoxe, car c’est un film qui parle de la persistance d’une possibilité de révolte, de la révolution, d’un refus de l’oppression. On l’a démarré avant même que commencent les premières émeutes qui ont donné lieu à la révolution tunisienne, avant les mouvements de renversement des régimes en Tunisie, en Egypte et au Yémen. Là est le paradoxe : nous avons commencé quelque chose, et avons continué alors que ça prenait forme devant nos yeux à Beyrouth. Le film qui explorait la possibilité du refus de l’oppression- c’était ça un peu une des thématiques du film - était surplombé par ce qu’il se passait en arrière-plan - puisqu’on écoutait la radio et regardait la TV pendant qu’on tournait le film à Beyrouth. 

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Où est tourné le film ?
En Algérie, à Alger et dans le sud Algérie, en Grèce, à Athènes et à Thessaloniki, à Beyrouth, à New York, et une partie est reconstituée en Irak. Donc ça fait beaucoup de lieux, beaucoup de distance qu’il a fallu parcourir. C’est pour ça qu’il nous a fallu trois années pour terminer ce film - avec un tout petit budget évidemment.

C’est vrai que tu es le spécialiste des films à petits budgets, tout comme avec Rome plutôt que vous, qui lui aussi avait eu un succès assez important dans la presse et dans les festivals ?
J’essaye de ne pas l’être [spécialisé en film à petit budget]. C’est vrai que Rome plutôt que vous nous a couté moins de 150 000 euros, et oui, il a eu un bel accueil critique et dans les festivals. Ce qui nous a permis d’enchainer sur Inland, qui lui a couté 300 000 euros. Notre dernier ne nous a pas couté tellement plus alors qu’on a énormément voyagé - mais on termine là, exténués et à genou, financièrement.

Et comment vous avez trouvé le financement, justement ?
On a eu une aide du ministère de la culture algérien, du conseil général du Val-de-Marne où il y a fond dédié au cinéma, du Fonds Hubert Bals, qui est un fond néerlandais qui dépend du festival de Rotterdam, de quelques fonds arabes - notamment le Doha Film Institute -, ainsi qu’une plus petite somme du SANAD, et finalement de la vente de films à la RAI, la télévision italienne - une petite somme, mais qui a sauvé le projet car elle est arrivée au bon moment.

C’est une question que l’on doit te poser régulièrement, mais en tant que réalisateur algérien est-ce que tu prends en compte dans tes films la question de la censure, de l’auto censure, ou pas du tout?
J’écris les scénarii avec mon frère, et nous n’avons pas l’impression de devoir se censurer. Je fais ce que j’ai le sentiment de devoir faire. Donc on propose un scénario qui n’est pas spécialement complaisant avec la politique publique officielle algérienne, mais il se trouve aussi qu’il est soutenu. C’est un paradoxe. De ce point de vue là, l’Algérie est comme les autres états : il y a en qui veulent que notre travail existe, que ces paroles là soient diffusées et que les images soient montrées ; d’autres moins, ils ne veulent pas que nos œuvres existent et du coup ils ne nous aident pas. Mais ce qui a été écrit avec mon frère n’a pas été censuré, et on ne nous nous a pas demandé d’enlever ceci ou cela, et je n’ai pas du montré un autre scénario, donc il est passé comme ça. Mais il faut dire aussi que le film aura malheureusement très peu de visibilité en Algérie car il y a très peu de salles. J’espère que, contrairement aux précédents, il sera acheté par la télévision - ce qui ne fut pas le cas pour Rome plutôt que vous, La Révolution Zendj et Inland

Il y a une raison par ça ?
La réponse écrite qui nous a été donné par la chaîne télévision algérienne – tout au moins pour Rome plutôt que vous – était que le film ne rentrait pas dans la grille des programmes. 

C’est souvent le cas des chaines de télévisions publiques du sud de la méditerranée, non ?
Voilà. On doit regretter que les films ne soient pas montrés à la TV, parce que c’est pas là qu’il a la plus grande diffusion. Mais le film circule en Algérie, grâce … à la piraterie. Mais je dois dire que j’ai essayé de vendre Inland à beaucoup de télévisions en Europe, mais le film n’a pas été acheté. Et ça nous aiderait pourtant.

Mais il a bien circulé dans les festivals ?
Oui, il a bien circulé. J’ai été dans beaucoup d’endroits en Italie, en Asie, aux États-Unis, dans les facultés américaines… Mais en même temps, même s’il a été distribué dans les salles en France, les résultats restent très modestes parce qu’on a très peu de copies. Donc l’existence du film est très difficile : elle est longue, mais elle est douloureuse. 

Il y aura bientôt de nouvelles élections en Algérie. Le président est malade, et on ne sait pas si il va se représenter. A ton avis est-ce que tu crois que les choses vont changer pour le mieux dans la politique culturelle algérienne ?
La question est assez générale -  et ce n’est pas que je refuse les questions politiques, faisant moi-même un cinéma politique, mais le cinéma politique est un cinéma qui doit avoir des formes. Très honnêtement, je ne sais pas si c’est le destin, le changement d’un homme qui va changer une situation. Je crois qu’il faudra beaucoup plus. Je crois que c’est au peuple algérien, dans toute sa complexité et ses contradictions, à se prendre en charge. Ce n’est pas le destin d’un homme qui fera que l’Algérie changera. Si je devais être cohérent, résumerais en reprenant les mots écrits dans la bataille d’Alger : « un seul héro, le peuple ». 

Tu ne vis plus en Algérie pour le moment. Est-ce un choix professionnel ?
Ça fait longtemps que je ne suis plus en Algérie. J’ai été étudiant en France et j’ai beaucoup navigué depuis que je fais du cinéma. Donc, oui, c’est un choix, mais en même temps je ne sais pas si le déplacement et l’exil sont vraiment des choix parce que parfois ils me sont aussi imposés. J’ai habité nulle part pendant très longtemps, mais là j’ai décidé de m’arrêter un petit peu. 

Est ce que tu penses que tes films ont une racine algérienne, ou tu penses qu’ils sont plutôt internationaux ?
Je suis cinéaste algérien. Le producteur qui est mon frère, le coscénariste, et le directeur photo sont algériens. Les acteurs sont en grande partie algériens et viennent principalement de mes précédents films. Par contre, puisque nous l’avons filmé dans plusieurs pays, on peut dire que c’est un film international. Notre objectif était de prolonger les questionnements géographiques formels présents dans Rentre plus tôt que nous et Inland, mais de le faire à une autre échelle, celle de l’Algérie. C’est à dire que l’Algérie est à la fois africaine, méditerranéenne, arabe, très à l’ouest du monde arabe… Elle est un peu tout ça. Donc même si on est sorti du monde arabe, ça reste un film qui concerne pleinement l’Algérie.

Quels sont tes projets pour le moment ?
Me reposer !

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