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Vlado Škafar • Réalisateur

“Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on fait mais qui l’on est”

par 

- Le réalisateur slovène Vlado Škafar a discuté avec Cineuropa de son nouveau film, Mother,de sa vision du septième art et de son très singulier processus de création

Vlado Škafar  • Réalisateur
(© Mavricij Pivk/Delo)

Le réalisateur slovène Vlado Škafar a discuté avec Cineuropa de son nouveau film, Mother [+lire aussi :
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]
, de sa vision du septième art et de son très singulier processus de création.

Cineuropa : Mother donne l’impression d’être un film partiellement improvisé, si ce n’est totalement. Il n’y a pas de scénario à proprement parler et les grandes lignes du film sont esquissées à partir des travaux de poètes, d’artistes et de collaborateurs. Quel a été le point de départ ?
Vlado Škafar :
Il est vrai que je n’utilise pas de scénario pendant le tournage et que je ne donne pas d’instructions précises aux acteurs, mais ma méthode est tout sauf de l’improvisation. En fait, je ne supporte pas l’improvisation. Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on fait mais qui l’on est. Mon rôle consiste à connaître aussi intimement et profondément que possible les acteurs avec lesquels je travaille ; je passe généralement un ou deux ans à apprendre à les connaître, tout en essayant de les mettre dans la voie qui leur permettra d’interpréter des personnages aussi poétiques que possible. Ils commencent ainsi à développer et à activer leur nouvelle personnalité de l’intérieur, ce qui leur permet de rester mystérieux pour moi. Et si je suis intéressé par ce qu’ils sont, le public le sera également.

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Pendant le tournage, j’essaye de créer une atmosphère particulière et de mettre en valeur certaines facettes de certains acteurs susceptibles d’être intéressantes dans une scène précise. C’est alors que quelque chose naît, sans que nous ayons cherché à l’obtenir, comme un véritable miracle. Le point de départ était exactement tel qu’on le voit dans la première scène du film : une mère et une fille en voyage, assises l’une à côté de l’autre dans un espace presque abstrait, mais à mille lieues l’une de l’autre, puisque chacune est dans un monde intérieur qui lui est propre. Il est rare qu’une scène corresponde aussi précisément à ce que l’on a imaginé.

Votre précédent film, Dad [+lire aussi :
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, racontait l’histoire d’un père et son fils. Pourquoi ce choix d’articuler vos œuvres autour de relations élémentaires ?
Je porte un intérêt tout particulier aux expériences que nous vivons au quotidien. Les événements extraordinaires ne m’attirent pas plus que ça, puisqu’ils vont et viennent alors que l’ordinaire ne cesse de nous accompagner. La plupart des gens prennent la vie quotidienne pour quelque chose d’acquis, sans se rendre compte de son côté extraordinaire et éternel. En réalité, n’importe quel acte que l’on prend le temps d’accomplir et qui présente un certain intérêt pour nous devient extraordinaire.Rodin avait par exemple conseillé à Rainer Maria Rilke de se rendre au Jardin des Plantes de Paris, de choisir un des animaux de sa ménagerie et d’en étudier le moindre comportement et la moindre humeur jusqu’à le connaître aussi complètement que possible, puis d’écrire sur cet animal. C’est comme cela qu’a vu le jour le poème La Panthère, un des premiers chefs-d’œuvre de Rilke. J’essaye d’aborder les acteurs et tous les autres éléments de mes films de la même façon et, par chance, Marko Brdar [mon directeur de la photographie habituel] a la même vision des choses. Si les parents et les enfants (ou les amoureux, les amis, etc.) faisaient de même, leurs relations seraient sûrement plus harmonieuses.

Dans Mother, vous abordez également le thème de la dépendance.
Les dépendances sont en train de prendre une place de plus en plus importante dans nos vies, et ne s’agit plus seulement des drogues ou de l’alcool. La dépendance touche désormais tous les domaines : les troubles alimentaires, le sexe, le jeu, la fête, et surtout les réalités virtuelles (Internet, la télévision, les jeux vidéo, le tourisme, etc.). Ceci étant dit, dans mon film, ce n’est pas tant à la dépendance qu’à l’aliénation qu’elle provoque qu’on s’intéresse. L’aliénation s’empare de la société humaine comme un cancer et devient de plus en plus profonde. En nous engouffrant dans des vies parallèles, nous abandonnons la vraie vie. On dirait qu’il faut presque un miracle pour qu’un être humain renoue avec la réalité désormais.

Vous avez déclaré que ce film était le dernier que vous comptiez faire et que vous vouliez vous consacrer entièrement à l’écriture.
Pour le moment, faire du cinéma n’a plus beaucoup de sens pour moi. Le cinéma d’art et d’essai est désormais bien loin du conseil de Rodin. Pour le moment, je vais donc me servir de ce conseil pour écrire mes propres ouvrages.

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(Traduit de l'anglais)

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