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Jan Cvitkovič • Réalisateur

"The Basics of Killing est un avertissement"

par 

- Le Slovène Jan Cvitkovič parle à Cineuropa du sens de son nouveau film, The Basics of Killing, et de la manière dont il l’a abordé

Jan Cvitkovič • Réalisateur

Cineuropa : D’où vient l’idée de The Basics of Killing [+lire aussi :
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interview : Jan Cvitkovič
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Jan Cvitkovič
: Il y a deux ans, j’ai travaillé avec des enfants de familles paupérisées à travers une ONG qui les avait envoyés en vacances d’été à Kranjska Gora. Je suis allé là-bas pour faire des courts-métrages avec eux. L’année suivante, j’y ai envoyé mon fils Taras et ma fille Mala. Ce qui m’a fasciné, c’est le fait qu’on ne pouvait pas dire de quel milieu chacun venait, car ils parvenaient tous très bien à le cacher. Plus tard, j’ai appris dans quelles conditions affreuses certains d’entre eux vivaient et quelles expériences ils avaient vécues, par lesquelles ils resteraient sans nul doute marqués pour toujours : des relations détruites, des familles disloquées, des humiliations de toutes sortes, l’arrachement à leurs parents quand ceux-ci n’avaient plus les moyens de les faire vivre, parfois le suicide d’un parent. Quand on m’a proposé de travailler avec ces enfants, j’étais moi-même dans une situation financière très difficile car il est arrivé que j’ai du mal à mettre de la nourriture sur la table. Cela m’a fait me sentir très proche de ces enfants. L’origine de The Basics of Killing est donc très personnelle.

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Comment avez-vous casté les acteurs et travaillé avec eux ?
J’ai rencontré Primož Vrhovec à Belgrade. Nous sommes allés boire une bière et j’ai su tout de suite que je voulais qu’il joue Marko. Le rôle de Dunja est interprété par ma compagne, Irena Kovačević. Quand elle a lu le scénario, elle s’est mise à pleurer et elle a fini par me dire : "Jan, je voudrais vraiment jouer Dunja et je sais que j’en suis capable. Je ne vais pas te décevoir". Je lui ai fait confiance, et elle a même remporté le prix de la meilleure actrice au Festival des films du monde de Montréal.
J’ai répéré Ula Gulič, qui incarne Mala, dans un parc de jeux pour enfants où j’allais avec ma fille. Nous nous sommes tout de suite bien entendus. Je savais qu’elle composerait un personnage singulier. Quand elle joue, elle a en elle quelque chose de profond et d’étrangement détaché, presque démoniaque. Pour le personnage de Taras, nous avons organisé des auditions. Des centaines de garçons de tout le pays ont fait des essais et j’avais presque perdu tout espoir de trouver le bon quand Miha Košec s’est présenté. Il m’a plu tout de suite. Comme le scénario requérait qu’il fasse du judo, je lui ai demandé s’il savait ce que c’était, et il m’a répondu qu’il était vice-champion de Slovénie de judo. Cela a achevé de me convaincre.
Depuis que je fais des films, l’actrice slovène installée à Prague Nataša Burger m’aide dans mon travail avec les comédiens. Nous avons développé une méthode de préparation qui, au tout début, n’a rien à voir avec le scénario mais qui se concentre sur le contact physique et l’intimité psychologique (qui demande de s’ouvrir à soi-même et aux autres) pour former un tout uni qui devient ensuite le film, au moment du tournage.

Ces dernières années, le cinéma slovène s’attache de plus en plus à décrire le contexte social actuel. Votre élan vers ce sujet vient-il de votre conscience sociale ou de quelque chose de plus intime ?
Ces dix dernières années, en Slovénie, de nombreuses familles ont été touchées par la misère, la honte et la paupérisation. Jusqu’à ce jour, à chaque fois que je pense à la loi introduite en 2012 (qui énonce qu’une famille où les deux parents perdent leur travail ne peut avoir accès à aucune aide, pas même pour se nourrir, si leurs salaires étaient corrects deux ans avant), ça me met en colère. Le gouvernement essaie enfin de corriger le tir, mais de nombreuses familles de la classe moyenne se sont écroulées à cause de cette loi. Cela dit, l’élan premier derrière ce film était profondément personnel. En faisant des recherches sur des cas de familles frappées par la situation, à un moment, j’ai mesuré quelles tragédies personnelles en avaient découlé, combien les enfants en souffraient et comme ils cachaient leur douleur, et je n’y ai plus tenu : j’ai voulu rendre un hommage pertinent et digne à ces gens et surtout aux enfants, qui portent souvent tout le poids pour leurs parents et qui se battent, à n’importe quel prix. En même temps, The Basics of Killing est un avertissement, parce que tout cela pourrait arriver à n’importe qui.

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(Traduit de l'anglais)

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