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L'età d'oro del documentario non è mai esistita

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- Come è perché produrre un documentario? Serge Lalou, produttore di documentari da 26 anni, con 350 film all'attivo, descrive l'evoluzione della televisione e della programmazione senza nostalgia per una cosiddetta età d'oro del documentario

L'età d'oro del documentario non è mai esistita

Questo articolo è disponibile in francese.

Après des études de vétérinaire et de nombreux voyages, Serge Lalou rejoint en 1987 l'équipe des Films d'Ici, l'une des plus grandes sociétés de production de documentaires en France. Depuis, Serge Lalou a produit plus de 350 films, documentaires et long métrages. Parmi les titres récents, l'on peut citer Michael Kohlhaas [+leggi anche:
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, Red Dusk et Le Violon de Rothschild d’Edgardo CozarinskyAvec tout mon amour d’Amalia Escriva, ou encore  et Après l'océan [+leggi anche:
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 d’Éliane de la Tour. Il a également réalisé son premier long-métrage Entre Nous, en 2002 ainsi que Et Si, long métrage documentaire, en 2010.

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_________________________ 

 

Pouvez-vous nous résumer votre parcours dans la production documentaire avec les Films d’ici ?

Serge Lalou : Les Films d’ici ont été créés en 1984 par Yves Jeanneau et Richard Copans qui venaient du cinéma militant des années 1970, notamment du collectif Cinélutte. J’appartiens à la génération suivante : en 1968, les deux fondateurs ont déjà une pratique du cinéma alors que je n’ai que 6 ans à l’époque. On se rencontre en 1987 au moment où le cinéma documentaire est en train de se structurer et je n’ai alors aucune expérience de ce milieu : j’ai fait des études de vétérinaire. De fait, j’ai appris mon métier ici, en produisant. La structure et nous, ses fondateurs et associés, avons grandi ensemble, rejoints très vite par Frédéric Chéret.

Pourquoi avions-nous, au départ, privilégié le documentaire ?

La question de l’engagement était alors très présente, nous nous intéressions à ce qui se passait partout dans le monde. Trois grandes productions ont été alors déterminantes :  La Ville Louvre de Nicolas Philibert, que je produis et qui est sorti en novembre 1990, Route One USA de Robert Kramer, produit par Richard Copans, sorti en 1989, et la collection de film Transantarctica, de Laurent Chevalier, produit par Yves Jeanneau, sorti en 1990, qui traduisaient déjà une pluralité d’orientations.

Quand je suis arrivé, j’ai commencé à travailler, quasiment en stage, sur un film de Nicolas Philibert, Trilogie pour un Homme seul. Un poste d’assistant s’est libéré et cela a été mon premier travail salarié aux Films d’Ici. Je suis devenu producteur à partir de La Ville Louvre. Très tôt, nous avons fait le pari de l’international, qu’il s’agisse de production ou de financement, une démarche assez naturelle pour moi qui ai passé une partie de ma vie d’enfant à l’étranger en ayant appris l’anglais, l’italien.

Cette période est aussi celle de la Bande à Lumière 1. La fin des années 1980 correspond aussi à la création de la Sept, préfigurant la naissance d’Arte en 1992. Grâce, notamment, à cette chaîne, le documentaire va se développer et se structurer autour du Compte de soutien 2. Les Films d’ici grandissent au long des années 1980 ; en 1988, nous comptons deux associés de plus, nous nous développons très vite, Hachette rentre au capital ; nous allons connaître, ensuite, des hauts et des bas, des moments de crise, jusqu’à ce nous rachetions la structure. Yves Jeanneau lui s’en est allé plus tôt vers d’autres aventures, dont l’une de ses inventions, le Sunny Side of the doc.

Frédéric Chéret, Richard Copans et moi avons il y a peu fait le constat de la nécessité de faire évoluer ce que nous avions créé et développé, un outil multiforme nous permettant de travailler à la fois pour la télévision, y compris pour le « prime time », pour le cinéma, les festivals, un outil pouvant faire face à une multiplicité de situations. C’est pourquoi, plus de trente ans après la fondation des Films d’ici, nous avons décidé d’associer des gens plus jeunes et de créer les Films d’ici 2, structure de production, les Films d’ici devenant la structure de catalogue, ce qui représente plus de 900 titres. Nous faisons le pari d’assurer la transmission de notre travail et de notre engagement, pari en cours. Nous ne sommes spécialisés ni en genre ni en mode de production et nous nous déplaçons en permanence sur tous les terrains en fonction de nos projets.

Comment aviez-vous conçu la structure des Films d’ici ? 

Elle s’est construite avec les projets. Nous avons constitué au fil des années un outil au service des films en fonction des désirs de chacun de nous. Prenons un exemple : Arnaud des Pallières m’a proposé successivement plusieurs sujets de documentaire : sur Gertrude Stein, puis ce qui est devenu Disneyland, mon vieux pays natal (sorti en 2001), puis une fiction télé ou de cinéma : en les produisant, je ne me situe pas comme un producteur de genre mais d’œuvre, je suis alors au service de ce que nous désirons voir exister, me déplaçant en production en fonction des nécessités de chaque projet.

Au début des Films d’ici, le documentaire était majoritaire mais nous n’avons pas tardé à produire de la fiction. Bronx-Barbés d’Éliane Delatour, sorti en 2000, a été produit à la fin des années 1990. Éliane, qui vient du documentaire, voulait réaliser une fiction, et nous avons suivi son projet. C’est un exemple parmi beaucoup d’autres. Le documentaire reste encore majoritaire. Nous produisons un à deux longs métrages par an pour le cinéma et trente à quarante documentaires pour la télévision. Chacun des producteurs des Films d’ici peut produire documentaire ou fiction ; certains ont leurs affinités, leurs préférences, certains sont plus transmédias que d’autres ; une productrice, en particulier, a développé notre présence à l’international, chacun développe ses spécificités.

Ce qui nous caractérise, c’est d’avoir privilégié des emplois permanents au sein de notre structure de production. Nous avons donc une entreprise qui produit des volumes importants avec une rentabilité faible. Elle s’est également structurée pour que chaque film conserve une histoire particulière, un suivi, une mémoire car chaque film possède son histoire, et l’on ne produit pas de la même façon un film à soixante mille euros comme un film qui en coûte cinq millions. Évidemment, nous conservons des services communs : la direction financière, la comptabilité, le standard, le développement, la vie des films, les festivals, etc. Nous fonctionnons, d’ailleurs, sur les règles de la comptabilité analytique puisque dans le cinéma, elle s’établit film par film. Chaque production se structure autour de chaque film avec une équipe intermittente qui vient renforcer l’équipe permanente.

Comment choisissez-vous les réalisateurs ?

Nous fonctionnons comme une maison d’édition. Il y a des gens qu’on accompagne depuis longtemps. Les projets arrivent rarement par la poste, ils naissent de rencontres. Nous produisons plusieurs nouveaux réalisateurs chaque année, réalisateurs français ou de pays étrangers, que nous avons connus par d’autres réalisateurs, lors de festivals, etc. et qui viennent s’ajouter à celles et ceux avec lesquels nous travaillons depuis longtemps, qui nous sont d’une grande fidélité. Un projet, c’est donc une rencontre entre un producteur et un réalisateur. Certains réalisateurs souhaiteraient bénéficier d’aides autonomes qui leur permettraient de produire leur film sans producteur mais, pour moi, cela ne garantirait pas l’aboutissement d’un projet car on a rien trouvé mieux que le tandem producteur/réalisateur pour qu’un projet se réalise.

Le dialogue, en amont, entre producteur et réalisateur est essentiel ; il permet d’affiner le projet qui s’élabore dans le dialogue et la contradiction. L’enfermement dans une vision solitaire est un appauvrissement. Avec les réalisateurs, nous échangeons des idées, ce qui leur permet d’avoir un regard extérieur, de trouver des pistes, d’avancer, à la fois sur le plan artistique, financier, organisationnel, qui sont les trois volets du métier de producteur. On s’intéresse assez peu, et à tort, aux structures de production. Elles sont un outil au service d’un travail de réalisation, une interface, et il est important que les réalisateurs sachent pourquoi telle structure a été construite de telle manière, puissent situer sa politique, sa cohérence.

Quelle différence faites-vous entre produire pour le cinéma et produire pour la télévision ?

Il existe deux types de différences : d’abord éditoriale, sujet dont on pourrait parler pendant des heures. Les frontières sont parfois fragiles entre les deux mais l’idée que je voudrais faire valoir est que le cinéma se définit essentiellement par le réalisateur et son point de vue. La production des films de cinéma se caractérise également par son mode de financement. Le choix que nous allons faire, produire pour le cinéma ou la télévision, procède d’une analyse : on évalue si le film a la possibilité d’être diffusé en salle. Pour certains projets, on ne se pose pas la question. Les films de Nicolas Philibert iront en salle, par exemple. Il arrive aussi que des projets changent de destination. Valse avec Bachir [+leggi anche:
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d’Ari Folman, sorti en 2008, a été produit pour la télévision, les chaînes qui l’ont coproduit ne souhaitant pas qu’il soit produit pour le cinéma… et pourtant, le film s’est retrouvé en salle. Cela arrive et montre bien que, pour certains projets qui relèvent du documentaire, la question du mode de leur diffusion se pose et ne peut pas être totalement déterminé.

La télévision fonctionne par sujets, par cases et certains films échappent à cela ; certains font exploser les cadres ou ne traitent pas d’un sujet immédiatement identifiable. Alors, parfois, un distributeur prend l’initiative et le risque de le sortir en salle, parfois des projets dont n’ont pas voulu les télévisions réussissent au cinéma. Si l’on veut garder une qualité éditoriale, il faut éviter la standardisation. La production tient à la fois, et c’est un peu un lieu commun de le dire, de l’industrie et de l’accompagnement de prototypes. Telle est la problématique à laquelle nous sommes confrontés et qui implique tous les aspects du métier : financier, artistique, organisationnel.

Quels sont les chaînes avec lesquelles vous travaillez pour le documentaire ?

Nous travaillons beaucoup avec les télévisions qui jouent un rôle socialement déterminant, et ce n’est pas un hasard si le documentaire est essentiellement diffusé par les chaînes publiques car le documentaire procède, au sens large, d’un projet politique, il n’est aucunement synonyme de divertissement maximum ; il est un point de vue sur le monde dont on a vraiment besoin dans un monde de plus en plus complexe ; il contribue à décrypter ce monde, ce que ne peuvent faire les journaux télévisés au quotidien, l’information rapide et ses trop brefs commentaires.

En général, nous produisons avec Arte, de façon conséquente, France 5, régulièrement, France 2 pour les projets qui nécessitent des fonds importants et, de façon générale, avec toutes les structures qui accompagnent le documentaire, ministères, musées, régions, etc.

Est-ce que vous partagez le discours critiquant le formatage qu’imposeraient les diffuseurs ?

Penser que c’était mieux avant, c’est un vieux serpent de mer. En réalité, cela n’a jamais été bien ni mieux. Je ne partage pas cette vision qu’il aurait existé un âge d’or pendant lequel une télévision vertueuse aurait défendu la création à tout crin. J’ai connu une époque où il y avait, pour le documentaire, une case sur France 3 par semaine, ce qui n’était pas vraiment l’Eldorado. La télévision est confrontée à des pressions analogues à celles que connaissent aujourd’hui l’édition et la presse. Ce sont des processus que subissent tous ceux qui y travaillent et chacun, à l’extérieur comme à l’intérieur de ces institutions, doit s’interroger, les prendre en compte, les analyser. Le formatage existe, c’est vrai, mais il existe aussi des lieux qui sont ouverts. Les chaînes bougent, évoluent, pas toujours dans le même sens ; il existe des tendances, des modes selon les époques, qui apparaissent puis disparaissent.

L’essentiel est que les chaînes maintiennent l’offre et la diversité. C’est un combat permanent : regardez ce qui se passe pour le livre ! Les télévisions sont confrontées à un dilemme : en matière de création, plus vous êtes formellement inventifs, plus vous clivez le public. Donc, d’un côté, la télévision est un vecteur qui est censé rassembler, de l’autre la création ne saurait être consensuelle. Il nous faut donc rechercher un équilibre entre la création et l’industrie. D’autre part, la création ne se décrète pas : il existe, en grand nombre, de très bons documentaires qui relèvent d’un excellent savoir-faire, pas d’une création. Et c’est très bien que ce type de documentaire soit largement diffusé. Je ne publie pas non plus trente œuvres majeures de création par an. Il faut s’interroger sur les notions de savoir-faire et de création car il faut savoir de quoi l’on parle.

Mais concrètement, si on avait des critères trop drastiques pour qualifier ce qui relève du savoir-faire et de la création, cela aurait un effet sur le soutien à la production en général par effet sur le Compte de soutien — et tous les droits d'auteur qui ont comme socle cette notion de création. Il serait donc imprudent et trop complexe d’aller dans ce sens. C’est une lucidité à avoir sans conséquence concrète sur les dispositifs de soutien public et de financements.

Le documentaire singulier que vous défendez a donc encore sa place à la télévision ?

Bien sûr. Je ne vois pas en quoi il y aurait aujourd’hui un recul en matière de soutien des diffuseurs du service public à la création. Il y a eu, c'est vrai, une ère Arte au cours de laquelle Thierry Garrel, qui fut, dès la création de cette chaîne, directeur de l’unité documentaires a joué un rôle important pour la création. Mais ce qu’il faut, maintenant, c’est maintenir la masse globale de financement du documentaire de création et œuvrer à son augmentation. Il faut maintenir une pression par les œuvres elles-mêmes.

On assiste à un changement de génération. Les jeunes réalisateurs qui débutent dans la création et ceux qui vont apparaître n’auront jamais connu ni Claude Guisard, l’ancien responsable de la Direction des Programmes de création et de Recherche de l’Ina, ni Thierry Garrel, qui, tous deux, ont beaucoup œuvré pour le documentaire de création. On ne peut rester nostalgique d’une période. Je me souviens que, lorsque Denis Gheerbrant ou Nicolas Philibert proposaient un film, au début des années 1990, leurs projets avaient toutes les chances de se réaliser. Mais, à l’époque, il n’y avait pas tant de réalisateurs qui possédaient du talent. Aujourd’hui, le nombre de ceux qui ont un réel talent, en France, est démultiplié, sans compter les réalisateurs étrangers. Leur nombre a considérablement augmenté. Le choix est donc beaucoup plus grand. Le dernier film de Denis Gheerbrant n’a pas trouvé de diffuseur. Il a pourtant toujours le même talent et même plus ! Mais la concurrence est toujours plus forte. Les réalisateurs font donc face à cette double contrainte : le formatage, qui existe, mais aussi une concurrence qui n’existait pas à un tel niveau auparavant. Ceci posé, on sort aujourd’hui des films formidables, parfois au cinéma, parfois à la télévision.

En tant que producteur, je n’ai rien à regretter par rapport à ce qui se passait il y a dix ou quinze ans. Le contexte ne nous a pas affaiblis. Cette année, nous sommes à Berlin avec La Maison de la radio [+leggi anche:
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de Nicolas Philibert, à Cannes, en compétition, avec Michael Kohlhaas [+leggi anche:
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intervista: Arnaud des Pallières
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d’Arnaud Des Pallières, Avi Mograbi est à Rome, et nous avons produit deux films remarquables pour la télévision, un de Oussama Mohamed, cinéaste syrien, l’autre de Boris Gerets cinéaste anglo-hollandais, ce qui témoigne de la vitalité des documentaristes et des cinéastes du monde entier.

Dire qu’hier était l’âge d’or du documentaire, c’est une fausse perspective ; on cherche à se rassurer. Donc, de mon point de vue, il ne faut pas essayer de créer un financement totalement affranchi des chaînes, un financement seulement accessible aux réalisateurs de documentaires, sans avoir d’accords préalables avec des chaînes ou des producteurs. Ce discours, que je situe et dont je peux comprendre la logique, m’apparaît ne pas tenir compte de la réalité. Il existe une radicalisation du discours que je ne partage pas.

Mais tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ?

Ces revendications témoignent d’un fait avéré : productions et réalisations sont maintenant plongées dans un monde extrêmement concurrentiel et internationalisé. Le manque de diversité que l’on peut constater sur le service public est regrettable, mais ce manque a été et demeure à géométrie variable. Il faut analyser de près ce qui a pu se passer à diverses époques. Il existe des mouvements de fermeture et des moments d’ouverture plus ou moins importants. Mais il faut arrêter de penser que si on « ghettoïse » la diversité, si l’on crée une case spécifique, en troisième partie de soirée, cela va permettre de diffuser des œuvres originales. Ce serait, de fait, une politique dangereuse qui isolerait ces productions au lieu de leur trouver un public.

Non, je le redis, pour moi la télévision publique n’était pas un Eldorado du documentaire, il y a dix ou quinze ans. Elle n’est pas non plus devenue un désert. S’est-elle formatée de façon particulière depuis ? Oui, mais elle n’était pas une télévision idéale auparavant. Il faut toujours se battre pour que ce soit mieux. France 3 a adopté une politique du film d’histoire dont on peut voir à la fois les limites et les qualités. On pourrait évidemment souhaiter que, avec l’apport d’autres personnalités au sein des chaînes du service public, un renouvellement des regards se fasse et surgissent de nouvelles idées en matière de diffusion. Le paradoxe, c’est que les personnes qui travaillent dans les chaînes sont issues, pour la plupart, des producteurs indépendants. Ils ont émergé avec la Bande à Lumière.

Au sein des chaînes travaillent des gens extrêmement compétents qui n’ignorent rien de ces revendications : c’est même un discours qu’ils connaissent par cœur. Mais dans le même temps, France 2 ne peut pas exister si elle ne fédère pas entre un million, un million et demi de spectateurs lors d’une diffusion. Une chaîne a l’obligation, au moins, de fédérer. C’est pourquoi, nous avons commencé à faire du docu-fiction et nous avons eu de 3,5 à 5 millions de spectateurs sur France 2, avec Versailles, le rêve d’un roi. La construction d’un château et celle de la monarchie absolue en 2007. C’était un projet sur l’histoire familiale du château de Versailles, allant de Louis XIV à Louis XVI. Ce n’est pas l’œuvre la plus innovante que nous avons produite, mais elle est par ailleurs excellente et la BBC ne s’y est pas trompée : nous sommes devenus une référence pour eux. On peut être totalement radical quand on n’a pas la responsabilité de fédérer un public. Quand on ne prend pas tous les paramètres en compte. La télévision publique a aussi pour mission de s’adresser au public le plus vaste possible. Pas seulement, mais aussi.

Arte joue mieux son rôle actuellement qu’à une certaine époque, moins bien qu’à d’autres, et davantage pours certains créneaux que dans d’autres. France 3 a trouvé un bon positionnement et France 2 joue son rôle pleinement. France 5, devra creuser sa politique et son rôle en matière de documentaire, elle pourrait en effet être plus diversifiée.

À la fin du mandat de Patrick de Carolis, dans les années 2009-2010, il y avait un guichet unique pour le documentaire au sein du groupe public. France Télévisions avait créé un pôle documentaire qui produisait pour toutes les chaînes, et j’estime que c’était plutôt une bonne chose : à contrario de ce que beaucoup de producteurs et de réalisateurs ont pu penser à cette époque, j’ai considéré que cela favorisait la diversité. Avec cette structuration, si l’entité France Télévisions avait envie d’un projet qu’on lui proposait, il était orienté sur la chaîne qui lui correspondait. Si ce n’était pas possible de le produire pour France 2, il était dirigé vers France 5. Cela a soulevé d’importantes contestations, par crainte, non fondée selon moi, de voir les projets refusés au nom d’une politique unique qui aurait annihilé toute diversité.

Or, j’ai pu constater que cela a permis une période de grande diversité éditoriale que personne ne voudra reconnaître. Mon opinion était très minoritaire, les autres producteurs et réalisateurs contestaient le guichet unique. Mais moi je persiste à dire qu'il y a moins de diversité quand chaque chaîne ou guichet défend sa ligne éditoriale ! Elle est nettement plus grande quand on peut être orienté vers le bon diffuseur. Ce système n'a pas duré très longtemps. C'est tout à fait regrettable. Le terme de guichet unique, un peu malheureux, a fait la quasi-unanimité contre lui. On entendait, bien sûr, le mot « unique » dans le sens de restriction.

Aujourd'hui, d’autres revendications émergent mais je pense que le combat de ce que l'on appelle documentaire de création est presque un combat d'arrière-garde s’il n’élargit pas sa visée et perspective. Évidemment, on assiste à une transformation radicale de la production et de la télévision. Les métiers se transforment. Les documentaires de création linéaires continueront d’exister mais ils seront, c’est une évidence, encore moins diffusés qu’aujourd’hui. Donc, l’enjeu est de maintenir et amplifier la possibilité de points de vue renouvelés tant en matière de sujets que de traitements.

Comment voyez-vous l’avenir du documentaire ? Pensez-vous que d’autres vecteurs de diffusion doivent prendre le relais ?

Le documentaire se fait maintenant en Israël, en Russie, en Amérique latine bien plus encore. En France, nous évoluons dans un système qui a, certes, stimulé un développement mais se pose maintenant la question de son renouvellement : ce qui a été créé n'est pas un acquis pour l’éternité. Ce qui reste vrai, c'est que le documentaire reste sous-financé. De fait, il l'a toujours été. Pendant un temps, la situation s'est améliorée mais elle reste fragile et s'il y avait une remise en cause de l'intermittence dans le secteur, les effets en seraient économiquement dévastateurs, cela ferait exploser le système. Ce sous-financement relève d’un accord tacite entre les diverses parties. Au lieu d'augmenter la redevance, ce qui est la seule solution convenable, on a fait payer à, et par, l'intermittence des politiques de déficits publics. Après, ce sont des choix politiques mais qui ne doivent pas mettre ne péril les productions. Oui, il y sous-financement et dans les arbitrages, il y a des contradictions. Les producteurs qui émergent viennent plus des écoles de commerce que de cinéma, ce qui n’était pas le cas de la génération précédente.

Pour ce qui relève d’un futur proche, ce qui est sûr, c’est que les jeunes qui arrivent actuellement ont passé autant de temps en cours qu'à jouer sur les différents supports numériques. Leur langage a changé. La façon de s’exprimer a et va donc changer. La télévision ne peut plus s’adresser à eux de la même façon. Beaux-Arts, Arts plastiques, Arts graphiques, informatique sont en train de converger. Le rôle du producteur et du diffuseur sera de prendre en compte ces modes d’expression qui apparaissent et apparaîtront dans un futur proche. Les réalisateurs qui arrivent auront cette culture là. Ils ne penseront pas de la même façon. Il n'y a pas de retour en arrière possible. Il faut donc penser ce qui se passe avec d'autres outils d'analyse. Sinon, nous serons balayés.

Il faut donc penser l'objet télévision. Ça ne doit pas être un robinet, la télé. Où va-t-elle ? A qui s'adresse-t-elle ? Quelles sont ses évolutions structurantes ? La question du formatage devient donc secondaire par rapport à cette nécessité de penser les transformations. La pratique des images change et se fait au travers d’outils qui offrent d'autres possibilités. Alors, il faudra produire en tenant compte de ces espaces là.

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