FESTIVAL DE ROME Hors-compétition / Italie
Christine Cristina, une (proto-)féministe contre le pouvoir
par Gabriele Barcaro
“Tous les acteurs, à un moment ou à un autre, rêvent de passer
derrière la caméra", assure Stefania Sandrelli, icône du
cinéma italien. Après près de cinquante ans de carrière (l'actrice a
fait ses débuts en 1962, à peine adolescente, dans Divorce à
l'italienne, et puis a travaillé avec Monicelli, Pietrangeli,
Scola, Bertolucci, Bigas Luna...), l'interprète de Nous nous
sommes tant aimés et Je la connaissais bien (pour ne citer
que deux chefs d'oeuvre dans sa longue filmographie) signe son
premier film en tant que réalisatrice, Christine Cristina [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], présenté hors-
compétition au Festival de Rome.
Si cette oeuvre, qui a demandé beaucoup de temps et de ténacité, est plus sincère que réussie, il faut tout de même admirer l'ambition de Sandrelli (et de son co-réalisateur et compagnon Giovanni Soldati) : traduire en images la vie, peu connue du public, de la poétesse Christine de Pizan (interprétée par sa fille, Amanda Sandrelli). Cette femme arrivée à Paris dans son enfance (son père ayant été nommé astronome à la cour de Charles V) devint, à la fin du XIVème siècle, une des seules voix féminines de la poésie de la fin du Moyen- Âge et une des premières "mères de famille" à vivre de son métier à une époque dite obscure, à l'aube des premières conceptions humanistes.
Le scénario, composé avec Sandrelli par Giacomo Scarpelli et Marco Tiberi, sous la supervision de Furio Scarpelli, laisse au second plan le contexte historico-politique de la vie de Pizan (de la querelle des Armagnacs et des Bourguignons à la mort de son mari) pour isoler cette figure centrale et l'ériger en parangon du (proto-)féminisme qui non seulement ne craignait pas le pouvoir, mais l'a ouvertement défié. Fustigeant à coups de rimes embrassées ou imparfaites, de vers directs ou allusifs, les puissants de son temps – qui n'y ont pas prêté attention et l'ont condamnée pour des faits tiers, envoyant au gibet son ami chansonnier Charleton (Alessandro Haber).
Les renvois au présent sont évidents ("quand elle soutient que le pouvoir et la bonté n'ont rien en commun, Christine dit la même chose que Roberto Saviano”, soutien Sandrelli), notamment dans le personnage de Sartorius, homme de lettres et sophiste dont Roberto Herlitzka nous livre une interprétation remarquablement subtile. Hélas, souvent, la fiction en costumes prend le pas sur la finesse – on note par exemple le rapport anachronique de Christine avec ses enfants, ou avec le beau théologue Gerson/Alessio Boni.
Mieux vaut ne pas faire grand cas de ces ingénuités et admirer plutôt le travail du responsable des décors Marco Dentici, qui a su reconstruire, dans les environs de Rome et sur un plateau de Cinecittà recyclé pour la circonstance, un Moyen-Âge bien plus authentique que celui recréé pour des sommes dix fois plus importantes (Christine Cristina a coûté 2,5M €) dans des super- productions italiennes récentes.
Christine Cristina, produit par Cinemaundici, Diva et Rai Cinema, sortira sur les écrans transalpins en 2010, distribué par 01. Les ventes internationales du film sont assurées par Rai Trade.
(Traduit de l'italien)
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