La “Passion” de Naples
par Gabriele Barcaro
Pour une Julia Roberts friande de stéréotypes (dans Mange, prie, aime), voilà un Américain (certes italo-) qui creuse derrière les lieux communs, parfois au risque de retomber dedans mais le plus souvent en menant l'enquête "avec curiosité et humilité, sur une ville extraordinairement complexe", pour reprendre les mots de John Turturro lui-même en parlant de son projet Passione, documentaire mis en scène dédié à la chanson napolitaine – "une aventure musicale" (dit le sous-titre) qui a commencé il y a près d'un millénaire.
Le rapport de Turturro avec la tradition napolitaine est né sur le tournage de La trève grâce au mentor Francesco Rosi. Le lien s'est renforcé avec Eduardo, dont l'acteur/réalisateur a représenté la pièce de théâtre Questi fantasmi. Inévitablement ou presque, le producteur Carlo Macchitella a pensé à lui pour ce voyages entre images et accords musicaux qui n'a pour précédent que le vieux film Carosello napoletano d'Ettore Giannini (1953).
Un demi-siècle plus tard, la chanson napolitaine est encore une mine inépuisable de mots, de rythmes (pour beaucoup empreints d'influences ethniques) et d'humeurs, un patrimoine précieux en des temps difficiles pour la ville : "Quand j'ai eu l'idée de ce film, se souvient Macchitella, Naples faisait la une des journaux du monde entier à cause du scandale des déchets. Je voulais faire quelque chose qui rappelle sa plus belle facette, un passé que le présent ne devrait pas assombrir".
Pour réussir dans cette entreprise sans tomber dans le folklore, "il nous fallait un regard étranger qui filtre cette réalité à travers sa propre culture". Qu'est donc Naples pour John Turturro ? "Un lieu mystérieux, y compris pour ses habitants, qui a quelque chose de vivant, de vibrant et d'infini qu'on perçoit partout", dit-il.
On le perçoit notamment dans ses classiques de la chanson : "Malafemmena" de Totò, interprété par Massimo Ranieri et Lina Sastri, "Comme facette mammeta", chanté par Petra Montecorvino (qui chante aussi "Nun te scurda" avec Raiz), "Era de maggio", rendu de manière théâtrale par les Avion Travel, "Tammurriata nera" par Peppe Barra, ou encore l'incontournable "O sole mio", l'amusant "Caravan Petrol" de Carosone, "Canto delle lavandaie del vomero" et "Faccia Gialla". On termine sur Pino Daniele, qu'on entend sans le voir chanter "Napul’è". Un univers aux mille couleurs.
Passione, produit par Skydancers et Squeezed Heart Production, est une coproduction italo-américaine soutenue par la Région Campanie, l'Union européenne, la Commission du film de Campanie et le Ministère de la Culture, avec la collaboration de Cinecittà Luce (qui le distribuera à partir du 22 octobre sur 50 écrans italiens), Rai Cinema, Madeleine et Beta Film. Les ventes internationales en sont assurées par Beta Cinema.
(Traduit de l'italien)
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