email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2011 Compétition / Turquie

Il était une fois en Anatolie donne une impressionnante leçon de cinéma

par 

Déjà primé au Festival de Cannes en 2008 pour Les trois singes [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Zeynep Ozbatur
fiche film
]
(prix de la mise en scène), le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan est de retour en compétition et il confirme avec Il était une fois en Anatolie [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
qu'il est bien l'un des plus grands stylistes du cinéma contemporain. Mais les films de Nuri Bilge Ceylan se méritent et il en va particulièrement ainsi de ces 2h37 qui s'apparentent à un long et épuisant voyage au bout de la nuit, une nuit blanche dans les steppes désertiques d'Anatolie, une nuit d'errance guidée par la lanterne d'un poète ténébreux.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

"Vous vous ennuyez à mourir, mais un jour, ce qui se passe ici vous amusera." Cette ligne de dialogue sonne comme un message - le seul au demeurant - du réalisateur à son audience de cinéphiles. Il y a des découvertes qui prennent du temps et les protagonistes de cette histoire en témoignent. La nuit, en Anatolie, trois voitures sillonnent une route monotone et sinueuse, à la recherche d'une scène de crime. Un commissaire, un procureur, un médecin et quelques policiers parcourent la campagne en compagnie de deux suspects menottés qui ne parviennent pas à retrouver l'endroit où ils se sont débarrassés d'un corps.

Un cortège de voitures avec ses phares qui percent la pénombre, le ciel tourmenté et écrasant des steppes Anatolienne, les bruits au loin - orage, cri d'animal, plainte - et le temps qui s'égrène. L'art de capter la simplicité du réel, puis de l'étirer au centuple pour la ressentir. Les sensations transpirent et perlent sur l'écran comme sur le front de cette majorité d'hommes - peu de femmes à l'image de la société turque - que Ceylan filme au plus près de la peau. Dans ce tunnel de routes effilées et cruellement similaires, les dialogues sonnent comme un écho. Monologues parfaitement ciselés, ils dissimulent toute évidence comme une imperfection. L'écriture de Nuri Bilge Ceylan prive son oeuvre des clefs qui permettraient de l'ouvrir aisément. Comme les enquêteurs, il faut les chercher au risque de passer à côté.

A chaque arrêt, un départ bredouille qui agace le sens de l'observation du spectateur. Vient ensuite une pause plus longue dans un village et le ton change. C'est la récréation brusquement replongée dans l'obscurité d'une panne de courant et le public de rechuter dans le climat si particulier, unique, de la première partie du film avant que la lanterne d'un guide relance l'invitation au voyage le temps d'un plan digne des chefs de file de la peinture baroque. Les pérégrinations reprennent et s'achèvent enfin par une découverte, sursaut de joie, à 67 minutes du générique final. C'est l'aube et, avec le jour, l'autopsie doit apporter la lumière sur ce crime. Les néons ne font que prolonger la nuit. Le groupe est courroucé. La fatigue complique les choses. L'observation, la paperasse des rapports, le travail de la justice, l'absurdité des crimes qu'il faut expliquer, tout ça prend aussi du temps.

À travers ses personnages, Nuri Bilge Ceylan pointe des thèmes inhérents à sa société. : l'inégalité des sexes, la froideur de l'administration, le poids des traditions en décalage avec les moeurs, la résistance au changement vécu comme une colonisation. L'enquête est dense et obscure. L'impatience des élèves que nous sommes est heureusement compensée, voire récompensée par l'amplitude magistrale d'une véritable leçon de cinéma.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy