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FILMS / CRITIQUES

Polisse

par 

- La vie tumultueuse d'une équipe de policiers de la Brigade des Mineurs. Une énergie hors normes, un réalisme décapant et des émotions débridées. Prix du Jury à Cannes en 2011.

L’univers libertaire et le style anti conventionnel de Maïwenn ont fait irruption avec fougue en compétition au 64ème Festival de Cannes avec Polisse [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Maïwenn
fiche film
]
, une plongée rude et réaliste dans le quotidien de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) d’un quartier populaire parisien. Un film très riche, parfois excessif, souvent émouvant, rythmé par un humour décapant et une énergie originale dans la lignée du cinéma-vérité d’une réalisatrice idéaliste et militante de la défense des enfants (elle avait révélé en 2006 avoir été battue dans sa jeunesse).

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Pédophilie, inceste, maltraitance, viol… Les interrogatoires serrés se succèdent pour des policiers aussi sensibles qu’endurcis, évoluant mentalement delà des tabous ("on ne trouvera rien de vulgaire, ou de dégoutant. C’est comme si on parlait de cuisine"). La part obscure ou désespérée de l’humain se déverse dans les locaux de la BPM ("papi m’a gratté les fesses", "papa m’aime trop", "je ne veux pas que mon enfant devienne comme moi"). Les témoignages détaillés des victimes et les confessions des coupables sont extirpées en douceur ou avec hargne, les enjeux pèsent d’un lourd poids dans l’atmosphère.

Restituant ce métier ingrat avec une perfection proche du documentaire ("c’est dit comme ça parce que c’est comme ça"), Polisse dresse un tableau effarant et poignant d’une détresse et d’une abjection à l’œuvre dans toutes les couches sociales et se déclinant en de multiples délits comme le vol en bande organisée ou encore l’enlèvement de bébé. Mais ce tableau ne serait qu’une nature morte et une dérangeante étude sociologique (avec entre autres la banalisation d’une sexualité assez hard chez les jeunes adolescents) sans les comédiens charismatiques qui l’animent (Joey Starr, Karin Viard et Marina Fois en tête).

Accordant une grande liberté à ses interprètes, Maïwenn lâche les fauves et offre de salutaires paliers de décompression à l’épicentre noir de son film. Ses policiers ne sont ni anges ("tu prend ça trop à coeur. Ce n’est pas ton môme ? Non. Alors stop !"), ni des héros, juste des écorchés vifs cumulant les divorces, les fêtes sauvages et l’humour transgressif de compensation ("tu veux pas plutôt faire un truc plus cool, un viol en réunion?"). Ils aiment, discutent, se disputent et agissent sur la base de leur expérience commune si particulière, se sachant détestés ou au mieux des éléments perturbateurs pour leur entourage. Mais les explosions et les implosions ne sont pas loin pour ces caractères paradoxalement fragiles et bien trempés.

A travers une grande facilité à créer rapidement une identité profonde pour ses personnages et à faire naître l’intensité, Maïwenn rend un hommage percutant à une profession plus que difficile ("notre boulot, c’est plus complexe, c’est pas juste des gosses qui pleurent, du misérabilisme") et aux moyens limités. Dévoilant l’envers du décor des familles, de la police et de Paris, elle réussit à apposer une empreinte imparable de véracité sur la BPM comme Tavernier l’avait fait pour les Stups de L627.

Mais la réalisatrice ne renonce pas pour autant à l’audace débridée qui la caractérise depuis ses débuts, la canalisant simplement davantage. Scène freestyle de danse en boîte de nuit, love-story entre l’instinctif Joey Starr et la photographe incarnée par Maïwenn elle-même, scènes de ménage tragicomiques, éclats de polémique politique ou religieuse... Un melting-pot créatif frôlant parfois le trop plein, mais qui fait la force d’un film maniant avec une violence contrôlée le procédé et l’authentique et qui permet à son auteur d’atteindre un nouveau palier d’ambition cinématographique sans renier une singularité inflexible bien résumée par un des personnages : "on se parlera quand tu arrêteras de faire semblant".

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