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FILMS / CRITIQUES

Trois soeurs

par 

- Trois soeurs luttent pour se construire un futur. Léopard d'or du meilleur film à Locarno en 2011.

Dans Trois soeurs [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Milagros Mumenthaler
fiche film
]
, son premier long métrage, la réalisatrice suisso-argentine Milagros Mumenthaler propose l'histoire d'une transition. Trois soeurs vivant ensemble dans la maison de leur grand-mère, récemment décédée, cherchent désespérément à trouver leurs voies propres pour l'avenir, chacune dans une direction différente, mais sans perdre le lien avec leur famille et leur passé commun.

Le jury du 64ème Festival international de Locarno a récompensé ce calme récit de formation du Léopard d'or du meilleur film. L'actrice argentine Maria Canale a en outre remporté le Léopard de la meilleure actrice pour le rôle de Marina, l'aînée des trois soeurs.

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En surface, il ne semble pas se passer grand chose dans le film : trois filles, Marina (21 ans), Sofia (20 ans) et Violeta (18), occupent dans la maison de leur grand-mère, morte récemment. C'est l'été à Buenos Aires et l'air est aussi lourd que la vie des trois soeurs est immobile. C'est qu'elles ne savent pas comment exister sans la femme qui les a élevées. Leurs parents sont partis depuis longtemps, mais on ne sait pas pourquoi - on ignore s'ils ont été victimes de la dictature, d'un accident, ou d'autre chose.

Marina se sent responsable de ses deux cadettes : en plus de ses études universitaires, elle gère la maisonnée, cuisine, nettoie et tient les comptes. Sofia semble ne s'intéresser qu'à la mode et fouille parfois les placards de sa grand-mère, en quête de souvenirs oubliés et de secrets bien tenus. Violeta regarde la télévision et parfois, en secret, elle voit un homme qu'il n'est pas donné au spectateur d'apercevoir. Les dialogues sont rares et souvent limités aux petites cruautés quotidiennes qu'échangent ces soeurs qui se connaissent si bien qu'elles savent frapper aux endroits sensibles. Au-delà de ces moqueries, elles sentent fortement le désir de se séparer, d'être différentes, uniques, et de trouver leur identité ailleurs que dans les expériences qu'elles ont en commun.

Trois soeurs (dont le titre original Abrir puertas y ventanas qui signifie "ouvrir portes et fenêtres", s'inspire des dernières lignes de la pièce La Maison de Bernarda Alba de Federico Garcia Lorca) n'a pas besoin de mots pour décrire ce que ressentent les trois jeunes femmes. Milagros Mumentaler raconte tout entre les lignes à travers les images de cet été torride, étouffant, où la vie même s'arrête. Mais malgré la lourdeur de l'air et l'immobilité de la maisonnée, les choses évoluent discrètement et voilà qu'un jour, Violeta n'est plus là. Elle a laissé à ses soeurs une lettre où elle explique qu'elle veut être musicienne et vivre avec l'homme qu'elle aime. Sofia se met alors à réorganiser la maison, à la débarrasser des vieux meubles et souvenirs, tandis que Marina, qui veut d'abord à toute force laisser les choses comme elles sont, se met lentement à accepter qu'il est temps d'ouvrir portes et fenêtres et laisser l'avenir suivre son cours.

Bien que la jeune réalisatrice ait choisi de passer par l'atmosphère et les images plutôt que par les mots, sa mise en scène n'est jamais prétentieuse. Trois soeurs, pour être très bien construit sur le plan conceptuel, guide le spectateur avec subtilité dans une réalité apparemment naturelle où rien ne change, mais où tout sera pourtant très différent à la fin. Ce n'est certainement pas un film qui conviendra aux impatients (les changements prennent ici leur temps pour survenir, et ils surviennent inconsciemment), mais Mumenthaler confère à son histoire un grand réalisme, un naturalisme même, en évitant d'expliquer son histoire par les mots et les décors de manière à laisser le public trouver sa propre interprétation. Trois soeurs ouvre portes et fenêtres sur le souvenir que chacun a de sa propre enfance et de la manière dont il a trouvé sa voie dans la vie.

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