19/06/2012 - Avec Among Us, découvert l’année dernière à Locarno, Marco Van Geffen dresse le portrait désincarné et clinique d’une jeune au pair emmurée dans le silence

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bande-annonce
fiche film] Ilse et Peter ne devraient pas tarder à avoir leur deuxième enfant. Pour prendre soin de leur famille qui s’agrandit, ils accueillent en leur foyer Ewa, une jeune au pair polonaise. Si Ewa est charmante, mais son extrême timidité rend la communication difficile. Inhibée par la barrière linguistique, et surtout la peur de mal faire ou de mal dire, Ewa s’isole chaque jour un peu plus. Elle trouve refuge auprès du petit garçon du couple, et tente de se raccrocher à Aga, une autre au pair polonaise, mais si ce n’est leur travail, rien ne les unit. Aga est exubérante et sans gène, quand Ewa n’est que silence et discrétion. Un jour, Ewa pense découvrir un secret qui pourrait bouleverser l’existence de sa famille d’accueil, mais aussi de toute la communauté. Désemparée, elle ne sait à qui s’adresser. Il se pourrait que sa timidité soit fatale à ceux dont elle est le plus proche…

Sur un motif sommes toutes assez classique – le grand méchant loup qui traque le gentil petit chaperon rouge -, le réalisateurs Marc van Geffen opère un double dépaysement, l’un géographique (en situant son récit dans une zone pavillonnaire hollandaise, parfaitement ennuyeuse et bien sous tous rapports), l’autre narratif, en déroulant son récit en trois temps, correspondant chacun à l’un des personnages. La construction en triptyque, par essence elliptique puisque qu’elle focalise sur un point de vue, contribue à distiller au compte-goutte les informations. Ce que l’on prend au début pour un drame sociologique sur le choc des cultures, se transforme peu à peu en thriller psychologique. A la détresse désincarnée d’Ewa répondent des paysages périurbains où rien de dépasse, une banlieue résidentielle vide de toute âme.

Les premiers personnages passés au crible sont Peter et Ilse. Le couple est dans un premier temps désemparé, puis doucement exaspéré par le mutisme de la jeune fille. Et si ce couple apparemment idéal cachait quelque chose? D’autant que malgré leurs plaintes incessantes de ne pas réussir à communiquer avec Ewa, on ne peut pas dire que la qualité de leur écoute soit exceptionnelle…

Le deuxième personnage étudié à la loupe est Aga. Cette deuxième partie, qui sert clairement à générer de l’empathie pour un personnage que le réalisateur n’hésitera pas à sacrifier, échoue dans ses objectifs, et se révèle de fait être le point faible du récit. On n’y découvre rien que la première partie n’avait laissé deviner, ou que la troisième partie n’explicitera, bien qu’il souligne l’emphase mise sur le danger qui rôde.

Enfin, le troisième chapitre s’intéresse à l’héroïne, Ewa. Si son extrême timidité demeure un mystère, cette partie lève le voile sur les raisons de son comportement, et son effacement progressif trouve des explications.

Si le système est efficace, il est néanmoins un peu trop apparent pour susciter autant d’émotion que le voudrait le danger encouru par la communauté. La construction en puzzle du récit entretient le suspense, d’autant que le manque d’assurance d’Ewa laisse imaginer jusqu’à la fin qu’elle pourrait bien être l’équivalent d’un narrateur peu fiable, que sa terreur découle d’une sorte de paranoïa mal maitrisée. Et l’on ne peut s’empêcher de penser, jusqu’au dénouement ou presque, qu’elle n’est peut-être pas que la victime que le film nous dépeint.

Présenté en competition au 10ème Brussels Film Festival, Among Us (produit par Lemming Film), est la première partie d’une trilogie intitulée Tragédie de la famille heureuse. Le deuxième volet, In Your Name, prenait part au dernier Atelier de la Cinéfondation, où il a remporté le Prix Arte.