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IFFR 2015 Bright Future

Second Coming : question de classe

par 

- Un regard rafraîchissant sur la vie britannique, dans les foyers, au travail et dans de vertes vallées, avec une touche de religiosité antillaise

Second Coming : question de classe
Kai Francis-Lewis et Nadine Marshall dans Second Coming

Pour Second Coming [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, présenté dans la section Bright Future du 44e Festival international du film de Rotterdam, Debbie Tucker Green a renouvelé sa collaboration avec Hillbilly Films, qui partage clairement sa volonté d'offrir des représentations plus valorisantes des minorités noires au Royaume-Uni. Pour ce faire, la réalisatrice ne se contente pas de la solution simpliste qui consisterait à augmenter la proportion de personnages noirs à l'écran : les deux méthodes qu'elle emploie sont bien plus fines que cela.

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D'abord, elle arrache la culture noire au second plan auquel on la cantonne souvent, et à tous les stéréotypes : dans Second Coming, les personnages noirs sont centraux et bien loin des clichés qui en font des débrouillards des rues. La musique qui accompagne le film met elle aussi en avant les artistes britanniques noirs.

Tucker Green a par ailleurs choisi de placer ses personnages dans des décors naturels grandioses, et elle est payée de retour par les performances formidables de ses acteurs, notamment Idris Elba, qui livre une interprétation solide de son personnage d'homme joueur et dissipé, mais aussi très attachant, outre le fait qu'il est extrêmement séduisant. Le résultat est un tableau finement observé, tout à fait rafraîchissant : celui d'une famille noire de la classe moyenne, avec ses complexités ordinaires, ses hauts et ses bas qui la rendent tout aussi universelle que n'importe quelle famille blanche.

Second Coming est magnifiquement infléchi par la culture anglo-antillaise sur laquelle il concentre son attention. La réalisatrice rend très bien compte de la vie d'une famille britannique noire moyenne. Les dialogues qu'elle a composés sont d'une justesse délicieuse dans leur manière d'intégrer la syntaxe et les ellipses du dialecte antillais, et l'intrigue puise superbement dans certains éléments de cette culture.

Cette intrigue s'articule autour de la notion du retour du Christ et, comme pour exaucer les convictions de Malcolm X, le fils de Dieu est bien noir, cette fois. Green pose un regard résolument intelligent sur cette culture souvent fortement empreinte de religion. Comme la critique Tracy Butts, elle explore la figure de la mère, très importante dans la culture noire, en suivant Jacqui (dite "Jax"), une mère (littéralement déifiée) à la vie palpitante dans ses amertumes comme dans ses joies. Elle choisit de mettre en scène les pressions émotionnelles que Jax subit à travers une vision récurrente : celle du déluge s'abattant sur cette femme, qui s'enferme alors dans sa salle de bain et se met à saigner du nez.

Jax est aussi représentée sous des angles bien plus flatteurs. Physiquement, c'est une femme magnifique - l'extraordinaire beauté de l'actrice qui lui prête ses traits, Nadine Marshall (peu connue mais déjà connue de la réalisatrice), crève l'écran et renvoie directement au slogan du mouvement "Black is beautiful" des années 1960. Par ailleurs, en tant qu'elle incarne la mère dans cette nouvelle Nativité, l'air de fécondité qui se dégage d'elle est à couper le souffle. Son rôle central dans le film permet aussi à Tucker Green d'exprimer ses admirables idées féministes – dans tout le film, absolument aucune violence n'est faite à tout ce qui représente la femme (un motif tellement prolifique à peu près partout ailleurs qu'il fait figure de motif rituel).

Jacqui est une simple mère (certes déifiée), cette famille est une simple famille et ce film est juste un très bon drame, qui se passe d'avoir recours à des tours de passe-passe simplistes. La grande force de Second Coming ne peut se résumer autrement : c'est une fiction exceptionnelle sur la vie d'une mère normale dans une famille noire ordinaire, et ce n'est pas parce que l'héroïne est noire que le film est exceptionnel. Ce qui est indéniable, c'est que Tucker Green définit ici magistralement sa position et sa mission en tant que cinéaste.

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(Traduit de l'anglais)

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