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ASTRA 2017

Batusha’s House : toute l’Histoire d’un pays contenue dans un même foyer

par 

- Ce documentaire suisse et kosovar explore un aspect singulier de la relation entre architecture et histoire

Batusha’s House : toute l’Histoire d’un pays contenue dans un même foyer

Est-ce qu’un homme ou une maison peut incarner l’esprit de tout un pays ? Et si c’est le cas, un documentaire peut-il le restituer ? Voilà les deux questions soulevées par le documentaire Batusha’s House [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, réalisé par deux jeunes architectes, Tino Glimmann et Jan Gollob, et projeté dans la compétition films d’Europe centrale et d'Europe l’Est lors de la 24e édition du Festival du Film Astra.

Pendant les premières minutes du film, on voit un facteur s’approcher d’une maison à Prishtina. Vue de loin, la bâtisse ressemble à une forteresse, et en comparaison avec les autres maisons du voisinage, c’est un vrai gratte-ciel. C’est la maison de Kadri Batusha, un homme qui a passé des années en prison en tant qu’activiste pour l’indépendance du Kosovo, avant d’émigrer en Suisse. Il rénove sa maison depuis 15 ans, ajoutant toujours des étages, de nouvelles ailes ou des places de parking. Est-ce l’oeuvre d’un fou ou bien d’un homme qui cherche désespérément à sentir qu’il a trouvé sa place ?

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D’un point de vue architectural, la maison est un cauchemar situé quelque part entre les lithographies impossibles d’Escher et, pour les fans de jeux sur mobile, le jeu lauréat de nombreux prix Monument Valley. Cependant, au-delà des aspects architecturaux, ce labyrinthe de béton se veut avant tout une maison. Dans un État qui a encore du mal à être reconnu sur la scène internationale, la manière de Batusha de lutter contre l’oubli est cet immense bloc de pierre. Même s’il ne le verbalise jamais, à son sens, ce mastodonte d’architecture fonctionne comme un imposant presse-papier qui sert d'ancrage à l’esprit du Kosovo, afin qu’il ne soit pas balayé par les vents changeants de la scène géopolitique. On peut utiliser un souvenir de Paris pour amener un semblant d’ordre sur nos bureaux, mais le Kosovo serait bien inspiré de faire de même avec la maison de Batusha. 

À certains moments, il semble même que le documentaire n'est pas de Glimmann et Hollob, mais du charismatique Batusha lui-même. Peut-être est-ce dû au manque d’expérience des deux jeunes réalisateurs, mais c’est peut-être aussi volontaire, vu que la passion anarchique de Batusha pour la construction et son passé s’imbriquent parfaitement avec l’Histoire turbulente de Kosovo. À travers son protagoniste, le documentaire explore des années de combat pour un idéal, des décennies de décisions difficiles. À travers cette maison, le film déconstruit la société kosovare sans ambages. Les choix de décoration souvent kitsch renvoient à l'esprit d'une communauté kosovare dont les émigrés louent des voitures de luxe pour rentrer au pays l’été, afin d’y trouver une femme.

Au moyen d’interviews avec Batusha, taciturne et presque morose, et avec les membres de sa famille, le documentaire utilise la voix-off pour débattre des concepts de foyer et d’appartenance. C’est sans doute un débat auquel une large partie du public n’est pas habitué, mais c’est certainement un moyen de mieux comprendre la psychologie et les traumatismes associés à la vie en tant que Kosovar. Batusha est parfait pour cela puisque son parcours, de tenancier de restaurant de kebabs à activiste, de prisonnier à combattant pour les droits de l’Homme, d’immigré à constructeur, suit un combat dont les règles changent sans cesse. Dans une séquence, Batusha rend visite à des proches et amis en Suisse, promettant des appartements dans sa bâtisse en pleine expansion à ceux qui décideront de rentrer dans leur pays natal. Ainsi, sa manière de se battre pour le futur du Kosovo évolue une fois encore.

Le documentaire a été produit par ses deux réalisateurs, et coproduit par Ikonë Studio (Kosovo). 

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(Traduit de l'anglais par Florian Etcheverry)

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