"Les comédiens et techniciens luxembourgeois ont une flexibilité, une expérience et une connaissance des langues qui facilitent le montage des coproductions"
Dossier industrie: Produire - Coproduire...
Vincent Quénault • Producteur, Red Lion
par Veronica Orciari
Le producteur français d'origine a détaillé la philosophie de sa société et parlé de son travail sur La cache, sélectionné à la Berlinale, ainsi que ses nouveaux projets de premiers longs

Depuis 2013, le participant luxembourgeois choisi cette année pour l'initiative Producers on the Move de l'EFP, Vincent Quénault, produit des films avec Jeanne Geiben au sein de la société Red Lion, fondée par Geiben et Pol Cruchten en 1996. Il est aussi à la tête de la société de production parisienne Marionnette.
Cineuropa : Pouvez-vous nous parler de votre carrière de producteur ? Pouvez-vous préciser quels en ont été pour vous les moments les plus marquants ?
Vincent Quénault : Je suis arrivé dans la production complètement par hasard. J’ai démarré ma carrière en tant que réalisateur de télévision pour la chaine Ciné+ en France. Je connaissais Pol Cruchten (un réalisateur très emblématique au Luxembourg), qui avait fait la même école de cinéma que moi à Paris (l’ESEC) et m’a proposé en 2013 de rejoindre l’équipe de Red Lion, sa société de production luxembourgeoise. Nous avions des atomes crochus cinéphiliques très forts. J’ai fait mes gammes avec lui en tant que directeur de production. Pol est décédé soudainement en 2019. Sa femme, Jeanne Geiben, co-fondatrice de la société, m’a alors proposé de continuer la production avec elle. Nous avons avec elle une dynamique de fonctionnement en binôme sur chaque film qui est toujours très stimulante. Parmi les moments importants de mon parcours, je mentionnerais la présentation de Lost Country [+lire aussi :
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Pouvez-vous nous parler du récent La Cache, une coproduction, qui a été sélectionné à la Berlinale en début d'année ? Que représentent pour vous les coproductions européennes ?
Nous sommes entrés sur le film en co-développement dès 2018, peu après que Bande à Part Films, la société suisse de Lionel Baier, a acquis les droits du roman de Christophe Boltanski. Le tournage a eu lieu en 2024, principalement en studio au Luxembourg. La Cache est une coproduction Suisse-Luxembourg-France, un film rassembleur qui parle d’antisémitisme, d’engagement citoyen et des pluralités culturelles qui constituent l’identité d’un pays. Mais c’est avant tout une comédie ! Un film audacieux, intelligent et populaire, qui illustre tout à fait la ligne éditoriale que nous cherchons à défendre chez Red Lion.
Quant à la dimension européenne, elle est profondément ancrée dans l’ADN du Luxembourg. C’est d’ailleurs pour cela que j'aime tant, moi qui suis de nationalité française, travailler dans ce pays. Les comédiens et techniciens luxembourgeois ont une flexibilité, une expérience et une connaissance des langues qui facilitent le montage des coproductions. Alors oui, il y a une évidence à coproduire avec les pays francophones et germanophones, mais le Film Fund est également ouvert à des coproductions européennes plus originales, comme celles que j’ai faites avec la Serbie ou la Lituanie.
Quelle est la philosophie de votre société de production ?
Nous restons guidés par notre passion pour le cinéma avant tout. Si nous nous engageons dans un projet, c’est parce que nous croyons au talent d’un.e réalisateur.rice et à son potentiel sur le marché. Nous l’aidons au mieux à accomplir sa vision du projet, mais l’idée est aussi de l’accompagner au-delà d’un seul film, sur le long terme.
Quels avantages pensez-vous que Producers on the Move peut apporter à votre carrière et au secteur en général ?
La force des programmes comme Producers on the Move, c’est de provoquer des rencontres, de mettre en relation des producteurs dont les sensibilités sont compatibles, de les inviter à créer des passerelles entre leurs pays respectifs et d’imaginer ensemble de nouveaux projets. Nous tous, participant.e.s, gagnons beaucoup à passer du temps ensemble et à échanger sur nos expériences en coproduction.
Pourriez-vous nous expliquer quels sont les prochains projets sur lesquels vous travaillez et pourquoi vous les avez choisis ?
Je développe actuellement plusieurs projets de premiers longs-métrages par des réalisateurs et réalisatrices dont j’ai produit les courts-métrages. Je pourrais citer Alpha Amen de Gintarė Parulytė, un drame en lituanien qui interroge l’héritage de l’éducation communiste sur les générations actuelles, ou Campeona de Lucía Valverde, sur une boxeuse cubaine qui a cherché toute sa vie à faire reconnaître les droits des femmes dans sa discipline, discipline qui, jusqu’à récemment, était interdite dans son pays.
Avec ma société française, je développe Shift de Julien Sauvadon, encore un premier film, sur un livreur à vélo lyonnais que ses rêves de grandeur poussent à monter une entreprise illégale impliquant des migrants en situation irrégulière. Nous développons également le prochain film de Laura Schroeder, L’Armoire, adapté d’un fait divers luxembourgeois. Enfin, nous venons de terminer le tournage de Divorce During the War d'Andrius Blaževičius, une coproduction avec la Lituanie où il est question des conséquences de la guerre en Ukraine sur la vie quotidienne d’un homme et d'une femme résidant à Vilnius qui se trouvent partagés entre leur confort et leur engagement citoyen [voir la news].
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