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"Préserver l’indépendance est capital pour sauvegarder la liberté de création qui fait notre force"

Dossier industrie: Tendance du marché

Mathieu Ripka • Délégué général, L'ARP

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Le nouveau délégué général L'ARP répond aux attaques contre la régulation et donne son avis sur les rachats de sociétés de production indépendante par les grands groupes

Mathieu Ripka • Délégué général, L'ARP

Échange avec Mathieu Ripka, le nouveau délégué général de L’ARP - Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs, à l’occasion de la 34e édition des Rencontres Cinématographiques (au Touquet-Paris-Plage du 6 au 8 novembre).

Cineuropa : Pourquoi l’indépendance est-elle l’un des sujets majeurs de cette édition des Rencontres Cinématographiques ?
Mathieu Ripka :
Nous partons du constat que des piliers de la réussite française et de son adaptation permanente aux usages, sont systématiquement attaqués. Que ce soit l’argent du CNC, la chronologie des médias, les crédits d’impôt, les Sofica, le géobloquage, tout ce qui permet la réussite du cinéma français et européen est régulièrement attaqué et souvent de manière fausse. Tout le monde est à peu près d’accord pour dire que la force européenne, c’est la diversité, qu’il est important que les peuples puissent se représenter eux-mêmes dans leur art, dans leur façon de s‘exprimer, et que cette représentation ne doit pas venir d’ailleurs. Mais ce qui permet la diversité, la liberté de création, l’indépendance, c’est paradoxalement la régulation. Or celle-ci porte souvent des mots rébarbatifs, voire réactionnaires comme géobloquage, obligations d’investissements, etc., qui font bondir certains libéraux. Il y a une décorrélation entre ces grands principes sur lesquels tout le monde est d’accord et l’application réglementaire permettant d’atteindre ces objectifs (qui ne sont d’ailleurs pas uniquement culturels car ils ont aussi des fondements économiques). Parler maintenant d’exception culturelle à Bruxelles, c’est presque un gros mot ! Ce n’est pas normal ! Il faut donc faire de la pédagogie sur ces grands principes et détailler concrètement ce qui permet cette liberté de création dans la fabrication, dans le financement et dans la diffusion des films. Nous défendons de très belles choses qui sont régulièrement attaquées alors que le succès de ce que nous défendons est régulièrement démontré.

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Les rachats de sociétés de production indépendante par des groupes se sont multipliés ces dernières années. Quelle est la position de L’ARP face à ce phénomène ?
On entend souvent dire que face à la concurrence des GAFAM, il faut de la concentration. Mais de quoi parle-t-on ? S’agit-il de concentration pour des diffuseurs ? Et ces diffuseurs, font-ils le même travail que les GAFAM ? Pas forcément. En revanche, pour la production cinématographique, c’est vraiment une question car l’indépendance permet très souvent créativement et dans la manière dont sont construits les films qui sont tous des prototypes, de porter une vision qu’il est difficile de créer quand on est dans un groupe et que l’on doit faire un rapport à une quarantaine de personnes : la vision qui est portée en est automatiquement amoindrie. Un film est évidemment un travail collectif et tout le monde donne son avis, mais quand les grands groupes sont à la manœuvre, c’est compliqué car les contraintes sont nombreuses. L’indépendance permet la diversité et la diversité est notre force.

Cependant, les grands groupes sont tous différents. Federation n’est pas Mediawan qui n’est pas Banijay qui n’est pas UGC, etc., et chacun peut avoir son intérêt pour créer de œuvres. En revanche, ce qui est certain, c’est que préserver l’indépendance est capital pour préserver la liberté de création qui fait notre force. Un exemple très récent est Un p’tit truc en plus qui avait été refusé par les grands groupes car le sujet ne leur plaisait pas assez ; un producteur indépendant s‘en est donc saisi et le film a finalement enregistré 10,7 millions d’entrées en France. Il faut donc veiller à préserver le tissu de sociétés indépendantes dont certaines se font racheter par des groupes sans que l’on sache actuellement ce que cela va donner à long terme. Car il y a toujours un danger dans la concentration : si elle tombe, cela fait beaucoup de sociétés disparues, ce qui n’est pas mon souhait évidemment.

Pour prendre un autre exemple, si vous vous présentez à l’avance sur recettes du CNC et que vous avez eu un capital très large pour développer un scénario, disons 100 000 ou 150 000 euros, parce que vous avez un groupe derrière vous, et que vous retrouvez confronté à un producteur réellement indépendant qui ne peut pas prendre le risque de mettre autant d’argent sur un scénario, dès cette étape, la liberté de création est confrontée automatiquement à une sorte de distorsion de la concurrence. Or l’avance sur recettes doit aussi jouer son rôle pour permettre la liberté de création. Faut-il briefer les commissions ? Redéfinir les objectifs de l’avance ? Plus largement, il faut réfléchir aux moyens de vraiment préserver l’indépendance car c’est elle qui permet la liberté de création et qui donne des œuvres très réussies comme Anatomie d’une chute [+lire aussi :
critique
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interview : Justine Triet
fiche film
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, L’Histoire de Souleymane [+lire aussi :
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interview : Boris Lojkine
fiche film
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et bien d’autres. Or, comme je l’ai dit, cet écosystème est régulièrement attaqué. Il est donc très important de rappeler inlassablement en quoi consiste ce processus de création, son côté artisanal et le caractère de prototype de chaque film.

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