"C’était très important que chaque film ait son moment de gloire et de visibilité"
Dossier industrie: Tendances des festivals du film
Anita Hugi • Directrice, Journées de Soleure
par Giorgia Del Don
La directrice du festival suisse à son deuxième mandat nous parle de l’édition 2021, qui se déroulera en ligne du 20 au 27 janvier
Anita Hugi, à son deuxième mandat en tant que directrice des Journées de Soleure, nous parle avec enthousiasme de l’édition 2021 du festival qui se déroulera complètement en ligne du 20 au 27 janvier.
Cineuropa : Quand et comment est née l’idée de proposer une édition complètement en ligne structurée comme une édition classique ?
Anita Hugi : Il y a eu plusieurs moments charnières par rapport à cette conception du festival. Au tout début, déjà en avril-mai, quand les autres festivals ont dû se dérouler en ligne, on a compris qu’il fallait se préparer, évaluer et développer les différentes plates-formes au cas où, quelques jours avant le festival, on devait adopter ce même format. Ceci pour avoir un filet de sécurité. En septembre, on a envisagé d’organiser le festival sur place mais on savait que les capacités des salles allaient être vraiment réduites. On s’est alors dit qu’une autre option pouvait être celle de maintenir la diversité et la richesse en la développant sur deux plates-formes : sur place, dans les salles, et en appui en ligne. C’est donc en septembre qu’on a véritablement commencé à faire vivre notre maison digitale. Finalement en décembre on a dû se résoudre à abandonner l’idée de garder des projections en salle et on a commencé à tout repenser en ligne. Le festival s’est réinventé, a évolué dans sa forme et dans ses propositions au rythme de la pandémie, en pouvant tout de même compter très tôt sur le filet de sécurité représenté par la plateforme en ligne envisagée en un premier temps comme outil d’appui et ensuite comme contenant de la manifestation dans son ensemble. Ce filet de sécurité nous a permis de nous poser la question de qu’est-ce qu’un festival : un rendez-vous qui nous permet d’être ensemble dans un même endroit pour voir un film, et un rendez-vous autour du cinéma, un moment privilégié où se rencontrer et échanger. On a commencé à réfléchir à comment on pouvait créer une "piazza digitale" à partir de notre nouveau site.
Cette année, on nous a soumis plus de films que l’année précédente. De plus, on s’est assez tôt rendus compte à quel point les propositions étaient riches et fortes et ça aurait été vraiment dommage de perdre tout ça. En tant que vitrine du cinéma suisse actuel, renoncer aurait signifié avoir un trou dans l’histoire de notre production cinématographique. Il faut dire que moi je viens du digital, j’ai fait un très long projet sur le mouvement Dada en 2016, donc je savais qu’une édition en ligne pouvait bien marcher si on avait de la chance mais surtout si on mettait en place un dispositif qui marche. Concrètement, chaque jour à midi, on mettra à disposition du public une série de projections, 15 à 20 films. Le lendemain, auront lieux, en ligne à Soleure, les entretiens avec les cinéastes. Enfin, le troisième jour, le film et l’entretien seront simultanément disponibles. Les films auront donc une visibilité de 72 heures. Pour moi c’était très important que chaque film ait son moment de gloire et de visibilité. Il était donc important de reprendre la forme classique du festival, de titiller la curiosité, la nourrir et ensuite accueillir le public sur notre nouveau site web [cliquez ici]. On sera avant tout un festival en ligne avec chaque jour un bouquet frais de films suisses et non pas une plateforme VOD.
On a voulu faire les entretiens dans les salles, ici à Soleure, pour rappeler aux gens que c’est dans ces mêmes salles que le cinéma se passe. Après, j’espère que cette édition en ligne permettra au cinéma suisse de toucher aussi de nouveaux publics, ces publics qui ne connaissent pas encore vraiment l’expérience cinématographique en salle. C’est important d’essayer de transformer cette situation en quelque chose de positif pour le cinéma suisse, de pousser cette vitrine un peu plus loin, de montrer au plus grand nombre qu’est-ce qu’un festival.
Est-ce que vous pouvez nous parler du nouveau prix Opera prima qui récompense pour la première fois un premier film. D’où nait cette volonté de mettre en avant les réalisateurs suisses de demain ?
C’est le premier prix de ce genre en Suisse. L’OFC distingue le meilleur film de fin d’études et ensuite le meilleur film. Nous, on pense qu’il y a un entre-deux qu’il faut valoriser pour encourager les cinéastes de demain. La visibilité qu’on donne aux films nominés pour ce prix va les aider, je l’espère, à décrocher des financements pour le deuxième film, à avoir d’autres collaborations avec les producteurs internationaux. Le jury qu’on a composé reflète cette démarche : Paolo Moretti de la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et directeur des Cinémas du Grütli, Patrick Sibourd, distributeur français qui s’est occupé, et continue de s’occuper de plusieurs films suisses. Le maintien, pour le jeune cinéma suisse, d’un lien fort avec l’international est indispensable, d’autant plus que la Suisse ne fait plus partie de MEDIA. Puis il y a la réalisatrice suisse Anja Kofmel qui, avec son premier long métrage Chris The Swiss [+lire aussi :
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fiche film], sur lequel elle a travaillé sept ans, a eu un succès fou. C’est quelqu’un qui peut apporter un regard ambitieux et sophistiqué et aussi encourager les réalisateurs à être persévérants même s’il faut parfois insister un peu plus longtemps.
(Traduit de l'italien)
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