Rencontres L’ARP 2024
Dossier industrie: Distribution, exploitation et streaming
Le CNC propose d’ajuster la régulation des plateformes
par Fabien Lemercier
Préconisations sur le quota d’œuvres européennes sur les plateformes, la règle du pays d’origine, la définition de l’œuvre européenne, l’accès aux data et les droits de propriété intellectuelle
Le président par intérim du CNC, Olivier Henrard, a profité de la 34e édition des Rencontres Cinématographiques organisée au Touquet par L’ARP (Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs) pour mettre sur la table plusieurs propositions d’adaptation des normes (inspirées d'un rapport signé Fabien Raynaud et Hortense Naudascher), dans le cadre notamment de la révision à venir de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA).
Le constat de départ ? Si le cadre juridique européen a intégré avec succès les SMAD (Services de Médias Audiovisuels à la Demande) avec notamment des obligations d’exposition des œuvres européennes et de contribution au financement de la production d’œuvres nationales et européennes (les SMAD ayant investi en 2022 en France 287 M€ pour la production audiovisuelle et 58,5 M€ pour le cinéma, à comparer aux 880 M€ et 357 M€ issus des diffuseurs traditionnels), le CNC estime que des adaptations sont néanmoins nécessaires. En effet, les plateformes de vidéo à la demande étrangères exercent un contrôle étroit sur les productions locales qu’elles financent, tendant ainsi à l’uniformisation culturelle. Par ailleurs, l’accaparement des droits d’exploitation au détriment de la circulation des œuvres est d’autant plus préoccupant pour la souveraineté culturelle que le secteur demeure très concentré autour de quelques grandes plateformes.
Le CNC propos donc d’abord que le quota d’œuvres européennes sur les plateformes soit réhaussé de 30 % à 50 %, afin d’aligner les obligations des SMAD sur celles des diffuseurs historiques. Ensuite, ce quota d’exposition demeurant soumis à la règle du pays d’origine, ce qui génère d’importantes distorsions de concurrence (les plateformes ciblant la France depuis d’autres États membres de l’Union européenne échappent ainsi aux quotas plus ambitieux fixés par la réglementation française), le CNC appelle de ses vœux l’introduction d’une dérogation à la règle du pays d’origine.
Troisième proposition : un resserrement de la définition de l’œuvre européenne. En effet, actuellement, l’un des critères de définition, le périmètre géographique d’établissement du producteur, permet à des œuvres produites en Europe par les plateformes américaines, dans le cadre de productions exécutives, d’être qualifiées d’européennes. La suppression de ce critère est donc préconisée par le CNC.
Le CNC souligne également que les plateformes opposent trop souvent le secret des affaires aux producteurs demandant l’accès aux mesures d’audiences et aux données de visionnage qui sont des informations stratégiques pour eux. La communication gratuite aux producteurs et à minima annuelle, de données pertinentes d’audience par pays, sur chacune de leurs œuvres, est donc souhaitable.
Le maintien des droits de propriété intellectuelle des œuvres sur le territoire européen constituant un enjeu de souveraineté culturelle (préserver l’accès du public aux œuvres dans toute leur diversité, garantir les intérêts des auteurs, s’assurer de la bonne conservation des œuvres), le CNC invite à réfléchir au niveau européen sur les risques induits par la fuite des droits de propriété intellectuelle vers des territoires extra-européens, et aux moyens d’y répondre. Les catalogues étant d’ailleurs pour beaucoup constitués d’œuvres ayant bénéficié d’aides publiques, le CNC suggère la possibilité de conditionner les aides publiques à la production au maintien sur le sol européen d’éléments techniques des œuvres aidées.
Enfin, les incitations à la production exécutive du crédit d’impôt international étant plus généreuses (pour le taux et le plafond), que le crédit d’impôt audiovisuel, le CNC évoque l’opportunité d’un rééquilibrage de ces dispositifs fiscaux.
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