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Cannes 2024

Dossier industrie: L’Europe et le reste du monde

Le CNC se penche sur le financement des films en Asie et en Europe

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CANNES 2024 : Les membres des organismes de financement des deux continents ont détaillé les challenges les plus significatifs qu'ils rencontrent, notamment l'influence des streamers

Le CNC se penche sur le financement des films en Asie et en Europe
de gauche à droite: Lorna Tee, Jérémie Kessler, Kim Donghyun, Bérénice Honold, Alex Sihar et Chris Marcich pendant le débat (© Éric Bonté)

Au Marché du Film, le CNC a organisé une table ronde ayant pour objectif de fournir quelques observations sur la manière dont l’Asie et l’Europe gèrent les difficultés auxquelles elles sont présentement confrontées dans l’industrie du film. L'EFAD (European Film Agency Directors association) et l'AFAN (Asian Film Agencies Network) étaient partenaires de cet évènement.

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La discussion a réuni Jérémie Kessler, directeur des affaires européennes et internationales au CNC, Kim Donghyun, président et membre du comité du KOFIC (Korean Film Council), Chris Marcich, président de l'EFAD et du Centre de l'audiovisuel croate, Bérénice Honold, conseillère du DG aux affaires internationales à la FFA (Filmförderungsanstalt) et Alex Sihar de la Direction générale cinéma en Indonésie, également membre de l'AFAN.

Une des questions posées par Lorna Tee, la modératrice, elle-même productrice et secrétaire générale de l'AFAN, portait sur la puissance des streamers dans les différents pays. Elle a demandé aux intervenants quelles mesures étaient prises pour soit réguler, soit pour limiter l’influence de ces plateformes. Tous les participants se sont accordés sur une idée clef : ceux qui bénéficient des oeuvres devraient contribuer à leur création.

Le premier à développer la question a été Kessler : “En France, nous avons essayé d’appliquer le système que nous avions mis en place pour les diffuseurs nationaux et internationaux linéaires aux streamers américains. Les plateformes étaient là, et il fallait qu’on travaille avec elles. Nous avions besoin d'elles dans l’écosystème français et européen. C’était pour sauvegarder le monde de la création et permettre à nos producteurs et nos auteurs de faire de nouveaux travaux, mais c’était aussi pour tenir compte du nouvel écosystème qu’ils étaient en train de construire". Les mesures spécifiques introduites en France sont des obligations d’investissement et des taxes. En 2021, un décret a été passé selon lequel 20 % du chiffre d'affaires des streamers devaient être réinvestis dans la création française et européenne. Cela permet aux producteurs français de continuer de produire des oeuvres comme ils le faisaient avant. "Pour le moment, ça a bien fonctionné. Par exemple, le film d’ouverture de Cannes [Le Deuxième Acte [+lire aussi :
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de Quentin Dupieux] a été financé en partie par Netflix", a précisé Kessler.

Du côté de l'Allemagne, Honold a expliqué que le pays n’a pas encore ce genre d'outils : "Nous sommes un système fondé sur les taxes, ce qui signifie que la première chose que nous avons faite a été d'intégrer les opérateurs, les streamers, dans notre système au même niveau que les diffuseurs locaux. C'était en 2016. Depuis, il y a eu une stagnation. Le Covid-19 a frappé, et le marché a de nouveau changé. Nous sommes en train de discuter de la mise en place d’une obligation d’investissement".

Marcich a décrit la situation de la Croatie ainsi : "Pour les plus petits pays, comme la Croatie, la difficulté est que nous étions en train de légiférer pendant la pandémie, donc la loi a été promulguée à ce moment-là, or c'était un moment où les streamers fournissaient vraiment quelque chose aux foyers confinés. Et leur marché a explosé, en gros. Nous étions très prudents sur le plan politique, parce qu’il y avait des commentaires, de la part des streamers internationaux, selon lesquels si on légiférait trop, ils ne pourraient peut-être pas rester sur le marché. Ainsi, ce genre d’intimidation, subtile mais réelle, a influencé les résultats. Nous avions une taxe de 2 % et une obligation d’investissement de 2 %, mais dans les deux cas, c'est trop bas. Nous avons été inspirés par les Français et nous avons tenté de passer à 10 % au moins, mais ça n’a pas fonctionné. Nous allons donc modifier notre législation dans le futur". Il a conclu : "Le message que j'ai, pour tous ceux qui cherchent à mettre en place ce genre de mesures, est de ne pas se laisser intimider par les faux arguments. Les streamers ont intérêt à être sur le marché, et nous avons intérêt à ce qu’ils y participent".

Donghyun, président du KOFIC, le fonds national coréen de soutien au cinéma, avait une déclaration grave et pessimiste à faire concernant la relation entre le secteur du cinéma coréen et les streamers internationaux : "Il est vrai que les streamers mondiaux ont joué un rôle important pour investir dans les contenus coréens et les promouvoir dans le monde. Cependant, du fait de la stratégie d’investissement agressive des streamers, le marché des contenus n’a pas eu assez de temps pour permettre aux investisseurs, producteurs et créateurs existants de réagir assez promptement aux changements soudains. Les coûts standards de la production et du travail ont augmenté de manière significative. Les changements dans la manière dont les gens consomment les contenus, en particulier la baisse de fréquentation des salles, ont causé plus d'inquiétude aux investisseurs traditionnels, qui doivent se soucier de générer des profits et des coûts qui grimpent, et les producteurs doivent couvrir les coûts plus importants en réduisant leurs propres profits fixes. Donc bien que les streamers aient clairement contribué à la croissance des contenus coréens à l'étranger, leur présence a aussi, par une ironie des choses, eu un effet catastrophique pour la croissance intérieure… […] L’intégration et la coopération sont encore bien loin, pour le moment. Si nous essayons d’appliquer des régulations aux streamers mondiaux maintenant, les streamers nationaux pourraient être désavantagés par les effets secondaires. Donc c’est un problème complexe pour nous. Et même si on pourrait penser que les contenus coréens en général se vendent bien, l'éventail des acheteurs n’est pas si vaste que cela, et nous finissons par vendre nos contenus à un prix qui reste fixe".

Pour l'Indonésie, Sihar a fait savoir aux présents que les streamers venaient seulement de découvrir le potentiel du marché national. La législation n'est cependant pas encore capable de mettre en place des règles régissant les relations avec ces opérateurs. "À chaque fois que les streamers tournent de grosses productions en Indonésie, ils happent toutes nos ressources, tous nos comédiens et nos techniciens, ce qui met toutes les productions locales en pause pendant ce temps. Avant de pouvoir convaincre le monde politique de mettre en place des taxes ou autres mesures légales, il faut que nous nous concentrions sur la nécessité de créer plus de ressources, en commençant par l’éducation et la formation".

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(Traduit de l'anglais)

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