email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Philippe Lioret • Réalisateur

"Des gamins vivant comme des animaux domestiques"

par 

- Rencontre avec un cinéaste épris d’humanité et de romanesque qui s’est emparé pour son 6ème long métrage d’un brûlant sujet de société

Prix de la mise en scène et du scénario à San Sebastian en 1993 avec son premier long Tombés du ciel, Philippe Lioret a ensuite réalisé Tenue correcte exigée (1997), Mademoiselle (2001), L' Équipier (trois nominations aux César 2005), Je vais bien, ne t'en fais pas [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
(César 2007 de meilleur espoir féminin et meilleur second rôle masculin, nominations dans les catégories meilleur film, réalisateur et scénario). Rencontre à Paris pour évoquer la genèse de Welcome [+lire aussi :
critique
bande-annonce
making of
interview : Philippe Lioret
fiche film
]
.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : qu’est-ce qui vous à incité à vous intéresser à la situation des migrants tentant de traverser la Manche à Calais ?
Philippe Lioret : Une simple discussion. Le sujet était fort, une dramaturgie se cachait derrière et il fallait aller voir sur place. J’ai découvert l’inimaginable, des gamins vivant comme des animaux domestiques, le travail des bénévoles... J’ai pris une claque : c’était un sujet brûlant. Je me suis demandé si j’avais le droit de m’inspirer de ce qui est malheureusement une forme de misère humaine pour une fiction qui serait quand même commerciale, mais les bénévoles pensaient qu’un film de cinéma pourrait peut-être avoir davantage d’impact que tout ce qui avait pu être écrit et tourné comme documents télévisuels, tout ce qui passe dans les médias au milieu d’un flot d’informations.

Comment avez-vous équilibré les aspects documentaires et la structure romanesque du film ?
Je pars toujours des personnages. A Calais, j’ai rencontré des migrants, notamment un jeune de 17 ans qui voulait retrouver sa copine en Angleterre. Car il n’y a pas que de la migration économique et politique, ils sont nombreux à aller rejoindre une femme, un père, un cousin. Mais ils sont tous dans une situation grave. Ensuite, j’ai entendu parler de ces gamins qui avaient essayé de passer à la nage. J’ai fondu les deux en un, puis j’ai croisé le mari d’une bénévole, un homme un peu las de la vie que sa compagne menait et je m’en suis inspiré pour l’autre personnage principal. A partir de là, j’ai écrit le scénario avec Emmanuel Courcol.

Simon, le maître-nageur, est un personnage très peu concerné au départ par la situation des migrants
Il est comme beaucoup d’entre nous, un peu comme moi : on regarde tout ça en se disant que c’est bien regrettable, voire "déguelasse", mais on ne fait rien. Au début, il ne va pas apporter son aide par compassion, mais juste pour montrer à sa femme qu’il est capable de s’engager et peut-être même plus qu’elle. Et cela va le dépasser. Il va faire une rencontre humaine avec ce gamin et s’instaure un lien entre le fraternel et le filial. Mais il se met dans une position très délicate vis à vis de la loi et de l’article L622-1 (assistance aux personnes en situation irrégulières) auquel les bénévoles font très attention car ils savent qu’on veut les coincer avec comme argument de dire que plus on aide les clandestins, plus ils viendront, une idée qui est une bêtise absolue. Et quand on voit des gens qui se font perquisitionner à l’aube pour voir s’ils n’hébergent pas quelqu’un en situation irrégulière, cela a des relents effrayants de chemises brunes.

Pourquoi avez-vous tenu à tourner à Calais ?
Economiquement parlant, pour un tel film, assez cher car il y avait beaucoup de nuits, de nombreux figurants et 11 semaines de tournage, le budget aurait été plus facile à boucler si nous avions tourné dans un port roumain. Mais ce n’était pas possible : l’identification et l’incarnation n’auraient pas été assez fortes ailleurs. Par ailleurs, plus j’avance dans le métier, moins je truque. Et j’ai la chance d’avoir avec Christophe Rossignon un producteur devenu un véritable complice.

La presse a rapproché Welcome du cinéma de Ken Loach
Je suis ravi car Raining Stones ou Riff-Raff sont des films fondateurs pour moi. Mais j’ai autant d’inspirations du côté par exemple de Mizoguchi ou d’Arthur Penn avec Georgia (Four Friends).

Que vous inspire la nomination de votre film au Prix Lux du Parlement Européen ?
Je suis fier pour le film de voir qu’une instance européenne importante adhère à son sujet, d’autant plus que la demande de modification de l’article L622-1, rejetée en France, est maintenant dans le circuit de la Cour européenne de Justice.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy