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Pierre Schoeller • Réalisateur

“Une intensité de thriller”

par 

- Valeur montante du cinéma français, le réalisateur décrypte son second long L’Exercice de l’Etat, découvert à Cannes.

Rencontre à Paris avec un cinéaste français s’attaquant avec brio et sans parti-pris à de difficiles sujets de société tout en créant des récits et des atmosphères cinématographiques très stimulantes pour le spectateur. Décryptage de son second long métrage, L’exercice de l’Etat [+lire aussi :
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, très apprécié au Certain cannois 2011, tout comme l’avait été en 2008 son premier opus Versailles [+lire aussi :
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Cineuropa : pourquoi avoir choisi de vous plonger au coeur d’un ministère avec L’exercice de l’Etat ?
Pierre Schoeller : Je voulais situer le film dans l’univers du pouvoir, que ce soit un mode psychologique, mais aussi une histoire d’hommes confrontés et immergés au sein du pouvoir. Parce que c’est un univers difficile, méconnu, tendu. Et sans que cela soit un cinéma engagé et politique, parler de la société et de ce qu’on traverse aujourd’hui m’a toujours intéressé. Pour la grande base du scénario, n’importe qui peut avoir accès au matériel que j’avais : des articles de presse, des photos, des livres, quelques visites comme lors des Journées du Patrimoine. J’ai fait preuve de curiosité et beaucoup lu entre les lignes. Pour les photos de journalisme politique par exemple, il faut regarder les attitudes, les manières, les mises en scène de réunion… Si on oublie de regarder la figure, la personnification de l’homme politique, tout le reste est assez passionnant. Entre les photos que j’ai collectionné et la mise en scène du film, c’est un décalque. Ensuite, j’ai eu quelques conseillers techniques sur des éléments plus précis : un photographe de Libération, un ancien directeur du cabinet du ministre des Transports et quelqu’un de la communication.

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Pourquoi spécifiquement le ministère des Transports ?
Ce qui m’intéressait, c’était le rapport émotion – pouvoir. Les personnages ont déjà le pouvoir. Ce n’est pas la recherche du pouvoir ou sa défense, mais sa pratique, comment cela se passe notamment d’un point de vue émotionnel, de sensations, d’amitié, d’estime, de mésestime… Se dire : qui sont ces hommes ou ces femmes qui vont passer 20 ou 30 ans en politique ? Leur capacité de survie est étonnante : cabinets et ministères sont un milieu très instable. Cela peut durer deux mois, six mois, un an. On est engagé sur un coup de fil et on part sur un coup de fil.

Le chef de cabinet et le ministre incarnent deux typologies de personnages très différentes
Il y a un homme de l’ombre et un homme de la lumière, un homme de l’intérieur et un homme de l’extérieur, un homme immobile et un homme en mouvement. Il fallait pour le chef de cabinet une neutralité, une espèce de discrétion et de très grande élégance : une figure de serviteur de l’Etat poussée assez loin car il est quand même assez exemplaire. Le ministre est davantage quelqu’un de projeté dans la complexité du monde d’aujourd’hui, dans la vitesse, la technologie, les tensions sociales, les tensions au sein du gouvernement. C’est un personnage très bouillonnant, qui est dans la vie et qui a une générosité assez exceptionnelle. Mais il est dur car la pratique du pouvoir amène à une certaine dureté. Et par dessus, il y a une férocité qui fait que l’on n’est pas dans une apologie de l’homme d’Etat.

Le film évite soigneusement de juger
On n’est pas sur l’idéologie. C’est au spectateur de se faire sa propre lecture. Je voulais en tous cas que le film soit physique, tendu comme un thriller, d’où cette obsession de la vitesse, cette présence du spectaculaire et une histoire qui n’est jamais tranquille : on est constamment en état de tension et de veille. Le film est un peu écrit comme une cavalcade, un mouvement dansé, très rapide, agile, un peu comme une ivresse. Et cette ivresse se brise à un moment. Comme le film est rapide, il fallait que chaque chose soit d’une lecture assez immédiate car on ne pouvait pas ralentir le flot. On est beaucoup sur la force de la perception.

Olivier Gourmet dans le rôle du ministre
Dans cette génération d’acteurs, il est incontournable. J’ai rencontré beaucoup de comédiens, mais c’est le seul qui pouvait embrasser toute l’énergie du personnage. Même son type de jeu physique m’intéressait. Il a la carrure, les épaules pour porter ce personnage et si l’on pense à tous les registres émotionnels par lesquels passe le ministre, le rôle est énorme. Dans chaque scène, il y a un défi de jeu.

Michel Blanc en directeur de cabinet
C’est un rôle de présence. Il porte l’Etat sur les épaules. Le personnage fictionne avec très peu de choses et Michel a été génial pour ça. C’est un acteur très précis et un grand comédien, un petit peu sous-employé.

L’esthétique du film
Je voulais qu’on soit dans les dorures de la République, que ça brille, qu’il y ait une beauté dans les carmins, les dorés, le noir des costumes et les tables de réunion en verre, le mélange du mobilier contemporain et de ce côté grandeur des siècles. La qualité visuelle vient de l’univers, de l’ouverture du film par le rêve. Nous avons aussi tourné durant un hiver assez neigeux, donc cela donne cette présence du blanc et de très belles lumières d’hiver. Mais il faut rendre hommage au directeur de la photographie Julien Hirsch pour cette lumière magnifique, dynamique et sensuelle.

Votre cinéma traite des sujets de société sans le faire de manière trop intimiste
Je m’écarte du naturalisme dès le scénario en posant un rythme assez particulier pour le récit. Deux choses m’obsèdent : qu’est-ce qu’on va proposer comme expérience au spectateur et vers quelle intensité on va l’emmener ? Dans Versailles, c’était l’intensité mélodramatique, dans L’exercice de l’Etat, plutôt une intensité de thriller. Une fois dessiné ce champ, l’écriture est libre et elle ne fonctionne pas sur des structures psychologiques comme dans le naturalisme où le récit est souvent une résolution de conflits psychologiques.

Quel sera votre prochain projet ?
Un film sur la révolution française.

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