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Pierre Salvadori • Réalisateur

Brussels Film Festival 2014 : Leçon de scénario

par 

- "Le ton d’un film est posé dès les 10 premières minutes ; en sortir, c’est risquer de perdre le spectateur"

Pierre Salvadori  • Réalisateur

La filmographie de Pierre Salvadori se distingue par son alignement de comédies un peu noires, extrêmement bien écrites et pourtant particulièrement vivantes, ayant offert à de nombreux acteurs français de vrais petits écrins pour exprimer leur fantaisie mais aussi leur poésie : les regrettés Marie Trintignant et Guillaume Depardieu, mais aussi Pierre Rochefort, François Cluzet, Daniel Auteuil, Sandrine Kiberlain, José Garcia, Audrey Tautou, Gad Elmaleh, ou encore Catherine Deneuve et Gustave Kervern dans son dernier film unanimement salué par la critique, Dans la cour [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Philippe Martin
fiche film
]
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A l’occasion d’une leçon de cinéma organisée par le Brussels Film Festival et animée par l’ASA, il revient sur les grandes étapes de sa filmographie…

"J’ai commencé en faisant du one-man-show, ce qui explique peut-être mon goût pour le texte et les dialogues. A 22 ans, je jouais au café de la gare. J’étais fan des acteurs, du moins c’est ce que je pensais, jusqu’à ce que je comprenne qu’en fait ce que j’aimais, c’était les films. J’ai fait une dépression à 22 ans, j’en parle dans presque tous mes films. Quand on écrit, il est très important de partir d’histoires personnelles. On partage ses émotions, son intimité, grâce au relai de la dramaturgie, mais en racontant l’histoire des autres. C’est pour ça qu’on bégaye toujours un peu, de film en film, peut-être jusqu’à ce que l’on ait réussi à faire la phrase parfaite !" 

"En général, j’adore l’innocence des récits, je n’aime pas vraiment les choses trop distanciées, le recours trop systématique au second degré, les pastiches… J’ai beaucoup aimé travailler avec des acteurs comme Marie Trintignant ou Guillaume Depardieu qui étaient complètement investis dans leurs personnages, qui amenaient une vérité malgré eux. Cela a permis de contrebalancer des films qui auraient pu être trop distanciés. C’est ce que permet aussi l’intrusion de la poésie dans le récit. Mon cinéma, c’est un cinéma de la chronique. Il faut réinventer le récit, doper le quotidien, car on ne peut pas s’appuyer sur le mystère ou la dramaturgie."

"Ca m’intéresse toujours de partir d’une idée, d’un concept, et de l’illustrer avec une scène. Par exemple, dans Hors de prix, le personnage de Gad Elmaleh n’a pas de libre arbitre. Du coup, on s’est dit qu’on allait illustrer ça de façon burlesque, il est « dirigé» par les chiens qu’il est censé promener. Pour les amoureux d’Après vous, le seul moyen de revivre leur unique baiser "illicite", c’est de se le re-raconter, d’où cette scène où Auteuil et Kiberlain se re-raconte leur baiser volé comme s’ils s’enlaçaient."

"Je pense toujours au spectateur quand on fait un film. Pourtant, je suis le fruit d’une époque où il n’y avait pas de logique commerciale réelle. On a eu de la chance, une fenêtre incroyable s’est ouverte pour le cinéma français au début des années 90. On n’avait pas peur, on savait que même si le premier film ne fonctionnait pas, on pourrait quand même en faire un deuxième, un troisième… On osait des choses. Certes, ça m’a permis de faire un film comme Comme elle respire, que j’adore, mais qui n’a pas marché, et c’est grave qu’il n’ait pas rencontré son public contrairement à d’autres films que j’ai pu faire. C’est un film touchant, bizarre, mais que je crois j’ai fait à l’envers. C’est trop difficile pour le spectateur de s’identifier à un personnage principal en mutation, qui change tout le temps au gré des costumes. L’histoire en fait, elle est dans le personnage antagoniste du menteur, c’est lui qui évolue, et c’est lui qui aurait dû être le protagoniste principal. J’aurais bien aimé faire un remake de ce film, mais à l’endroit.  Ce film n’a pas marché du tout, je crois qu’il est trop déstabilisant, c’est un mélodrame, dans lequel il y a de la comédie…"

"Un film a une langue, un style, un ton, posé dès les 10 premières minutes. Il a une grammaire, et dans ce cadre-là ; il faut faire attention aux "fautes d’orthographe", à des scènes "hors ton". Il m’arrive de couper des scènes auxquelles je tenais pourtant beaucoup."

"C’est un dur labeur d’écrire des comédies qui fonctionnent. Après vous est un film plus maîtrisé que les précédents, mais c’est le fruit d’un travail énorme ! Au début, ce film devait raconter l’histoire d’un mec en fauteuil roulant (Bacri), un peu au fond du trou car il a des dettes de jeu, et d’un mec pétri de culpabilité (Chabat). Arrive un jour où Chabat emboutit Bacri en voiture. Se sentant coupable, il va le voir à l’hôpital, et pense que c’est à cause de lui qu’il est en fauteuil roulant. Bacri en profite pour lui soutirer de l’argent. On écrivait, on écrivait, et ça coinçait. Et puis un jour, Danièle Dubroux me dit : "J’ai peut-être une solution pour ton film : tu dois raconter l’histoire d’un homme qui en sauvant un autre homme du suicide, se sent coupable d’avoir prolongé ses souffrances, et qui en voulant l’aider à retrouver son amour perdu, tombe amoureux de la femme en question !" L’histoire n’a rien à voir, et pourtant ce sont les mêmes thèmes. Tout à coup, j’avais mon film sur la culpabilité."

"Ce genre de films, tout comme Hors de prix, ce sont les plus difficiles à faire. Ils représentent l’essence même du cinéma, c’est-à-dire un art populaire. La nature du cinéma, c’est de partir de l’intime pour toucher à l’universel. Le film de genre, c’est là qu’est la vérité au cinéma. Les studios américains l’ont bien compris, ce sont les films de genre qui permettent de faire perdurer le cinéma, même si le cinéma expérimental permet de le faire avancer. Des films comme Dans la cour sont plus personnels, loués par la critique, mais d’une certaine façon, c’est plus facile à faire. Le cinéma, c’est une salle pleine avant d’être des histoires très cérébrales. J’ai été ravi bien sûr des bonnes critiques de Dans la cour, mais j’ai aussi été choqué qu’elles se soient faites contre les films précédents, jugés plus légers."

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