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Ralitza Petrova • Réalisatrice

"Mon objectif est de maîtriser le plus possible ce que j'appelle la réalisation ‘haïku’"

par 

- LOCARNO 2016 : la réalisatrice bulgare Ralitza Petrova nous parle de son premier long-métrage, Godless, qui a remporté un Léopard d'or à Locarno

Ralitza Petrova  • Réalisatrice
(© Alessio Pizzicannella)

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fiche film
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, qui vient de recevoir un Léopard d'or au Festival de Locarno, démontre que la Bulgarie ne manque pas de jeunes talents impressionnants. Ce premier long-métrage, qui est un récit très sombre sur la manière dont les requins de la société bulgare profitent des personnes âgées, utilise des ressources minimales pour raconter une histoire efficace qui reste longtemps avec le spectateur après la fin du film. La réalisatrice Ralitza Petrova a évoqué pour Cineuropa son approche de la narration, mais aussi les problèmes sociaux et la créativité en Bulgarie.

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Cineuropa : Quel est le défi le plus important que vous ait posé le projet Godless, en tant que narratrice ? 
Ralitza Petrova :
Il m’a fallu trouver comment rendre la sincérité émotionnelle de l'histoire ainsi que l'authenticité de chaque personnage et de chaque situation en respectant une économie minimale. Mon objectif est de maitriser le plus possible ce que j'appelle la réalisation "haïku". Je pense que la tension émotionnelle d'un film découle du contraste saisissant que peuvent produire des éléments opposés, comme dans les haïkus. Cela requiert de pouvoir résumer le sujet principal avec beaucoup de précision.

Vous avez eu recours à de nombreux acteurs amateurs pour faire ce film. Pourquoi ? 
Je sentais que si la vie de mes comédiens était proche de celle des personnages dans le récit, cela apporterait de la profondeur au film. Godless porte sur la douleur émotionnelle de la société bulgare, or il était très important pour moi que cette douleur soit présente sur le visage des acteurs. Elle apporte plus de sens à leur silence que ce que j'aurais pu obtenir d'un acteur moyen interprétant une idée. Ce qui m'intéresse, c'est de voir des personnes qui "sont" réellement, et non pas qui "font semblant d'être". Cela dépend aussi du genre d'histoire qu’on raconte. Comme Godless est une histoire austère, cette approche m’a permis d’instaurer plus de tension.

Pensez-vous que cet aspect de la société bulgare, c’est-à-dire le fait que certains individus s’en prennent aux plus faibles, est répandu ?
Malheureusement, le cynisme et l'apathie se sont consolidés dans la société bulgare. L'effondrement des valeurs a conduit à un échec complet du fonctionnement du pays. Le système judiciaire est une blague, c'est un pion entre les mains des criminels fortunés. La population doute fortement de la justice, de la police et des services sociaux, puisqu'ils n'offrent aucune protection. Ce scepticisme mine le courage et la confiance des gens. Il devient difficile pour les personnes de déterminer ce qui est juste, puisqu'ils ont le sentiment que tout est permis, même le meurtre.

Ces dernières années, deux millions de Bulgares ont quitté le pays. Toutes ces personnes auraient préféré rester, mais ils ne voyaient aucune perspective de développement personnel. C'est très pénible à observer. J'ai moi-même quitté le pays dans les années 90. Ça me peine de voir que pour les nouvelles générations, la situation ne s'est pas améliorée. Cependant, j’ai de l’espoir pour ceux qui restent, ceux qui, malgré tout, se comportent bien et travaillent bien. 

Est-ce difficile de réaliser un premier film en Bulgarie ?
J'ai eu la grande chance d’être accompagnée par une des productrices les mieux établies en Bulgarie, Rossitsa Valkanova, qui a aimé le projet et s'est engagée dès la phase initiale. En ce sens, faire ce premier film n’a pas été si difficile que ça pour moi, et je suis vraiment reconnaissante à Rossitsa d’être le genre de productrice qu’elle est, c’est-à-dire quelqu’un qui ne pousse pas le réalisateur à faire des compromis par rapport à sa vision du film pour des raisons d’attrait commercial. Cela dit, la production du film a tout de même été un grand challenge, mais tout le monde est resté uni, et je pense que nous sommes tous satisfaits du travail.

Est-ce que le fait d'être une femme rend les choses plus difficiles ? Quelle remarque feriez-vous sur la relation entre les jeunes réalisateurs et le Centre national de la cinématographie bulgare, dont les subventions sont capitales pour la réalisation d'un film ?
La situation n’est pas facile pour les nouveaux réalisateurs, et ce pas seulement à cause du statu quo du Centre national de la cinématographie et du Ministère de la Culture, qui n'a pas changé depuis des années : ma plus grande inquiétude est le manque de communication entre les générations, et surtout le manque d'intérêt des institutions pour ce qui est de soutenir de nouveaux talents et de nouvelles idées. En Bulgarie, de nombreux jeunes cinéastes sont d'accords pour dire que Rossitsa Valkanova est probablement la seule productrice passionnée par la nouvelle génération.  Les personnes qui finissent dans les comités de sélection semblent hésiter à accepter que les temps changent, de la même manière que les histoires et la narration changent.

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(Traduit de l'anglais)

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