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SAN SEBASTIAN 2017 Compétition

Urszula Antoniak • Réalisatrice

"Un cheminement vers une prise de conscience"

par 

- Au Festival de Cinéma Européen des Arcs, le réalisatrice néerlando-polonaise Urszula Antoniak décrypte son nouveau film, Beyond Words

Urszula Antoniak • Réalisatrice

Très remarquée avec Nothing Personal [+lire aussi :
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(meilleur premier film à Locarno en 2009) et Code Blue [+lire aussi :
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(Quinzaine des réalisateurs 2011) et Nude Area [+lire aussi :
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, la réalisatrice néerlando-polonaise Urszula Antoniak est en compétitionau 9e Festival de Cinéma Européen des Arcs avec son 4e long métrage, Beyond Words [+lire aussi :
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, dévoilé à Toronto et apprécié en compétition à San Sebastian.

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Cineuropa : Quel sujet principal vouliez traiter dans Beyond Words, un film formellement très abouti dans lequel vous jouez avec une relative opacité thématique?
Urszula Antoniak : L’idée du film remonte à 2007. Je voulais faire un film sur ce que je connais car c’est toujours ainsi que je procède. En l’occurrence, je pensais à un film sur l’immigration à l’étape du fait accompli plutôt que sous l’angle social. Je me suis alors aperçu d’une chose qui n’a pas changé en dix ans, c’est que les films sur l’immigration impliquent habituellement des réfugiés souvent présentés comme des victimes ou comme des personnes qui doivent s’intégrer. Je n’ai jamais vu de film dans lequel l’immigré est totalement intégré, dans lequel il n’a aucun des problèmes qui touchent ces immigrés qu’on voit d’ordinaire au cinéma. Un autre point important de mon film, c’est qu’il ne traite pas d’immigration économique, mais d’une immigration par choix. Mon personnage principal a fait le choix de quitter la Pologne et de se réinventer en Allemagne, à Berlin. C’est comme dans Le Rouge et Noir de Stendhal dans lequel le personnage veut non seulement appartenir à l’aristocratie, mais croit vraiment qu’il mérite d’évoluer parmi ces aristocrates et qu’il ne mérite pas du tout d’être là où il est né. Dans Beyond Words, après avoir travaillé très dur pour maîtriser la langue allemande et pour mener à bien ses études d’avocat, le personnage principal pense qu’il mérite, que c’est son droit, d’être traité comme un Allemand et d’être vu comme un Allemand. Il ne veut pas être perçu comme un immigré.

Le film s’ouvre avec les deux extrémités du spectre de l’expérience de l’immigration : d’un côté de la table, un immigré européen, blanc, blond, qui peut se fondre aisément dans n’importe quel pays d’Europe, de l’autre un homme noir qui ne peut pas se fondre et qui aura toujours son altérité en évidence. Mon personnage principal est aussi un autre, mais c’est un autre à l’intérieur de lui-même : personne ne peut s’en apercevoir de l’extérieur. Mais il se cache, il ne veut pas que sa différence soit vue par les autres. Le film traite des deux composantes de l’identité : l’intérieure et l’extérieure. Intérieurement, on est toujours soi-même, pas d’un pays ou d’un autre, mais extérieurement, c’est plus compliqué : comment les gens nous voient et comment ils veulent nous voir. Dans la scène d’ouverture, mon personnage ne veut pas être comme cet homme noir qu’il est supposé représenter en tant qu’avocat, alors que ce sont au fond deux personnes qui pensent la même chose, qui pensent qu’ils ont le droit en tant qu’êtres humains de choisir l’endroit où ils veulent vivre, travailler, et que s’ils ne s’y plaisent pas, ils peuvent aller ailleurs, comme des nomades. Mais la société n’aime pas les nomades, elle veut des gens qui préservent les règles. En réalité, le personnage principal du film commence sa chute dès cette première scène car il devrait aider l’autre, il devrait le comprendre. Mais il refuse d’assurer la défense de cet homme et c’est seulement plus tard, quand il sera dans un état plus vulnérable, après la rencontre avec son propre père, qu’il décidera de devenir bon. Mais ce sera trop tard.

La réapparition totalement inattendue de ce père joue un rôle de déclencheur.
Ce n’est pas un film sur une relation père-fils, mais elle ouvre le personnage principal à l’enfant qui était en lui, cet enfant qui a émigré en se disant qu’il deviendrait si fort que son père de substitution, l’Allemagne, l’aimerait, et qui réalise ensuite que ce père de substitution l’accepte, mais ne l’aime pas. Mais il découvre surtout que le seul endroit auquel il appartient est Berlin car il y a beaucoup de gens comme lui, des immigrés, des voyageurs. Dans son ensemble, le film retrace un cheminement vers une prise de conscience. 

Poète et avocat, réfugié et homme libre, patron et ami, Pologne et Allemagne, etc., le film travaille beaucoup sur la dualité et les antagonismes. Cette approche a-t-elle motivé votre choix du noir et blanc dans lequel vous avez tourné le film ?
Le noir et blanc est souvent un choix esthétique, mais pas dans ce cas, car il entre effectivement en correspondance avec ces thématiques opposées, ces contrastes dramatiques qui irriguent tout le film. D’ailleurs, en post-production, nous avons même renforcé ces contrastes visuels. Et quand on tourne à Berlin et qu’on passe en noir et blanc, l’architecture des immeubles commence à vous parler, on pense à Albert Speer notamment… 

Ici, aux Arcs, vous participez aussi au Village des Coproductions avec votre projet, Stranger. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Il s’agit du même personnage de l’avocat. Cela commence comme une histoire d’amour avant de se virer drastiquement au thriller avec un suspense lié à la confiance car quand la confiance disparait, tout peut être de l’invention. Le film évoluera alors vers le mélodrame. Ce sera cette fois un film en couleur, sur la passion et sur l’amour, du point de vue d’une femme qui aime cette sorte d’immigré sur-intégré avec la question de savoir quel type de relation amoureuse on peut avoir avec quelqu’un dont vous ne connaissez que ce qu’il vous en dit. Car vous n’avez pas le contexte, vous ne connaitrez jamais son passé et tout ce qu’il vous racontera résonnera comme une fiction ou comme un récit. Parfois, dans ce cas, on préfère même raconter ce que les gens ont envie d’entendre plutôt que la vérité… Si tout se passe bien du côté des financements, je pense tourner à Berlin en 2019.

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