email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

ODESSA 2018

Vitaly Mansky • Réalisateur de Putin’s Witnesses

"Poutine en 1999 et ce qu'il est aujourd'hui sont absolument sans comparaison"

par 

- Cineuropa a rencontré le réalisateur russe Vitaly Mansky au Festival d'Odessa pour discuter de son dernier film en date, primé à Karlovy Vary : Putin’s Witnesses

Vitaly Mansky  • Réalisateur de Putin’s Witnesses

À l'occasion de l'édition toute récente du Festival d'Odessa, Cineuropa a interrogé le cinéaste russe Vitaly Mansky sur Putin's Witnesses [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Vitaly Mansky
fiche film
]
, primé à Karlovy Vary.

Cineuropa : Comment êtes-vous parvenu à une telle proximité avec Eltsine et Poutine ?
Vitaly Mansky :
En 1999, je dirigeais le département documentaires de la chaîne nationale. Comme je travaillais pour le service public, je devais faire du lobbyisme pour les films que je voulais tourner moi-même. L'un d'eux concernaient Gorbatchev. À ce moment-là, Gorbatchev avait déjà été, en gros, exclu de la vie publique depuis neuf ans, donc ce n'était pas un sujet que la télévision pouvait accepter. Mes chefs m'ont alors dit qu'il fallait faire un autre film qui parlerait de Boris Eltsine. Faire un film sur Eltsine était comme une étape obligée si je voulais ensuite en faire un sur Gorbatchev. C'est comme ça qu'on a commencé de tourner ce film, et c'est comme ça que je me suis retrouvé au contact des sphères les plus hautes du gouvernement russe.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Dans cet équilibre confortable que nous avons trouvé entre Eltsine et Gorbatchev, Poutine est apparu, et il a été nommé par Eltsine pour lui succéder à la présidence. J'ai tout de suite décidé, de mon propre chef (car les bureaux en Russie sont fermés presque tout décembre et janvier, et donc personne ne travaille vraiment à ce moment là de l'année), de faire un film qui s'intéresserait au milieu dont venait cet homme.

Dès le début du mois de janvier, j'ai commencé de réunir des documents filmés sur des gens qui avaient connu Poutine pendant ses études ou dans le cadre de ses activités sportives... J'ai également reçu des vidéos de lui avec son institutrice, et c'était tellement riche et intéressant que sans arrière-pensée, ni intention secrète, j'ai décidé de donner ces vidéos à Poutine, dans un geste humain. Ensuite, de manière totalement inattendue, il m'a invité à le rencontrer dans son bureau et m'a posé des questions sur ses amis et tous les gens que nous avions filmés, et alors j'ai proposé d'aller voir son institutrice et de filmer davantage de matériel avec elle. C'est comme ça que ce film a commencé. 

À quel moment avez-vous décidé d'utiliser ce matériel pour en faire un film? 
Jusqu'en 2012, je ne pensais plus du tout à ces films. Ensuite, quand Poutine est revenu à la présidence, nous avons compris qu'il n'allait pas bouger, et que nous avions été trompés, et qu'il nous avait menti. En 2014, quand la guerre a commencé en Ukraine, il est devenu clair pour moi qu'il fallait que je fasse ce film. J'ai simplement dû attendre d'avoir le temps de le faire. 

Comment Poutine était-il perçu par la société russe quand il est arrivé sur le devant de la scène ? Dans le film, on dirait qu'il suscite d'emblée admiration et crainte. 
Il faut comprendre le contexte historique, qui est en l'espèce plus significatif que l'attitude des gens par rapport à Poutine. En 1999, cela faisait déjà quatre ans que le pays avait un président malade, inefficace, entouré de gens qui lui servaient en quelque sorte d'éminence grise (en français dans le texte, ndlt.) et disposaient d'un pouvoir qui n'était pas légal. Le pays était, de manière subconsciente, dans l'attente de quelqu'un de nouveau et de jeune.

Ensuite, la peur et le danger de la guerre étaient dans l'air, de sorte que le pays attendait aussi un leader fort, un protecteur. Les stratèges politiques cherchaient une personne de ce genre, et il s'est avéré que Poutine était cet homme. Ainsi, la peur qu'il inspirait faisait partie des attentes, de ce que la société demandait. 

Dans le film, vous suggérez implicitement que les bombardements de bâtiments résidentiels qui se sont produits à l'époque faisaient partie de la campagne électorale de Poutine. 
Je ne parle pas en tant qu'expert : je vous fais part de mon sentiment à ce sujet. Entre la guerre de Tchétchénie qui faisait rage à l'époque et les explosions d'immeubles, mon impression était que cette campagne avait été conçue par les spécialistes en communication politique et que c'était le climat de peur qui avait conduit au succès du nouveau président. Et le contenu des bulletins d'information était créé artificiellement de manière à générer de plus en plus de peur.

Comment voyez-vous le Poutine de l'époque comparé à la personne qu'il est devenu maintenant, et comment cela se reflète-t-il dans le film ?
Le pouvoir change n'importe quelle personne qui arrive à ce niveau, et le pouvoir russe en particulier ne laisse pas le choix aux gens : il les détruit complètement. Donc le Poutine que j'ai connu à l'époque et la personne que nous voyons aujourd'hui sont absolument sans comparaison.

Je dis toujours que les documentaires sur des miroirs où nous pouvons voir notre propre reflet. Dans le cas de celui-ci, je dirais que c'est un rétroviseur dans une voiture qui avance, mais qui nous aide à voir derrière – comme l'a dit un critique, qui a vraiment bien compris l'objectif de ce film et la raison pour laquelle je l'ai fait au départ.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy