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LES ARCS 2018 Industrie

Theo Court et Eva Chillón • Réalisateur et coproductrice de Blanc sur blanc

“Je voulais trouver le mensonge derrière l'image”

par 

- Cineuropa a parlé au réalisateur Theo Court et à la coproductrice Eva Chillón de Blanc sur blanc, lauréat du Prix Eurimages Lab Project au 10e Festival des Arcs

Theo Court et Eva Chillón • Réalisateur et coproductrice de Blanc sur blanc
(© Antoine Monié/Les Arcs Film Festival)

Blanc sur blanc, qui a remporté le Prix Eurimages Lab Project Award (d'une valeur de 50 000 euros comptants) au 10e Festival des Arcs de la part du jury Work in Progress (qui comprenait Gaia Furrer, Trevor Groth et Alex Traila), raconte l'histoire d'un photographe qui arrive sur la Tierra Del Fuego au début du XXe siècle pour immortaliser le mariage d'un puissant propriétaire terrien. Fasciné par la beauté de la fiancée, il enfreint les règles et se retrouve face à cette terre où la violence est rampante et qui est marquée par le génocide du peuple Ona. C'est un film qui a été inspiré par les exemples du cinéma des origines aspirant à saisir l'image sur pellicule, et qui utilise ce médium pour explorer un récit tragique qui s'est perdu dans l'Histoire, mais continue d'avoir des conséquences partout dans le monde, et qui le fait en arpentant artistiquement un territoire encore inconnu", a dit le jury.

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Nous avons interrogé le réalisateur du film, Theo Court, et sa coproductrice Eva Chillón (Pomme Hurlante Films, France) sur ce film produit par Jose Alayon pour El Viaje Films (Spain) et coproduit par Giancarlo Nasi pour Don Quijote Films (Chili) ainsi qu'Andreas Banz pour Kundschafter Films (Allemagne).

Cineuropa : Dans Blanc sur blanc, vous vous concentrez sur le photographe joué par Alfredo Castro, mais vous avez décidé de jouer vous-même avec différents formats. Pourquoi ?
Eva Chill
ón : Le format daguerréotype, auquel nous faisons allusion dans le film, est typique de cette époque. Theo a décidé de l'utiliser pour créer un lien et un contraste entre la photographie et le cinéma. Quand nous regardons un film, nous le regardons à travers les yeux du directeur de la photographie. Ici, nous le regardons aussi à travers les yeux du photographe.
Théo Court : Ce qui m'intéressait, c'était la distance entre la réalité et la fiction, mais je voulais aussi permettre aux spectateurs de participer au processus de création de la photographie avec le personnage principal. On peut comprendre la subjectivité de son regard et ses obsessions et faire l'expérience de la manière dont il crée sa propre réalité. À l'époque, les gens devaient rester immobiles sans bouger pendant très longtemps, pour que le temps d'exposition soit suffisant, donc le moment de la prise de vue était factice. Je voulais trouver le mensonge derrière l'image.

Le personnage principal cède-t-il à ses désirs interdits, ou se contente-t-il de les exprimer à travers la photographie ?
T.C. :
Il ne les exprime qu'à travers son regard. Il a une sensibilité et une appréciation de la beauté particulières, qui étaient en fait très communes à cette époque. Prenons Lewis Carroll par exemple : il avait le désir de capturer une certaine innocence qui pourrait sembler un peu ambiguë de nos jours mais plus tard, il vend son âme et son art pour devenir l'esclave des gens de pouvoir, mettant en scène leurs crimes. Alfredo est un acteur merveilleux. Il est parvenu à capturer sa douleur et son désespoir à la perfection. Il travaille formidablement bien avec le silence et n'a pas besoin de beaucoup de dialogues. Tout est dans ses yeux.

E.C. : L'argument le plus important dans le film, c'est la manière dont il gère ses désirs, ses troubles et sa moralité, pas vraiment au début, mais plutôt à la fin, parce qu'il devient une personne qui invente un mensonge pour cacher le massacre du peuple Ona. Ce sont surtout les mercenaires européens, les responsables de cette extermination totale survenue en seulement 15 ans, auxquels le Chili et l'Argentine ont attribué cette terre vierge en 1900. Ils ne sont allés là-bas que pour tuer, et les gouvernements leur ont permis de le faire.

Ces dernières années, on dirait que genre western a été redécouvert par le cinéma d'auteur européen. Comment vouliez-vous utiliser ses tropes ?
T.C. :
Je ne me suis rendu compte que Blanc sur blanc devait être un western pendant le tournage. C'était lié à la force du paysage, et au fait qu'il vous fait vous sentir tout petit, surtout quand on essaie de survivre, confronté à son étendue. Personne n'a jamais reconnu ces crimes. Personne n'a jamais présenté des excuses aux indigènes, et leur souffrance n'a pas été inclue dans l'Histoire officielle, mais tout le monde le sait. Les autorités voulaient utiliser leurs terres pour y mettre des fermes, donc tout cela avait des motivations financières. C'est un sujet sur lequel des recherches ont été faites, mais le monde politique préfère le balayer sous le tapis.

Quand avez-vous pris conscience de cette histoire ?
T.C. :
J'ai vu une photographie prise par un homme qui était allé là-bas, et c'était presque comme si ces images criaient : "Regarde ces sauvages, et nos courageux pionniers qui sont parvenus à les domestiquer". Dans ces paysages où la neige, symbole de pureté, a servi à couvrir toutes ces horreurs, j'ai commencé à me demander qui était cet homme et comment il avait été capable de faire cela : quel genre de personne peut esthétiser la mort de cette façon ? Ce film montre que quand nous sommes devant des images qui montrent une souffrance énorme, nous sommes aussi coupables. Nous participons au crime par notre passivité.

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(Traduit de l'anglais)

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