Lone Scherfig • Réalisatrice de The Kindness of Strangers
“Il existe cette forme de compassion – et ça vaut la peine de la mettre en avant”
par Jan Lumholdt
- BERLIN 2019 : La réalisatrice danoise aimée de Berlin Lone Scherfig ouvre la compétition cette année avec son nouveau film, The Kindness of Strangers, dont elle nous parle ici
Quand la vague puissante du cinéma danois s'est faite connaître, au tournant du millénaire, l'oeuvre de Lone Scherfig a mobilisé de plus en plus d'attention. Après ses deux premiers long-métrages, The Birthday Trip et On Our Own, très bien reçus, elle a rencontré un succès mondial avec Italian for Beginners, ce qui l'a amenée à pouvoir tourner des productions internationales, la plus récente étant Their Finest [+lire aussi :
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interview : Lone Scherfig
fiche film]. Dans ses scénarios, elle revient souvent à des personnages anonymes et dans le pétrin qui trouvent enfin du répit dans ce monde pas tout à fait sans espoir. Son nouveau film, The Kindness of Strangers [+lire aussi :
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fiche film], projeté en compétition au 69e Festival de Berlin (7-17 février), correspond tout à fait à cette description.
Cineuropa : Est-ce qu'il y a un lien entre The Kindness of Strangers et Italian for Beginners ? On dirait presque qu'il y a des personnages "cousins" dans ces deux films ?
Lone Scherfig : Il y a un lien et les personnages le sont presque en effet. Il y a également une relation directe entre le personnage de Marc et de Wilbur dans Wilbur Wants to Kill Himself [+lire aussi :
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fiche film]. Si j'étais romancière, il me semble que je retournerais de temps en temps vers certains thèmes. J'essaie de ne pas me répéter mais je sais également ce que je sais faire.
D'autant plus que la générosité n'est certainement pas inconnue dans votre univers. Comment avez-vous travaillé avec ce thème dans le milieu américain ?
La situation dans les États-Unis de Trump semble rendre les gens plus pro-actifs, plus aimants et charitables. Mon impression est que certains Américains se sentent plus responsables qu'on ne le serait en Europe. Bien sûr, il y a un rapport avec le système très différent des impôts : au Danemark, nous payons des impôts très élevés dans le but d'avoir la sécurité sociale et de sentir que nous faisons notre part. Mais la générosité, c'est bien plus que cela; c'est aussi ne pas ignorer les personnes dans le besoin qui sont juste en face de vous, ou bien se rendre compte de notre propre besoin d'autrui, y compris d'inconnus. Même en Scandinavie, dans une situation très difficile, tu peux te mettre à pleurer sur l'épaule d'une infirmière que tu viens juste de rencontrer. Alors oui, il existe cette forme de compassion, et ça vaut la peine de la mettre en avant.
New-York est un personnage en soi dans le film, avec un certain look et feeling. Comment avez-vous créé ce tableau de la ville ?
Tout tourne autour de cette énorme machine et des personnes qui la font marcher, c'est une immense manifestation de ce que des millions de personnes peuvent créer ensemble et de la manière dont elles peuvent co-exister. Regardez déjà l'architecture – c'est nous qui avons fait cela ! Et j'ai délibérément essayé de montrer les différentes couches, comme par exemple l'énorme blanchisserie en-dessous du grand magasin chic.
Où avez-vous filmé ?
A Toronto et Hamilton, au Canada, à Copenhague, et ensuite quelques jours à New-York. Nous avons été assez créatifs sur le plan stylistique pour vous présenter la version que vous avez découverte. J'ai tiré mon inspiration de mes propres visites de la ville dans les années 70 et d'un New-York qui a fort changé pendant les années Reagan.
The Kindness of Strangers est votre premier film produit par Creative Alliance, une société que vous avez fondée avec des collègues danois pour créer du cinéma de qualité scandinave et en langue anglaise. Qu'est-ce qui vous a donné l'envie de prendre le contrôle de cette façon ?
J'ai aimé travailler en Angleterre, où je suis juste "un petit poisson dans l'océan". Par contre je n'ai jamais travaillé à Hollywood et les scénarios de Los-Angeles que je reçois ressemblent à des projets que j'ai déjà faits – ce qui fait sens, comme j'ai déjà montré ce que je savais faire. Mais je veux me mettre au défi dans une certaine mesure, par exemple, en entreprenant quelque chose de vraiment compliqué techniquement. Je veux continuer dans cette voie avec des scénarios sur lesquels j'ai envie de passer du temps et les spectateurs également. Tout ce temps passé loin de ta famille doit être motivé par plus que le prestige et l'argent.
Quel est votre futur projet ?
Une histoire de père et fils en Italie qui s'appelle Falling for Florence. Je l'ai écrit avec mon ami d'enfance il y a quelque années en pensant à Bill Nighy. C'était avant qu'il soit pris dans le casting de Their Finest. Ça sera notre troisième film ensemble, et je me sens particulièrement chanceuse de le retrouver tous les matins sur le tournage.
Est-ce que vous écrivez directement en anglais ?
Oui, avec l'aide de mon ami qui a vécu en Amérique pendant des années. Il me semble que ça fonctionne, surtout quand je connais les acteurs et qu'ensuite ils peuvent peaufiner.
(Traduit de l'anglais)
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