email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2019 Compétition

Marie Kreutzer • Réalisatrice de The Ground beneath My Feet

"Quelque chose ne tourne pas rond, mais je ne veux pas savoir quoi exactement"

par 

- BERLIN 2019 : Cineuropa a discuté avec la réalisatrice autrichienne Marie Kreutzer à propos du film saisissant qu'elle a présenté en compétition, The Ground beneath My Feet

Marie Kreutzer  • Réalisatrice de The Ground beneath My Feet
(© Wolf Silveri)

The Ground beneath My Feet [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Marie Kreutzer
fiche film
]
de l'Autrichienne Marie Kreutzer, projeté en avant-première mondiale dans le cadre de la compétition internationale du 69e Festival de Berlin, raconte l'histoire de deux sœurs : Lola (Valerie Pachner), un femme de carrière ambitieuse, et sa soeur Conny (Pia Hierzegger), affectée de troubles mentaux. Après une énième tentative de suicide, Conny rentre à nouveau dans la vie de Lola, de force, mais ses crises délirantes se mettent vite à déteindre sur sa sœur, et la façade parfaite de Lola commencent à montrer des premiers signes de fissures.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : C'est facile de rendre le milieu des entreprises effrayant. Mais les problèmes de Lola semblent aller beaucoup plus loin que sa lutte pour garder son travail en tant que consultante en gestion.
Marie Kreutzer : Je n'ai jamais vraiment envisagé pour elle un autre travail. Ma demi-sœur l'a fait pendant quelques années. Nous avions le même âge, et pourtant nous étions tellement éloignées: j'étais étudiante en art, et elle gagnait bien sa vie, voyageant et travaillant à la fois. Voilà une des origines de ce film. J'aime le fait que finalement, il parle essentiellement de la manière dont la plupart d'entre nous travaillent et vivent aujourd'hui – tout doit être parfait. Les actions des personnages peuvent sembler extrêmes mais, comme je le disais à mes comédiens, ces personnes sont convaincues que ce qu'elles font est positif et important. 

Lola et ses collègues rappellent Gattaca d'Andrew Niccol, qui suivait ce groupe d'êtres humains parfaitement programmés. Lola est presque comme un robot, mais les femmes ont toujours peur de montrer leurs émotions dans le milieu du travail. Vous ne vous autoriseriez certainement pas à pleurer sur un tournage non plus.
Mais si ! J'ai eu un burnout en 2015 alors que je tournais un film. Je devais terminer le film, sans quoi un réalisateur allait être appelé à ma place et je ne voulais pas le laisser à quelqu'un d'autre. J'y suis retournée, et ça s'est bien passé pendant une journée, et puis je me suis remise à pleurer. Mais finalement, ça a été bénéfique pour moi. Ça a changé les choses et j'espère que ça n'arrivera plus jamais. Maintenant, quand je travaille, je peux sentir quand ça devient trop difficile et que j'ai besoin d'un jour de repos. C'est important d'avoir ce temps pour soi, ou une pièce dans laquelle être seule de temps en temps. Même maintenant, quand je me mets en colère, je pleure quand même sur le tournage.

Les conversations de Lola avec sa sœur aînée sont intéressantes parce qu'elles sont diamétralement. C'est comme regardé l'ego et l'id de quelqu'un discuter.
Ma tante était schizophrène, la plupart des scènes avec Conny sont en fait autobiographiques. Nous avons eu des conversations très similaires quand je lui rendais visite à l'hôpital, par exemple. Ma tante était convaincue que les gens à la télévision lui parlaient. Elle pensait que c'était réel – c'est ce qui était si effrayant. Elle était toujours directe et honnête ; c'était presque trop à encaisser pour moi. J'ai décidé que Pia devait jouer ce rôle, car elle comprenait qu'elle jouait le rôle d'une femme qui avait toujours raison, du moins de son point de vue. Parfois, je lui faisais dire des choses qui n'étaient même pas dans le scénario pour que ça irrite Valerie [Pachner], qui ne savait pas très bien quoi dire après. J'avais travaillé avec elle plusieurs fois déjà, et bien que ça ne paraisse pas évident, on s'est bien amusés, parce que Conny peut dire tout ce qu'elle veut et se fiche de son apparence.

Quant à Lola, elle semble tellement parfaite – au début du moins – que c'en est difficile de l'apprécier. Est-ce que vous avez discuté de la possibilité de perdre des spectateurs à cause de cela ?
Il y a eu beaucoup de discussions pendant le processus d'écriture et le casting, et même pendant le montage. C'était la plus grande peur de tout le monde : est-ce que les gens l'apprécieront ? Est-ce qu'ils vont s'identifier à elle ? Il y a une biographie des deux sœurs que j'ai écrite pour l'équipe du film et la troupe, pour qu'on puisse bien les connaître. J'ai adoré mon équipe parce qu'avant chaque décision, on se demandait toujours : "Qu'est-ce que Lola ferait ?" Elle ne veut pas se rappeler sa vie : elle n'a a aucun bon souvenir de son enfance à la maison. Les personnages comme elle m'intéressent toujours davantage. 

La manière dont le film progresse est surprenante. Au début, on dirait presque un thriller, mais vous en avez décidé autrement, alors que ç'aurait sans doute été une direction beaucoup plus facile à prendre...
C'est sûr, et nous avons été tentés bien des fois. Nous avons pensé le rendre plus dramatique, mais j'ai résisté, et j'ai forcé mon équipe entière à résister aussi. Ces scènes vous aident à comprendre que quelque chose ne tourne pas rond. Mais je ne veux pas savoir quoi exactement.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy