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BERLINALE 2020 Compétition

Rithy Panh • Réalisateur d'Irradiés

"La vérité est morte parce que tout va si vite ; tout ce qui reste, c'est des mensonges"

par 

- BERLINALE 2020 : Le Cambodgien Rithy Panh nous aide à décortiquer Irradiés, présenté en compétition

Rithy Panh  • Réalisateur d'Irradiés

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interview : Rithy Panh
fiche film
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, du Cambodgien Rithy Panh, présenté en compétition internationale à Berlin, est un documentaire sur les gens qui ont survécu aux irradiations de la guerre, ce qui lui permet de raconter une histoire de violence en forme d’avertissement. Panh a rencontré Cineuropa pour décortiquer ensemble le film.

Cineuropa : Avez-vous été inspiré par le travail de Jean-Luc Godard dans la manière dont vous avez structuré Irradiés ?
Rithy Panh : Moi ? Oh oui. Oui. Oui, peut-être.

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Dans le sens où vous utilisez l’écran divisé en trois, la narration et la connexion entre les images pour exprimer l’histoire, au lieu de la dire littéralement.
Oui, mais il est meilleur que moi, surtout dans ses réflexions sur la philosophie, sur l’esthétique, sur le cinéma. Cet homme est une encyclopédie. J’apprécie la manière dont il réfléchit sur les images. Qu’est-ce qu’une image ? Surtout aujourd’hui, quand tous les grands studios de cinéma travaillent avec des écrans bleus ou verts. On a le droit d’avoir ce genre de divertissement, mais il nous faut aussi préserver le cinéma.

Vos films précédents sur ce qui s’est passé au Cambodge parlaient d’un sujet rarement évoqué au cinéma. À présent, vous élargissez la perspective pour évoquer les bombes nucléaires lâchées sur le Japon. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de tourner votre attention vers ce sujet ?
Au Cambodge, le cinéma se porte un peu mieux maintenant qu’il y a quelques années parce que depuis la chute des Khmers rouges, 45 ans ont passé, et qu'une nouvelle génération a émergé pendant ce temps, qui a commencé à raconter ses histoires. Ces réalisateurs sont très influencés par les films d'Apichatpong Weerasethakul et Wong Kar-wai. Et c’est bien qu’ils fassent des films. Mais pour ma génération, il y avait très peu de gens qui faisaient des films, parce que les Khmers rouges ont tué la plupart d’entre nous, appartenant à cette génération. Donc nous essayons d’utiliser le cinéma d’une manière qui révèle notre identité et notre histoire; Irradiés ne parle pas seulement de la bombe, mais aussi des conséquences de l’extrême violence. Vous pouvez voir la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la violence envers le peuple juif, le Vietnam. Le film parle de ce que cela signifie d’être victime de la violence portée à l'extrême, de la manière dont on peut surmonter cela et essayer de poursuivre sa vie.

Vous utilisez la forme du triptyque, en montrant les mêmes images trois fois à l’écran. Pourquoi avez-vous choisi de faire cela ?
C’est parce que je voulais que les gens regardent plus d’une fois, qu’ils regardent deux ou trois fois. Après tout, aujourd’hui, tout va si vite. La vérité est morte parce que tout va si vite, tout ce qui reste, c’est des mensonges.

Donc l'utilisation de trois images garantit que l’audience ne pourra pas détourner le regard, même quand vous montrez la mort et la brutalité ?
Oui. Voyez-vous, je comprends qu'en voyant certaines de ces images, il va être trop dur pour certaines personnes de rester dans la salle, mais j’ai essayé de faire de mon mieux pour qu’il continue de regarder. Il faut que nous regardions maintenant, il faut que nous regardions de vraies images et que nous réfléchissions, parce que les grands médias changent les images toutes les 10 secondes, vous savez ? C’est comme le Coronavirus : il change toutes les dix secondes, il est conçu pour générer de la panique. Pourquoi ? Eh bien, demain, personne ne donnera de suite ; personne ne pense au véritable impact de ce qui s’est passé, et c’est pour cela que des cinéastes comme Godard sont très intéressants, des cinéastes qui nous enjoignent de réfléchir sur les images et leur signification. Je pense que les festivals de cinéma ont cette mission, pas seulement celle de se servir du festival pour mettre en avant tout ce qui est glamour, mais aussi celle de demander à la nouvelle génération de penser à la dimension politique du cinéma.

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(Traduit de l'anglais)

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