email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2020 Berlinale Special

Agnieszka Holland • Réalisatrice de Le Procès de l'herboriste

"L'amour peut être plus fort que n'importe laquelle de nos faiblesses"

par 

- BERLINALE 2020 : Nous avons interrogé la cinéaste polonaise formée à la FAMU Agnieszka Holland sur son film Le Procès de l'herboriste, qui revient sur l'histoire d'un guérisseur tchèque des années 1930

Agnieszka Holland  • Réalisatrice de Le Procès de l'herboriste

Dans Le Procès de l'herboriste [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Agnieszka Holland
fiche film
]
(Charlatan), récit fictionnalisé sur la vie de Jan Mikolášek, Agnieszka Holland dépeint un homme qui, malgré ses pouvoirs de guérisseur incroyables, a du mal à soigner sa propre obscurité intérieure, même après être tombé amoureux d’un autre homme, beaucoup plus jeune. Ce film a été projeté au 70e Festival de Berlin, dans la section Berlinale Special.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : Malgré le titre original du film, Charlatan, vous ne semblez pas douter du fait que Mikolášek était un authentique guérisseur.
Agnieszka Holland :
Il a été qualifié de "charlatan" par la propagande communiste officielle – on l’a même accusé d’avoir assassiné deux membres du parti. Cela a certainement un double sens parfois. Mikolášek avait ce don spécial : il était capable de diagnostiquer des patients simplement en observant leur urine, et il a passé des tests qui l'ont prouvé. Si on considère la médecine contemporaine, les docteurs savent déjà que l'urine peut être vue comme un "miroir" du corps. Il était un des experts mondiaux sur les plantes médicinales également, et il a inventé des combinaisons très efficaces. Il était tout simplement plus doué que les autres, et très concentré sur ce qu'il faisait. C’est devenu sa passion, sa mission, et il a construit son identité autour de cela.

Était-il intéressant de parler de quelqu’un qui ne se mêlait pas de politique ? Il s’en fiche, et traite toute personne qui passe le seuil de sa porte. Cela ne me frappe pas comme un choix naturel pour vous, car vous êtes politiquement très engagée, et l'avez toujours été.
Cela montre tout simplement que même quelqu’un qui croit qu’il est au-delà de la politique se rendra compte tôt ou tard que la politique s’intéresse à lui, qu’elle l'utilise et qu’elle peut le détruire. Quand vous êtes médecin ou guérisseur, vous devez traiter tout le monde. Il se servait de cela comme une excuse, pour se protéger, aussi, mais au XXe siècle (et je crains bien que ce soit la même chose au XXIe siècle également), il est difficile de mener une vie complètement indépendante, sans tenir compte de qui gouverne. On ne peut l’ignorer que si on se trouve dans une démocratie civilisée, ce qui a ses hauts et ses bas aussi, mais c’est un régime qui permet de mener sa vie sans se préoccuper de qui sera élu. Hélas, c’est impossible, à des époques plus compliquées.

J’imagine bien cette histoire racontée de manière plus sentimentale, plus à la Spielberg. Mais vous montrez un homme qui est tellement imparfait ! Il semble ne même pas aimer les gens, il a juste ce besoin irrépressible de les soigner.
Et quand il s’arrête, il devient fou. C’est probablement son exutoire, car je pense qu’un des sujets du film est cette peur existentielle, très profonde, de la mort. Quand il ne peut pas soigner, il se met en colère et il est pris de désespoir. Mais cette peur a aussi quelque chose à voir avec sa propre mort. Quand il se rend compte, en prison, qu’il pourrait vraiment mourir, il recourt à la trahison.

J’ai toujours trouvé que vous aviez le don de savoir créer des alchimies entre les gens quand vous en aviez besoin, et Le Procès de l'herboriste devient, à un moment donné, une histoire d’amour. Comment imaginiez-vous ces deux hommes ensemble ?
Cette histoire d’amour est particulière parce que la manière dont elle se présente au public est peu commune. Le film commence au présent, à la moitié des années 1950, et on les voit travailler ensemble et vivre dans la même maison. On ne sait pas qu’ils ont une relation sexuelle, mais on peut sentir leur proximité, du genre qu’on trouve dans un vieux mariage. Ce n'est qu'à la moitié du film qu’on revient sur les années précédentes, et qu’on voit comment ils se sont rencontrés. Il y a cette fascination, cette attirance du côté de la part de Mikolášek. Quant à František, il est difficile de savoir s'il le séduit d'abord parce qu’il veut un travail et si c'est ensuite que le lien devient plus fort. Mikolášek ne cache pas sa sexualité seulement parce que c’est dangereux : il y a aussi le fait qu'elle n'est pas compatible avec sa conception de lui-même comme un homme puissant et intouchable. Même si c’est la seule proximité qu’il ait, les autres gens n'étant que des figurants dans le théâtre de ses actions.

Et ce sont des figurants agaçants, car il ne supporte pas la compétition. On entend souvent que l’amour peut vous sauver, mais dans son cas, il va aussi l'amener à faire des choses terribles.
Mais en même temps, il y a de la rédemption, vous ne trouvez pas ? Donc peut-être que l’amour peut être plus fort que n'importe laquelle de nos faiblesses. Ou peut-être qu’on peut être faible, ou méchant, mais si on aimé, on est aimé. C’est aussi simple que ça.

On s’attend souvent, face à un drame historique, à un certain type de bande originale, généralement très propre. Rien à voir avec celle qu’on a ici.
C’est un peu comme la musique moderne tchèque du XXe siècle, comme Leoš Janáček, quoi qu’il était plus joueur. Nous nous sommes dit qu'il nous fallait une musique très minimaliste. Ce devait être la musique de Mikolášek, car cette tension l'accompagne constamment.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Lire aussi

Privacy Policy