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Portugal

Carlos Conceição • Réalisateur

"Le cinéma est ce que nous voulons qu’il soit"

par 

- Le réalisateur portugais détaille certains des projets sur lesquels il travaille en ce moment

Carlos Conceição  • Réalisateur
Le réalisateur Carlos Conceição et le directeur de la photographie Rui Poças sur le tournage de Bodyhackers (@ Rogério Machado)

Le réalisateur portugais Carlos Conceição fait l’objet d’une rétrospective au Sicilia Queer International New Visions Filmfest de cette année (3-6 juin). Un aperçu du passé, à la fois lointain et récent, nous conduit à parler de l’avenir, du potentiel des moyens métrages au cinéma à la présentation d’une longue liste de projets en développement.

Cineuropa : La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était à l’occasion de la première de Name Above Title, au Festival du film de Curtas Vila do Conde. Un film d’une heure qui, d’après ce que j’ai lu, pourrait faire partie d’un projet plus conséquent.
Carlos Conceição : Ces films ne sont pas réellement liés. Ce sont des films d’une heure que j’avais envie de faire. L’idée de travailler sur un format de soixante minutes était une manière de me libérer du carcan qu’est pour moi la durée d’un film. Pour quelqu’un qui veut développer certains types de récits, trente minutes ne suffisent pas, alors que travailler avec une structure classique de film ne peut être fait qu’avec un certain type de ressources (dont la plupart des gens ne disposent tout simplement pas). Nous devons ouvrir les yeux sur les nouvelles réalités, perspectives, technologies et manières de consommer l’art. Nous devons commencer à démystifier certaines discussions sur ce qu’est le cinéma aujourd’hui. Nous devrions tous nous préparer à accepter que le cinéma est ce que nous voulons qu’il soit.

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Les programmateurs, les agents de ventes, les critiques, les distributeurs ont tous besoin de travailler sur cette idée avec le public. Regardez le succès des séries dont les histoires sont fragmentées. Les gens n’ont peut-être pas envie de regarder un film de 5 heures, mais ils regarderont d’un trait les 5 épisodes de soixante minutes d’une série. Donc, en matière de durée, je pense que nous sommes à un moment charnière pour promouvoir les formats plus courts comme des expériences artistiques différentes au cinéma. Nous devrions nous réjouir de ce changement. Et c’est désormais ce que j’aimerais faire : travailler sur des projets de moyens métrages. À vie.

Vous avez travaillé sur un film intitulé Bodyhackers. Pourriez-vous nous en parler ?
Nous avons terminé le tournage il y a quelques semaines et nous sommes maintenant phase de postproduction. C’est un tournant pour moi à bien des égards. Il y a beaucoup de dialogues, tous en anglais, avec des acteurs comme Elina Löwensohn et McCaul Lombardi. C’était la première fois que je travaillais avec la plupart des membres de l’équipe (à l’exception de Joana Ribeiro, João Rapaz et Catarina Santiago). C’est un film de body horror, un peu minimaliste, qui commence par une référence à la dysmorphophobie : un trouble caractérisé par l’idée que quelque chose ne va pas avec son corps. La personne qui en souffre en est persuadée et veut le changer jusqu'à ce que celui-ci corresponde à son propre idéal. C’est potentiellement très addictif. Pour moi, tout ce qui relève de l’addiction implique un monde souterrain. Ce film est une invitation à un voyage absurde dans ce monde souterrain.

Et vous avez également Les Fleurs Abominables (un titre qui m’évoque Darwin et Baudelaire).
Le film a commencé sans budget, en 2015, et nous l’avons tourné au fil des ans. J’ai changé le titre plusieurs fois et aujourd’hui encore, je ne suis pas sûr. C’est la suite de l’histoire de Versailles, qui a préparé le terrain pour Mauvais lapin. L’histoire commence à Versailles, continue avec ce film (qui est plus sarcastique) puis un troisième chapitre, intitulé Adeus, King Kong montre le personnage quelques années après. Je réfléchis à la façon de le présenter. Mais j’ai tout mon temps.

Il est évident que vous avez plusieurs projets en cours de développement, aussi pourriez-vous nous dire ce que vous avez prévu de sortir et ce sur quoi vous allez travailler ensuite ?
Cet été, je commence le tournage de Tommy Guns [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Carlos Conceição
fiche film
]
, un long-métrage sur la fin de la guerre coloniale en Angola. Bodyhackers pourrait être présenté en suivant, ainsi qu’un film intitulé Baía dos Tigres. Tommy Guns et Baía dos Tigres sont coproduits par Mirabilis Angola et Terratreme. Je pense que j’attendrai 2022 pour sortir Totem and Taboo. Connaissez-vous Building Stories de Chris Ware ? C’est un roman graphique qui se présente comme un coffret contenant différents livres de taille et de format différents, non numérotés, mais sont liés les uns aux autres. Chacun vit cette expérience différemment. Donc Totem and Taboo sont le projet que j’envisage comme une série de films : le prologue de Versailles, Les Fleurs Abominables (peut-être le titre deviendra-t-il Lobo à Porta), Adeus, King Kong, suivi par un interlude entièrement filmé en VHS (et je tiens absolument à ce qu’il existe exclusivement en streaming), et enfin un épilogue. Il existe tellement de manières de montrer cela. Je n’ai juste pas encore trouvé laquelle. Mais je suis vraiment emballée par cette idée sur laquelle je travaille depuis longtemps. Il est important que les critiques et les programmateurs présentent et synthétisent ces concepts. Pour les rendre plus lisibles même auprès de leurs propres auteurs, pour voir s’ils sont viables ou pas. Même si tout le monde s’en fout.

Et comment vivez-vous tout ça ?
Vous faites beaucoup de choses pour protéger votre travail et vous-même. Ça implique beaucoup de temps, d’argent et d’énergie. Si quelqu’un me disait que je dois revenir au premier jour des films que j’ai réalisés, que je dois repartir de zéro, ça me tuerait. Quelque chose nous porte au fil du temps, comme une obsession. Et ça peut vous détruire. Le processus de guérison qui suit la réalisation d’un film… c’est un processus épuisant qui peut vous rendre fou. Et nous continuons à travailler, nous essayons, nous mettons en péril notre santé mentale et physique. On a encore cette envie de vouloir donner l’impression que c’est cool d’être un réalisateur et que nous nous fichons de tout. Mais c’est tout le contraire.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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