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CANNES 2021 Semaine de la Critique

Charles Tesson • Délégué général, Semaine de la Critique

"C’est à partir de l’intime, du familial, que les histoires s’épanouissent"

par 

- Le délégué général de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes commente sa sélection 2021 pour une édition de renaissance après les pics de la tempête pandémique

Charles Tesson  • Délégué général, Semaine de la Critique
(© Aurélie Lamachère)

Charles Tesson, délégué général de la Semaine de la Critique (60e édition du 7 au 15 juillet dans le cadre du 74e Festival de Cannes), décrypte sa sélection 2021 (lire l'article).

Cineuropa : Le processus de sélection s’est quasiment étalé sur deux années. Est-ce que cela a modifié sa nature ?
Charles Tesson
 : Cela a compliqué le travail des comités de sélection. L’an dernier, faire toute une sélection et ne pas la concrétiser dans un Festival de Cannes en présentiel, même si nous avions pu choisir des films hors-les-murs, cela a été difficile. Cette année, cela a été très long car d’habitude nous terminons la sélection mi-avril. Mais il y a eu beaucoup de films candidats, même si dans certaines régions du globe, la crise sanitaire a eu des conséquences sur les tournages, comme en Amérique Latine dont les statistiques sont en retrait par rapport à d’habitude.

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La compétition est majoritairement européenne.
Nous avons reçu autant de films européens qu’à l’accoutumée et il y avait beaucoup d’oeuvres films de grande qualité. Libertad [+lire aussi :
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de l’Espagnole Clara Roquet, qu’on connaissait un peu comme scénariste de Jaime Rosales, est un très beau film, subtil et complexe, sur l’amitié de deux jeunes filles et la prise de conscience de choix de vie déterminés par la condition sociale. Piccolo corpo de l’Italienne Laura Samani est un film en costumes, ce qui n’est jamais évident sur le papier, sur un sujet passionnant : le combat d’une jeune mère dont on refuse à son enfant mort-né un enterrement religieux, faute d’avoir été baptisé. Rien à foutre des Français Julie Lecoustre et Emmanuel Marre est un film formidable avec Adèle Exarchopoulos dans le rôle d’une hôtesse de l’air d’une compagnie low cost. Quant à la production majoritaire suisse Olga d’Elie Grappe, c’est un dialogue à distance entre une mère, journaliste en Ukraine et qui couvre les événements de la place Maidan, et sa fille de 15 ans, exilée en Suisse et qui s’entraine dans l’équipe nationale de gymnastique.

Deux films de la compétition ont pour cadre l’Afrique, comme en 2019. Est-ce le signe d’une réelle montée en puissance du cinéma d’auteur de ce continent ?
En 2019, nous avions le Maroc avec Le Miracle du Saint Inconnu [+lire aussi :
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et l’Algérie avec Abou Leila [+lire aussi :
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. Je connaissais le projet Feathers [+lire aussi :
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de Omar El Zohairy à travers l’Aide aux Cinémas du Monde du CNC, mais quand j’ai vu le film, j’ai été époustouflé car c’est totalement nouveau par rapport à ce qu’on connaît du cinéma d’Afrique du Nord et du cinéma égyptien, dans le ton, le registre, l’esthétique, le récit : c’est un conte réaliste étonnant. Quant à La femme du fossoyeur de Khadar Ayderus Ahmed, c’est un très beau film, poétique, ayant pour cadre Djibouti, un lieu qu’on ne voit pas souvent au cinéma. Plus largement, il va falloir attendre un peu pour une véritable éclosion du cinéma d’auteur africain, mais cela va arriver car on constate qu’il y a grand nombre de jeunes cinéastes qui débutent. C’est d’ailleurs la même tendance pour l’Asie du Sud-Est qui sera à surveiller de près dans un avenir proche avec des projets de Malaisie, d’Indonésie, de Birmanie, etc. Cette année, nous n’avons pas sélectionné de film asiatique, même si nous avons reçu un nombre très élevé de films chinois par exemple, mais comme nous avions beaucoup de choix du monde entier et qu’en 2019 nous avions retenu l’extraordinaire Séjour dans les monts Fuchun, nous avons préféré aller vers d’autres continents.

Comme en 2019 également, la sélection n’inclut aucun film issu des États-Unis.
Il y a de bons films, mais c’est un cinéma qui se répète, déjà identifié dans ses qualités et qui ne surprend pas par rapport à ce qu’on peut attendre d’un film américain. Il y a une impression de déjà-vu et un sentiment de surplace. Ce n’est pas le cas de l’Amérique latine, malgré une offre plus limitée comme je l’ai dit précédemment, et nous avons retenu Amparo du Colombien Simón Mesa Soto, un portrait de femme exceptionnel avec une mère se battant pour récupérer son fils enlevé dans la rue par l’armée dans le cadre d’un recrutement forcé. Beaucoup de films tournent d’ailleurs autour d’une histoire de compte à rebours : pour sauver quelqu’un ou résoudre une situation. Et on remarque aussi la tendance forte d’un cinéma plus près des personnages. C’est à partir de l’intime, du familial, que les histoires s’épanouissent, dans des situations qui reflètent le rapport au monde.

L’offre pléthorique de films évoquée par Thierry Frémaux a–t-elle adouci la concurrence sur les premiers longs entre les différentes sélections de la Croisette ?
Nous nous sommes parlés à de multiples reprises avec Thierry Frémaux, surtout pour les titres français car nous savions qu’il y en avait énormément et nous ne voulions pas laisser de côté des films de qualité et trouver à chacun son exposition la plus adaptée.

Le nombre de longs métrages hors compétition est à la hausse, avec six films qui sont tous des productions françaises. Pourquoi ce choix ? Est-ce une marque de soutien à une industrie cinématographique française qui a continué à produire malgré les complications sanitaires ?
C’est vrai que d’habitude, c’est quatre films. Nous ne sommes pas partis de l’idée d’un coup de pouce à la filière, mais des films, tout en nous disant que nous devions absolument faire quelque chose : nous ne pouvions pas laisser tomber ces films car ils étaient trop bons. Parmi eux, il y a aussi quatre films de réalisatrices : Robuste de Clémence Meyer, Une jeune fille qui va bien de Sandrine Kiberlain, Une histoire d’amour et de désir [+lire aussi :
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de Leyla Bouzid et Les amours d’Anaïs de Charline Bourgeois-Tacquet. Si l’on y ajoute Bruno Reidal [+lire aussi :
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de Vincent Le Port et Petite nature de Samuel Theis, on a six oeuvres françaises très diverses, dont certaines trouveront sans aucun doute leur public en salle après leur passage à Cannes alors que d’autres portent quelque chose de notre ligne éditoriale en tant que festival.

Sept réalisatrices et sept réalisateurs pour les 13 longs à l’affiche. Cette parité parfaite, est-ce une volonté ou une coïncidence ?
C’est une coïncidence. Nous n’avons pas forcé la chose. C’est arrivé grâce à un film qu’on voulait et qu’on a obtenu. Cette parité, c‘est très bien, mais ce que nous essayons surtout de faire, c’est de composer une sélection avec des films différents. Mais nous avions aussi une proposition de films de réalisatrices plus forte en qualité que les années précédentes.

C’est votre dernière édition en tant que délégué général de la Semaine de la Critique, un poste que vous occupez depuis 2012. Avez-vous le sentiment du devoir accompli ?
C’est un apprentissage. Quand on a écrit sur le cinéma et qu’on devient délégué général d’un festival, programmateur, c’est un métier différent, mais qui est muri par l’expérience critique. Mais aller chercher des nouveaux talents, voir où cela bouge, révéler des jeunes cinéastes, j’adore ça. On travaille pour le cinéma qui est à venir. Il faut tirer les bons numéros et il y une vraie prise de risque parce qu’on est les premiers. La Semaine ne sélectionne que sept films en compétition, c’est très peu, donc ce sont de vrais choix et de vrais paris. C’est important que Cannes conserve l’identité de chaque sélection, la diversité de leurs lignes éditoriales et leur indépendance. C’est ainsi que Cannes sera plus fort.

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