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PALIĆ 2021

Milutin Petrovic • Réalisateur d’Impure Blood – Sin of Ancestors

“Tout mâle alpha se retrouve en échec sous le poids de sa propre paranoïa”

par 

- Le réalisateur serbe nous parle de son film, adapté d’un classique de la littérature serbe, qui marque un changement de style pour lui

Milutin Petrovic  • Réalisateur d’Impure Blood – Sin of Ancestors

Le Serbe Milutin Petrović, connu pour ses films d’auteur à petits budgets, notamment South by Southeast, avec l’actrice culte Sonja Savić, et The Loop, consacré à l’œuvre du réalisateur expérimental Ljubomir Šimunic, vient de présenter en avant-première son western et mélodrame érotique Impure Blood — Sin of Ancestors [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Milutin Petrovic
fiche film
]
au Festival du film européen de Palić. Il s’est confié à Cineuropa sur ce changement de style dans son parcours professionnel et sur son scénario.

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Cineuropa : On vous associe surtout au cinéma d’auteur. Comment se fait-il que vous ayez décidé de réaliser ce western balkanique ?
Milutin Petrović : J’ai toujours voulu faire du cinéma de genre. Je suis un fan inconditionnel de John Ford, Howard Hawks, John Huston… J’adore aussi Hitchcock et Godard. En d’autres termes, ces dieux du cinéma dont la maîtrise est parfaite. J’aime également beaucoup les histoires classiques qui regorgent de sentiments. C’est simplement que je n’ai jamais eu l’occasion de réaliser ce genre de films auparavant. La Serbie des années 1990 était un pays en ruine, ravagé par la guerre, mais j’avais cette envie féroce de travailler, et j’ai donc réalisé mon premier film Land of Truth, Love and Freedom sans aucun budget. Je n’ai pas obtenu de financement non plus pour le projet suivant, je me suis donc mis à faire des films avec ce que j’avais. Aujourd’hui, les gens de l’industrie cinématographique sont surpris que j’aie pu réaliser Impure Blood. Ceux qui ne me connaissaient pas du tout vont tout de suite voir qui je suis vraiment. Mais, j'ai également de l'expérience avec toutes sortes de formats comme ceux des sitcoms télévisés, des vidéoclips et de la publicité, et j'ai donc l'habitude de travailler avec de grosses équipes sur des productions commerciales.

Pourquoi avoir choisi de travailler sur cette histoire en particulier ?
Tout est parti de mon intérêt pour l’histoire de notre cinéma. L’une de ses figures les plus emblématiques est Vojislav Nanović. Je savais qu’au début des années 1970 il avait écrit un scénario inspiré d’Impure Blood de Bora Stanković. C’est par pure curiosité que j’ai commencé à le rechercher. Nanović était un partisan pendant la Seconde Guerre mondiale, il a ensuite étudié la mise en scène à Prague et à Londres. À son retour, il est devenu un pionnier du réalisme social. Pourtant, au début des années 1960, la nouvelle génération, qui deviendra le mouvement yougoslave de la Vague noire, l'a jugé démodé et l’a rejeté. L’humiliation était telle que Nanović s’est exilé aux États-Unis où il a percé en tant que monteur. De retour dans les années 1970, déjà malade et oublié, il a écrit ce scénario qu’il n’a jamais réussi à tourner. Žika Pavlović a commencé à travailler dessus pour la télévision nationale dans les années 1980, mais le projet a finalement été abandonné. Puis, Vojislav Nanović est mort et le scénario s’est perdu. Grâce à une archiviste, je l’ai retrouvé dans un vieux studio de cinéma à Belgrade, posé au-dessus d’une armoise, couvert de poussière. Je n’avais aucune intention de travailler dessus jusqu’à ce que je le lise. J’ai alors immédiatement vu le potentiel du western de la première scène dans l'église, lorsque les Turcs y jettent ce chien malade. Et heureusement, mes producteurs et moi partagions le même avis.

Hadzi Trifun, interprété par l’acteur serbe adulé Dragan Bjelogrlić, est une figure autoritaire, mais tout au long du film, il perd progressivement son ascendance sur sa famille. Pourrait-on dire qu’il s’agit ici d’une métaphore de la fin du patriarcat ?
Tout mâle alpha se retrouve en échec sous le poids de sa propre paranoïa et de ses soupçons relatifs au mode qui l’entoure, et je pense que c’est d’autant plus vrai dans les pays de l’Est. Il se comporte en maître du clan familial, il est capable de gérer les problèmes concrets et sacrifie les autres au nom de ses propres idées sur ce qui est bien et mal. Mais il finit par s’effondrer, écrasé par le poids de la conscience qu'il a de l’horreur de ses propres actes. Et puis, je pense aussi que dans les pays de l’Est, nous ne sommes pas nés pour être des leaders. Hadzi Trifun échoue dans son ambition de tout contrôler.

Les personnages féminins sont encore plus intéressants. Les femmes semblent en apparence opprimées par le conservatisme patriarcal, mais elles sont en réalité libres d'esprit. En particulier Tsona, la sœur de Hadzi Trifun, qui assume ses mœurs légères.
Je suis tellement content que vous le voyez ainsi. C’est un véritable film de femme et je craignais que ça ne se voie pas. Parce que derrière le patriarcat, c'est aussi le matriarcat qui règne. En effet, les mères élèvent les enfants qui deviendront les futurs mâles patriarcaux. J’ai été inspiré par les films de Kurosawa dans lesquels la complexité des relations de pouvoir entre hommes et femmes est très bien exprimée. Et le personnage de Tsona est inspiré de véritables histoires du 19e siècle que Bora Stanković tient de sa grand-mère. Cette dernière devrait certainement figurer au générique de Impure Blood — Sin of Ancestors.

Vous préparez également une série télé ?
Effectivement. Nous travaillons actuellement sur une version télévisée de 10 épisodes de Impure Blood — Sin of Ancestors pour Radio Televizija Srbije (RTS). Ce que nous voyons dans la version cinématographique sera tout simplement développé dans les trois premiers épisodes, puis l'histoire suivra son cours.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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