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TORONTO 2021 Special Presentations

Fabrice Du Welz • Réalisateur de Inexorable

"J’ai essayé de ne pas trop faire l’artiste sur ce film, pour construire un pur thriller"

par 

- Le cinéaste belge nous parle de son nouveau film, qui s’inscrit dans la continuité de son oeuvre tout en renouvelant son cinéma en explorant la forme du huis clos

Fabrice Du Welz  • Réalisateur de Inexorable
(© Aurore Engelen)

Rencontre avec le cinéaste belge Fabrice Du Welz, dont le dernier opus, Inexorable [+lire aussi :
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, film intensément noir, est sélection au Festival de Toronto dans le cadre des Special Presentations. Il nous parle de ce nouveau film, qui s’inscrit dans la continuité de son oeuvre tout en renouvelant son cinéma en explorant la forme du huis clos.

Cineuropa : D’où vient l’idée d’Inexorable, quel cap s’agissait-il de suivre ?
Fabrice Du Welz :
Ce dont j’avais envie, c’était de construire un vrai thriller érotique, comme on en voyait à l’époque où j’étais adolescent, des films de studio comme La Main sur le berceau, Fatal Attraction, Basic Instinct, JF partagerait appartement, avec une vraie tension sexuelle, quelque chose de profondément putride, et en même temps très excitant. C’est ce que j’ai essayé de faire en recourant à un archétype, celui de la jeune fille qui vient révéler les mensonges de tous, mais en changeant ma manière de faire, notamment en étant beaucoup plus en retrait par rapport à la mise en scène, ce qui était l’antithèse de ce que j’avais fait avec Adoration [+lire aussi :
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L’un des premiers plans marquants du film, c’est une apparition spectrale, cette jeune fille habillée tout en noir qui avance aux côtés d’un immense chien blanc. Les deux semblent liés…
Sur le papier, ça peut paraître très théorique, et au fond, le spectateur ne s’intéresse pas forcément aux théories, aux intentions… Mais l’animalité est au centre du film, l’animalité de Gloria on la retrouve avec ce chien. Ce chien perdu qu’on va chercher au début du film fait écho à cette jeune Gloria tout aussi perdue, elle-même en quête de maître. Je ne voulais pas que la sauvagerie du récit soit juste démonstrative, je voulais qu’elle vienne de quelque part. Comme un opéra baroque. J’ai beaucoup travaillé la psychologie des personnages, et j’ai essayé de me soustraire le plus possible de la mise en scène. J’ai essayé de construire de manière plus précise, plus cérébrale ce film par rapport aux précédents, où même le récit avançait plus par intuition. La manière d’aborder le cadre ici est très différente. Il y a plus de plans larges, et même une forme de classicisme en réaction à mon film précédent, surement. J’ai essayé en fait de ne pas trop faire l’artiste sur ce film, et de construire un pur thriller. Un truc un peu old school, avec le grain de la pellicule, le générique à l’ancienne, qui fait profondément partie du film jusqu’à la toute fin. Un film emprunt d’une certaine nostalgie cinéphile, dans lequel on rentre comme dans un Chabrol, puis qui vire en une sorte de trou noir qui aspire le spectateur, et lui donne irrésistiblement envie de connaître la fin.

Qu’est-ce qui est inexorable pour l’homme ? Le mal ? Gloria en est-elle l’allégorie ?
Gloria est plutôt le symbole du mensonge. Dans les films de fantôme, ceux-ci sont souvent l’incarnation du mensonge, ou même du péché originel. Au fond, Gloria représente ça, elle arrive de manière spectrale dans cette maison qui semble paisible, au premier abord. Mais les mensonges, inavouables, parfois vieux de 20 ans, y sont profondément ancrés. Dès que le premier mensonge arrive, on ne peut plus retourner en arrière. Et cette mécanique m’a passionné.

Gloria révèle les mensonges, et les rapports domination, rapports de classe, de couple…
Je voulais que ces rapports ajoutent à la complexité des personnages, et de leurs relations. Le pouvoir bouge, de l’un à l’autre. On sait bien à mon âge, après avoir vécu des histoires d’amour un peu longues, que les dynamiques de pouvoir dans le couple peuvent être très mouvantes, et c’est souvent fascinant.

Marcel Bellmer représente la figure de l’imposture, se pose la question de la légitimité. C’est une interrogation inévitable, quand on crée ?
Moi en fait je travaille, et j’avance. La question de la légitimité, je ne me la pose pas. Celle de la posture ou de l’imposture, oui. Pourquoi on fait les choses, est-ce pour les bonnes ou les mauvaises raisons ? Il y a forcément quelque chose de moi qui se cristallise avec le personnage de Marcel Bellmer, et comme en plus il est interprété par Benoît Poelvoorde, et que je suis en admiration folle et en amour profond pour lui…

Le film est un huis clos, quelque chose de nouveau dans votre cinéma, où la maison est un vrai personnage.
Le personnage de la maison était très important. Avec Manu Dacosse et Manu De Meulemeester, on a travaillé sur les textures, les lumières, comment éclairer avec uniquement les sources de lumière présentes dans le cadre. C’est une valse à trois, on a investi et pensé la maison pour faire en sorte qu’elle évolue au fil du récit. Avec le mensonge, la béance s’ouvre de plus en plus. Et la maison, elle, commence à s’effondrer.

Contrairement à ce qu’on pouvait voir dans Calvaire [+lire aussi :
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interview : Fabrice du Welz
fiche film
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ou Adoration, il n’y a pas de grotesque dans la violence, on est dans un premier degré revendiqué, celui du film noir.

Je pense que c’est François Guérif qui disait que le film noir est un genre où il n’y a que des victimes, et c’est exactement ce que je voulais faire. Le grotesque, j’y reviendrai probablement, mais j’évolue, je vieillis. En fait ça n’a jamais été le grotesque qui m’intéressait, mais la poésie amorale. Je ne me pose jamais la question de la morale, même si je sais qu’on vit dans une époque où on la pose constamment. Dans une lettre à Maupassant, Flaubert écrivait : "Ce qui est beau est moral (…). La poésie, comme le soleil, met de l’or sur le fumier. Tant pis pour ceux qui ne le voient pas."

Ce qui m’intéresse, c’est la complexité des gens qui veulent et qui ne peuvent pas, ou qui peuvent et qui ne veulent pas. Si le film noir est aussi extraordinaire, c’est parce que les scénaristes ne se posent jamais la question de la morale.

Quels sont vos projets ?
Je prépare un nouveau film, Maldoror, l’histoire d’un jeune homme qui est devenu gendarme pour changer de vie, se rendre utile. Il intègre une opération montée pour surveiller un délinquant sexuel notoire. Ça se passe en Belgique, dans les années 90, ça fait évidemment écho à son histoire récente. C’est très documenté, le scénario est écrit, et on va essayer de tourner l’année prochaine.

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