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IFFR 2022 Compétition Tiger

Félix Dutilloy-Liégeois et Marguerite de Hillerin • Co-réalisateurs de A criança

“Pour nous, le cinéma est le meilleur medium pour parler de disparition et de deuil”

par 

- Le duo français nous parle de leur film, dont l’action de situe au XVIe siècle : un film dramatique en costumes pas comme les autres

Félix Dutilloy-Liégeois et Marguerite de Hillerin • Co-réalisateurs de A criança
Les réalisateurs Félix Dutilloy-Liégeois et Marguerite de Hillerin sur le tournage avec l'acteur Grégory Gadebois

Le duo de réalisateurs français formé par Félix Dutilloy-Liégeois et Marguerite de Hillerin vient de présenter, dans le cadre de la Compétition Tiger du Festival international du Film de Rotterdam, son premier long-métrage, L'Enfant [+lire aussi :
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fiche film
]
, sur un jeune homme qui a été adopté par un riche couple de marchands franco-portugais, dans le Portugal du XVIe siècle. Nous les avons interrogés sur leur choix de sujet et son lien avec leur travail précédent, sur la représentation qu'offre le film de cette époque, ainsi que sur l’esthétique du film et les comédiens.

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Cineuropa : Qu’est-ce qui a retenu votre attention dans le conte L'enfant trouvé de Heinrich von Kleist et vous a donné envie de l’adapter pour le grand écran ?
Félix Dutilloy-Liégeois : Nous sommes attirés par les textes de Kleist parce qu’ils sont pointus, directs et radicaux, jamais romantiques, ou classiques. L’enfant trouvé en particulier est riche de thèmes qui nous intéressaient : la disparition, la confusion sur l’identité, l’ambiguïté de l’héritage, le deuil, l’amour et la mort, le désordre des désirs, et surtout la relation qu'on peut avoir avec sa propre image.

Marguerite de Hillerin : L’enfant trouvé a été écrit l’année du suicide de Kleist, donc il fait l'effet d'avoir été créé dans un état d’urgence. C’est un texte ouvert, avec des brèches qui nous ont permis de nous projeter dedans, et d’y amener le cinéma. Nous avons réinventé un personnage doublé d'une ombre, comme Tartuffe dans le récit de Kleist, de manière à créer Bela et l'investir de problématiques typiques des jeunes gens. Nous avons aussi développé de nouveaux personnages autour de lui, comme Jacques, par exemple.

Votre moyen-métrage Les Ruines en été traite aussi de thèmes comme la disparition, le deuil et le remplacement. Y a-t-il un lien entre ces deux travaux ?
F. D.-L. :
Oui, il raconte l’histoire d’un couple qui a perdu un enfant. Juste au moment où ils sont sur le point de commettre un double suicide, le frère cadet de l’homme revient de l’étranger. D'une certaine manière, ils font la même expérience que le père, Pierre, dans L'Enfant.

M. de H. : Ces histoires nous intéressent parce qu’elles résonnent avec le cinéma comme médium qui représente le monde. Au cinéma, tout ce qu’on tourne et qu’on intègre au montage final devient éternel. Tout est immortalisé et cependant, il nous semble que le cinéma est le médium le plus puissant pour parler de disparition et de deuil. Cette contradiction magique est un mystère que nous voulons continuer à explorer. Ce sentiment d’absence-présence est le secret le plus profond de la vie.

Quid du processus consistant à transposer la littérature allemande au Portugal du XVIe siècle ?
M. de H. :
L'histoire de la nouvelle de Kleist se passe à vrai dire en Italie et Paulo Branco, notre producteur, nous a dit que nous pourrions sans doute tourner au Portugal. Nous avons donc étudié soigneusement l’histoire portugaise, et nous avons trouvé cette période, à la moitié du XVIe siècle, tout à fait fascinante, par sa beauté et sa violence : c’est une sorte d'apogée juste avant un long déclin ; chaque aspect de ce moment était riche en tournants décisifs qui faisaient écho à l’histoire que nous voulions raconter.

F. D.-L. : Il y a aussi, à cette époque, un roi, Jean III de Portugal, qui a perdu tous ses frères et sœurs et tous ses enfants. Son dernier fils meurt alors que sa femme est enceinte, de sorte que cet héritier à naître est attendu par tout le pays, parce que s'il n’y a pas d’héritier à la mort du roi, le Portugal va passer aux mains de la monarchie espagnole. Pendant l’écriture, notre récit et l'Histoire du Portugal se sont fondus ensemble de manière très efficace. Ça avait du sens.

On remarque tout spécialement les gros plans naturalistes que propose le film, qui le différencient de l’approche visuelle habituelle qu'adoptent les films en costumes. Quelles étaient vos intentions en choisissant cette approche ?
F. D.-L. :
Il était important pour nous qu'on puisse sentir le corps contemporain sous le costume d’époque, donc avant toute chose, nous avons demandé aux acteurs de trouver un langage du corps en eux, et seulement après, de jouer en costumes. Les personnages qu'on a écrits vivaient il y a cinq siècles, ils sont morts, mais les acteurs qui les jouent vivent aujourd’hui. Pour évoquer cette vie et l'universalité de l’histoire, il était aussi nécessaire de trouver des lieux où l'époque n’existe pas, ou à peine : les bois, une rivière, l’herbe, un champ sauvage, le ciel. Mais le visage de chaque personnage/acteur est aussi un endroit, de sorte que nous avons filmé les visages comme on pouvait filmer un arbre, un élément naturel : d’assez près pour sentir la vie qui les parcourt, le mouvement d’un oeil, ou des lèvres, leurs tremblements, etc. Pour le maquillage, nous avons travaillé avec l’artiste Ana Lorena, qui sait très bien jouer de la peau. Nous voulions voir la peau, sentir chaque mouvement vivant sur cette peau.

Comment avez-vous procédé pour le casting ? Aviez-vous déjà João Arrais à l’esprit, par exemple, en écrivant le scénario ou l’avez-vous choisi après ?
M. de H. :
Nous avons discuté du casting avec Paulo Branco, qui a fait de formidables suggestions ce qui pouvait jouer certains des rôles. Nous avions le sentiment que João Arrais serait parfait pour le rôle de Bela (nous avions l’avions vu récemment dans le court-métrage Bad Bunny de Carlos Conceição) et Paulo est immédiatement tombé d’accord. Nous avons organisé des réunions et des lectures de scènes au lieu d'auditions formelles, car nous avions surtout besoin de voir si nous pouvions construire un langage commun avec les acteurs. C’est comme ça que nous avons rencontré Inês Pires Tavares, qui joue Rosa, et qui a eu une manière formidable d’écouter et de réagir lors de nos premières rencontres. La principale difficulté était de constituer une équipe de gens qui aimaient le scénario, qui voulaient participer à un premier long-métrage et qui étaient convaincus que nous savions ce que nous voulions dire et créer.

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(Traduit de l'anglais)

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